Septentrion. Jaargang 9
(1980)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Notices - LivresOctave Landuyt, un livre impressionnant.Une monographie représentative consacrée à Octave Landuyt vient de paraître, résultat d'une excellente collaboration entre l'artiste, son épouse Mona et le critique d'art Emile LanguiGa naar eind(1). Mona Landuyt s'est attelée à un travail de bénédictin: elle a rédigé le catalogue des oeuvres jusqu'en 1977, qui remplit trois cents pages émaillées de nombreuses reproductions en couleurs et de quelques-unes en noir et blanc. L'oeuvre picturale, qui commence en 1940, compte 373 toiles. Les gouaches, aquarelles, dessins et feuilles aux techniques mixtes vont jusqu'au numéro 685, l'oeuvre graphique jusqu'à 723, les céramiques et sculptures jusqu'à 977. Les bijoux et ‘minisculptures précieuses’ vont jusqu'au numéro 1299. Il faut encore ajouter cinq tapisseries. Avec une méticulosité d'historienne de l'art, Mona Landuyt donne pour chaque oeuvre, outre les informations courantesGa naar eind(2), la bibliographie et la liste des expositions dans l'ordre chronologique.
Le texte d'Emile Langui - lui aussi d'origine gantoise comme Landuyt - se concentre sur la description et l'évolution de l'oeuvre. Toutefois, le lecteur demandant une approche où l'oeuvre d'art occupe la place centrale trouvera Langui dans l'autre camp. Quand l'information biographique peut favoriser la compréhension de l'objet d'art, il nous la fournit à juste titre. Le texte, assez succinct, est synthétique. Cette première partie du livre aussi est illustrée de nombreuses reproductions en couleur d'excellente qualité. Elles constituent l'essentiel de la monographie. Langui souligne l'évolution graduelle de l'oeuvre, sa perfection technique et surtout son pouvoir de persuasion. Il récuse toute accusation de morbidesse et prend position lorsqu'il l'estime nécessaire. Il situe l'artiste dans le cadre national et international.
Le style de Langui est précis dans la caractérisation des oeuvres, tandis que le causeur expérimenté des inaugurations d'exposition prend le temps d'introduire un nouveau sujet: ‘Mais laissons maintenant la parole aux critique...’ p. 172). ‘Rapportons ici l'anecdote suivante...’ (p. 47). Quelquefois, le lecteur souhaite que Langui quitte la perspective de la largeur pour celle de la profondeur. Commentant le motif de la tête penchée en arrière, il le situe dans une évolution de l'histoire de l'art remontant à Maerten van Heemskerck et William Blake et conclut par la question: ‘Quel est le refoulement qui se trouve à l'origine de ce symbole psychique?’Ga naar eind(3).
Premièrement, Van Heemskerck emprunta beaucoup à Michel-Ange. Celui-ci peignit à plusieurs reprises des têtes penchées en arrière, vues d'en bas, notamment en 1512 pour le prophète Jonas dans la chapelle Sixtine. Mais déjà avant lui, les maîtres du début et de la période classique de la | |
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Octave Landuyt: ‘Escadrille’, 1952.
Renaissance avaient montré une prédilection pour cette attitude, qui témoigne de leur maîtrise de la perspective corporelle. Ainsi Piero della Francesca, par exemple, en 1463, pour l'un des quatre soldats de La résurrection du Christ à Borgo San Sepulcro. Le sculpteur Oscar Jespers, représentant avec Landuyt les arts plastiques de Belgique en 1960 à la biennale de Venise, recourt à plusieurs reprises à cette attitude dans les années cinquante: les figures lèvent la tête dans une attente indécise. Nombre de cavaliers de Marino Marini semblent en faire autant plutôt dans un sentiment de résignation.
Dans une des peintures à l'huile de la première période, Escadrille (1952)Ga naar eind(4), l'attente se concrétise de manière saisissante au coeur de l'incertitude et de l'angoisse. De quatre figures scrutant l'air, le spectateur voit surtout le cou, partie très vulnérable du corps. Leur esprit est là où le spectateur ne peut les suivre. Cela vaut aussi pour Le son du liseron (1954)Ga naar eind(5). Un joueur de rugby, vu d'en bas, écoute en extase le chant de la fleur qu'il tient en main. Le haut-parleur, qui ‘crache ses aboiements’Ga naar eind(6) selon Langui, a curieusement la même forme que le liseron. Les bruits ne seraient-ils pas apparentés? Le hautparleur symbolise l'importance que revêt la présence de la fleur pour l'homme portraituré. Il s'impose pour la synesthésie, la relation qui s'établit entre le parfum et le son. La tête penchée en arrière se retrouve aussi dans les céramiques, par exemple dans Incantation (1958)Ga naar eind(7), où l'intention magique s'impose clairement. Angoisse, extase, magie, ce sont autant de situations émotionnelles. Dans deux d'entre elles, l'homme dépasse ses limites. Par la suite, nombre de figures en céramique tiennent la tête droite, mais les yeux regardent toujours vers le haut, fixes, commes vers un salut à espérer, par exemple dans La savante sacrilège (1970) et Le petit miraculé (1970)Ga naar eind(8).
