Septentrion. Jaargang 8
(1979)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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verwondering (L'étonnement) de ‘grandiose, déconcertant et affreux, suffocant comme un cauchemar...’, et Edgar Reichmann a parlé des ‘kermesses oniriques de Hugo Claus’ (Le Monde du 12 août 1977). En général, ce livre est considéré comme un des plus importants de la main du poète, romancier et dramaturge flamand, duquel ont déjà paru en traduction française des Poèmes, Thyeste, adaptation d'une tragédie de Sénèque, les pièces Sucre, Andrea ou la fiancée du matin, Vendredi, les récits La chasse aux canards, Jours de canicule et L'homme aux mains vides et le roman baroque et blasphématoire A propos de Dédé. L'étonnement peut être considéré comme le plus important et le plus typique des ouvrages déjà publiés en français.
Il ne s'agit certes pas d'une lecture facile, à cause de la structure fragmentée (citations dissimulées, flash-backs, fragments de journal, détails à première vue sans rapport avec l'ensemble, passages et dialogues réalistes...) et à cause de la fugacité, de l'imperfection intérieure du personnage principal. L'intrigue elle-même est du reste assez simple: un petit professeur de langues rencontre la jeune femme Sandra lors d'un bal masqué. Par la suite, un élève le conduira au petit château où elle habite. Comme on l'y prend pour quelqu'un d'autre, il y sera admis. Ce petit château est le lieu de rencontre d'un groupe d'anciens collaborateurs de guerre, qui y célèbrent le souvenir de l'officier SS Crabbe. Ce Crabbe, disparu au front de l'Est, a joué un rôle important dans la vie de Sandra. Affolé par l'atmosphère bizarre du château, le professeur s'enfuit, mais il est déjà tellement déconcerté qu'il finira dans un asile psychiatrique. Il n'a pas pu maîtriser son ‘étonnement’ concernant l'horreur universelle du monde contemporain.
Le lecteur qui ne se contentera pas d'une lecture ‘naïve’ de ce roman pourra chercher une certaine orientation dans la postface de Jean Weisgerber, qui dénoue l'allégorie, les ‘mille fils dissimulés, à l'envers de la trame’, comme dit Claude Roy dans son avant-dire. Weisgerber analyse la structure et les allusions plutôt cryptiques: le voyage d'Ostende à Almout et la conquête de Sandra, soit le cheminement et le conflit. Il découvre dans le nom ‘Almout’, aux consonnances bien flamandes, l'allusion à l'Alamût des Persans, résidence de la secte des Assassins. Il explique également l'allusion à Joris Van Severen, fondateur du mouvement autocratique Verdinaso, assassiné à Abbeville en mai 1940, la ressemblance entre le nom de l'élève-guide, Verzele, et celui de Virgile, guide de Dante Alighieri en enfer, l'origine du nom du personnage principal, De Rijckel, et ainsi de suite. La lecture préalable de la postface est donc une aide précieuse et efficace pour une meilleure compréhension du roman.
Je voudrais rendre hommage également à la traductrice, Maddy Buysse. Comme le dit à juste titre Claude Roy, le néerlandais est ‘une de ces langues où la communication avec le reste du monde est tributaire du talent des traducteurs’. Et de continuer tout de suite que le Thyeste de Claus avait été ‘admirablement traduit en français, comme presque toute son oeuvre, par Maddy Buysse’. Avec L'étonnement, elle ajoute sans aucun doute une tantième perle à sa couronne de traductrice.
Et pour finir: la collection Le plat pays, dirigée par Jacques De Decker, devient de plus en plus un panthéon de la littérature flamande. Quand De Decker l'ouvrira-t-il également à des auteurs néerlandais?
Jan Deloof. Hugo Claus: L'étonnement. Traduit du néerlandais par Maddy Buysse. Avant-dire de Claude Roy. Postface de J. Weisgerber. Bruxelles, Ed. Complexe, Le plat pays, 1976, 255 p. |
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