Religion
La visite du pape à la Flandre et aux Pays-Bas.
Celui qui, de l'extérieur, a suivi le voyage du pape au Bénélux a dû s'ébahir du contraste saisissant entre l'accueil de la Flandre et celui des Pays-Bas. Si l'on a jamais prouvé que, pour parler la même langue, ces deux communautés n'en vivaient pas moins une tout autre identité, c'est bien au cours de ce voyage! Bien sûr, la Flandre est catholique dans son écrasante majorité alors que les Pays-Bas ne le sont que pour un tiers. Mais il serait simpliste d'imputer la différence d'attitude à cette seule constatation. Il y a plus.
On peut affirmer d'une manière générale que les Flamands ont naturellement le sens de la fête alors que les Hollandais -c'est à dessein que j'emploie cette dénomination restrictive et que j'évite le terme plus large de Néerlandais - veulent d'abord savoir: le pourquoi, le bien-fondé, la justification (etc.) des choses. Les Flamands agitent des drapeaux par sympathie ou en guise de protestation. Cette extraversion est étrangère aux Néerlandais. Sur le petit écran, drapeaux et bannières sont, plutôt que ne l'est l'épanchement d'un invisible coeur brûlant de sympathie, ressentis comme une invitation à la cordialité. Ces dispositions n'ont pas de lien direct avec la religion ou l'Eglise. Mais il se trouve que le pape est le chef d'une Eglise. Aussi voit-on également des différences dans la façon de l'accepter en tant que tel. Contrairement à la Flandre, les Pays-Bas ne connaissent pas de tradition ecclésiale populaire où les gens évoluent au sein d'un ensemble de symboles ressentis comme allant de soi. Aux Pays-Bas, rien ne va de soi.
Le protestantisme, dominant aux Pays-Bas, s'éloigne de l'ecclésialité populaire de tout son typique particularisme scrutateur; quant à la catholicité néerlandaise - marquée par son inesquivable relation avec la Réforme - on ne peut l'imaginer dégagée de ce particularisme toujours travaillé par le démon de l'investigation et de l'examen. Selon le sociologue flamand Kerkhofs: ‘La Belgique reste un pays catholique même si personne n'y fréquente plus l'église; c'est en cela que la sécularisation belge se distingue de la néerlandaise’. Aux Pays-Bas, celui ou celle qui ne pratique plus se fait rayer des listes, si son Eglise ne l'a pas déjà radié(e) ellemême! Aux Pays-Bas - plus qu'en Flandre - la foi est liée à la confession à laquelle on adhère. Cette quasi-excessive prise au sérieux de la foi et de l'église au sein de la catholicité des Pays-Bas a mené à l'adoption consciente de cette caractéristique mentale néerlandaise qu'est l'exigence d'avoir voix au chapitre; le célèbre Concile pastoral de Noordwijkerhout (1966-1968) en fut une éclatante illustration. Et c'est précisément la mise en oeuvre de ce processus - qui est par essence un processus de démocratisation - au sein de cette Eglise romaine aux structures si hiérarchiques qui a, à quatre reprises, amené Rome à décider la nomination d'évêques chargés de le freiner - ce qui, du reste, a plutôt eu l'effet contraire -.
On note en outre une autre différence marquée entre la Flandre et les Pays-Bas, à savoir que les catholiques néerlandais ont des évêques qui pour la plupart professent des vues diamétralement opposés à celles de la majorité des fidèles. La Flandre par contre dispose d'un épiscopat qui ne s'est pas coupé du peuple de Dieu. D'où, à l'occasion de la venue du pape dans les deux pays,