Emile Langui range la première période créatrice sous l'étiquette du réalisme magique. Dans des huiles comme Le son du liseron et La crue (1958)Ga naar eind(9), Landuyt s'apparente plus à Pijke Koch qu'à Raoul Hynckes, Dick Ket ou Carel Willink. Des écrivains magiques réalistes marquèrent d'autres oeuvres: s'inspirant de l'auteur gantois Johan Daisne, Landuyt aussi composa L'homme qui s'est fait tondre les cheveux ras (1949)Ga naar eind(10).
En 1958 se développe progressivement - grâce entre autres à l'observation de la vie dans le microscope électronique - la période que Langui qualifie d'infra-réalisme, parce que Landuyt révèle l'infrastructure de la matière, entendons la structure que son esprit créateur croit observer. Ces oeuvres s'intitulent par exemple Surface essentielle, Récif de corail ou Mécanisme initialGa naar eind(11). Les couleurs de ces huiles comportent des réminiscences du sang et des animaux abattus qu'Octave enfant, horrifié, voyait quotidiennement dans l'abbatoir au rez-de-chaussée de la maison où il habitait à Eeklo.
Les huiles ont beau être antérieures aux cérami- | |
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ques, celles-ci n'en semblent pas moins influencer les ceuvres picturales: parfois, les yeux et la bouche deviennent des cavités, la peau semble engobée, par exemple dans L'inutile (1965)Ga naar eind(12). Le visage guetteur est peint si matériellement qu'il semble s'écarter de la peau en tant que matière au point de nous faire songer à un paysage lunaire. Landuyt représente ici l'attente, l'aspiration, sur le mode expressionniste. Nous retrouvons la même attention portée à la matière, combinée avec une appréciation de l'archaïque, notamment chez Henry Moore et Marino Marini; chez ce dernier, elle s'exprime en outre à travers une très riche patine. Déjà perceptible dans les oeuvres magico-réalistes, l'élément d'irréalité prend une place de plus en plus importante: il y a une influence indéniable des masques que possède Landuyt dans sa collection ethnographique. Et l'horrible décomposition qu'il représente dans une céramique comme Atomic (1967)Ga naar eind(13) mérite d'être comparée aux meilleurs récits surréalistes de Jacques Hamelink, lorsqu'il décrit par exemple dans la nouvelle Un orage interrompuGa naar eind(14) comment l'être humain se mue naturellement en un être marécageux. Dans les figures céramiques de Landuyt, qui s'apparentent plus à l'oeuvre de José Vermeersch qu'à celle de Carmen Dionyse, l'intervention dans la figure humaine va plus loin que chez Vermeersch. Comme Octave, enfant, jouant dans la boue, faisait de petites formes qu'il enjolivait à l'aide de petites plumes, de branchettes et de petits cailloux, l'artiste adulte orne ses céramiques de plumes hautes en couleur quand cela lui plaît. Ses bijoux non plus, Landuyt ne les confectionne pas de manière traditionnelle. Ils sont capricieux, surchargés, non conformistes, humoristiques et quelquefois barbares. Certains versent dans le kitsch. D'autres, comme Mexicanitos (1965)Ga naar eind(15) sont si sertis de telle sorte que le relief naturel de la pierre, se trouve accentuée et éminemment mis en relief par un enchâssement sobre. Pour finir, Emile Langui s'attarde encore sur la part plus anonyme de la créativité de Landuyt, dans le domaine de l'esthétique industrielle: meubles, installations sanitaires, congélateurs, textiles et ainsi de suite. Nombre de pages d'illustration comportent des textes de Landuyt, citations aux confins de la prose et de la poésie. Celui qui croit y déceler une parenté avec la poésie de Gust Gils, Hugues Pernath et Hugo Claus, poète de Tancredo infrasonic, ne se trompe pas. Quelquefois, ils frisent la logorrhée et on peut leur préférer tout simplement les titres éminemment poétique que Landuyt trouve pour certaines oeuvres. Octave Landuyt est un artiste polyvalent et original, même sur le plan international. Emile Langui écrit qu'il ‘a atteint le niveau le plus élevé (...) où le coassement des grenouilles et des crapauds du
1. Octave Landuyt: ‘L'inutile’, 1965.
2. Octave Landuyt: ‘L'incantation’, 1958.
marais ne lui parvient plus’Ga naar eind(16). L'artiste se passe très bien d'une telle défense. Octave Landuyt est un livre impressionnant.
José Boyens. | |
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Octave Landuyt: ‘Mexicanitos’, 1965.
Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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