Michel de Ghelderode ou la Comédie des apparences.
Après le centre G. Pompidou à Paris, c'est la Bibliothèque royale à Bruxelles qui a accueilli l'exposition Michel de Ghelderode ou la Comédie des apparences’. L'heureuse initiative est due au Ministère de la Communauté française de Belgique qui a confié la direction scientifique de l'exposition et la rédaction du catalogue (avec une excellente introduction) au grand spécialiste de ce dramaturge, le prof. R. Beyen de la ‘Katholieke Universiteit Leuven’. Un grand coup de chapeau pour cette forme malheureusement trop rare de collaboration entre les communautés linguistiques en Belgique! Le visiteur, même initié, est frappé surtout par deux choses. D'une part, par l'imagination exubérante de Ghelderode qui a imaginé des costumes grotesques et symboliques, des masques effrayants ou cocasses, des mises en scène à vous couper le souffle. Bien sûr, ces costumes, ces masques, ces mises en scène doivent sans doute beaucoup aux différents metteurs en scène et à leurs collaborateurs mais toujours est-il que ce sont bien les fantasmes de Ghelderode qui ont déclenché ce faisonnement de formes et de couleurs. ‘Par la diversité inépuisable de ses moyens scéniques, par la plasticité et par l'aspect visuel de son théâtre, Ghelderode permet aux metteurs en scène et aux comédiens de se livrer à toutes les expériences’ (cat., p. 12). Ghelderode, c'est vraiment - et longtemps avant la lettre - l'imagination au pouvoir. Une imagination baroque qui ne recule devant aucun excès, qui les cultive même parce que toute vie véritable est faite d'excès de toute sorte. Ghelderode se complaît dans les situations crûment érotiques auxquelles une
mort imminente et cruelle ajoute son piment de cruauté. Purmelende de Sire Halewijn résumé ces deux hantises de l'érotisme et de la mort lorsqu'elle s'écrie à l'approche du séducteur: ‘Je ne veux pas l'amour, je veux aimer; je ne veux pas la mort, je veux mourir d'aimer’!
L'autre aspect qui étonne le visiteur, c'est la fascination universelle que l'oeuvre de ce dramaturge belge exerce sur les amateurs de théâtre du monde entier. Après des débuts plutôt difficiles - le théâtre francophone de Belgique l'a boudé jusqu'en 1934, soit presque dix ans après la première collaboration entre Ghelderode et le Vlaamsche Volkstoneel qui créait ses pièces en traduction! - ce fut, en 1949, le grand triomphe à Paris lorsque, ‘au Concours des Jeunes Compagnies, le premier prix fut remporté par Fastes d'Enfer le troisième par Mademoiselle Jaire’. (cat., p. 5).
Après une période de désaffection du public français, l'intérêt reprit en 1962, à la mort du dramaturge, et ne s'est pas encore démenti depuis.