Politique
Cent ans de socialisme en Belgique.
La célébration du centenaire du socialisme belge a été un événement plutôt morose. Mis à part une exposition organisée à toute vitesse en dernière minute, il n'y avait rien qui donnât l'impression d'une véritable fête commune. On était tenté de croire les socialistes honteux de se présenter ensemble à une seule et même tribune, comme s'ils avaient préféré passer sous silence l'anniversaire de la fondation du Parti ouvrier belge - Belgische Werkliedenpartij (POB-BWP) au mois d'avril 1885. Soit dit en passant, le parti fut créé dans les murs de l'ancienne maison des Bouchers ‘Le Cygne’, sur la Grand-Place de Bruxelles, à l'époque un café populaire, aujourd'hui l'un des restaurants les plus renommés de la capitale.
Le Parti ouvrier belge ne fut pas, à proprement parler, le point de départ du mouvement socialiste en Belgique. Le Parti socialiste brabançon, le
Vlaamse Socialistische Partij (Parti socialiste flamand), le Parti ouvrier socialiste belge et nombre d'autres petits groupements encore étaient actifs, depuis tout un temps déjà, dans
Emile Vandervelde (1866-1938). (Copyright AMVC).
tous les coins du pays. Le Parti ouvrier belge entendait unir définitivement les forces que représentaient ces groupuscules. Son premier objectif fut le suffrage universel. L'instauration, en 1893 - soit moins de dix ans après la création du parti -, du suffrage universel plural - une voix par homme mais plusieurs voix pour certains hommes - entraîna d'un seul coup la percée du socialisme au niveau du Parlement à Bruxelles: on n'y comptait pas moins de vingt-huit députés socialistes sur un total de cent cinquante-deux, tous élus en Wallonie exclusivement.
Ce fut un réveil pénible pour la Belgique bourgeoise de la fin du dix-neuvième siècle, mais celle-ci sut s'adapter habilement à cette situation nouvelle. A la veille de la première guerre mondiale, les socialistes savaient que la lutte pour le suffrage universel était gagnée et que le bénéfice électoral leur en reviendrait. Ainsi, le Parti ouvrier belge était mûr pour devenir un parti de l'Etat belge à part entière: l'élan révolutionnaire du socialisme du dix-neuvième siècle était rompu. Avant la fin des hostilités, Emile Vandervelde, que l'on appelait ‘le grand patron’ du parti, devint membre d'un cabinet de guerre et, après l'armistice, le parti fut à plusieurs reprises un partenaire de coalition. De juin 1925 à mai 1926, la Belgique connut même un véritable cabinet travailliste composé de socialistes et de démocrates-chrétiens. Récoltant près de quarante pour cent des voix, le Parti ouvrier belge fut, à ce moment-là, le premier parti du pays. Mais cela ne dura guère, car sur le plan idéologique, le socialisme belge se trouva rapidement à court d'inspiration. Au gouvernement, les socialistes feignaient d'être les représentants d'une ‘classe’, mais face à la classe ouvrière, ils posaient en défenseurs de la légalité bourgeoise. Les militants se rendaient très bien compte de cette ambiguïté, responsable, au début des années vingt, de la rupture avec l'aile gauche du parti, qui devait donner naissance au Parti communiste belge - Belgische Kommunistische Partij (PCB-BKP). Le parti se montrait impuissant sur le plan politique, indécis dans le domaine idéologique et immobile en
matière économique. Dans ces conditions, la forte personnalité que fut Henri de Man n'éprouva guère de difficultés, à partir de 1933, à le convaincre d'adhérer à son Plan du travail. Celui-ci avait comme but principal la mise sur pied d'une économie mixte, comportant à la fois un secteur nationalisé et un secteur privé, et la réalisation d'un programme de planification incluant des nationalisations très sélectives. Le succès du plan de De Man fut foudroyant mais de courte durée. Au début de la deuxième guerre mondiale, De Man sombra dans une collaboration sans gloire avec l'occupant. En sa qualité de président du parti, il prononça la dissolution du Parti ouvrier belge et demanda aux socialistes de collaborer avec l'Ordre nouveau.
Toutefois, dans la clandestinité, on préparait la création d'un nouveau parti socialiste. Au lendemain de la guerre, le Parti socialiste belge - Belgische Socialistische Parij (PSB-BSP) remplaça le Parti ouvrier belge. Une fois résolue la question royale (en 1950-1951), les socialistes voyaient à nouveau poindre à l'horizon le cap des quarante pour cent des voix. En Wallonie, le socialisme avait, depuis longtemps, pénétré jusque dans les villages