française, ‘Li Plaid’ mais fait allusion, à plusieurs reprises, à d'autres branches. La seconde partie (approx, à partir du v. 1900) est plus originale: la confession publique de Reynart, avec le récit de la conspiration inventée contre Noble, le roi.
Cette division en deux parties bien distinctes a longtemps donné lieu à la supposition que l'épopée flamande avait été écrite par deux auteurs, mais l'oeuvre constitue un diptyque tellement homogène que le plus souvent, la paternité littéraire en est actuellement attribuée à un certain Willem, pour le reste tout à fait inconnu.
Que le lecteur nous pardonne un tantinet de chauvinisme, mais pas mal d'auteurs, après avoir comparé, ont fait l'éloge de l'épopée flamande, de sa structure solide, sa verve humoristique et la peinture convaincante des caractères. Le professeur J.W. Muller, qui s'est chargé de l'édition critique de Van den Vos Reynaerde, n'hésite pas à formuler la conclusion suivante: ‘Somme toute, une oeuvre d'art qui l'emporte à presque tous les égards sur toutes autres épopées animales latines, romanes et germaniques’.
Le professeur E. Rombauts a écrit la préface de l'adaptation de Liliane Wouters. Il montre comment Goethe était ravi du Reynke de Vos (en bas-allemand, paru à Lübeck en 1498), qui à son tour remonte à une oeuvre écrite en moyen-néerlandais, communément appelée Reinaert II. Et Rombauts de dire: ‘Très vraisemblablement l'enthouisiasme du grand poète allemand aurait été bien plus vif encore s'il avait eu connaissance de cette dernière épopée (c.à.d. le Reinaert I ou Van den Vos Reynaerde) qui, dans son esprit, sa composition et sa valeur artistique, dépasse de loin l'adaptation du 14e siècle’.
L'introducteur donne un aperçu très clair des diverses influences, mais démontre en même temps la grande indépendance et la fougue littéraire de Willem. Et voici sa propre conclusion: ‘Par la motivation des actes (de ses personnages), l'analyse psychologique de leur comportement, l'éventail des nuances et l'approfondissement de leurs états d'âme, Willem dépasse tous ses prédécesseurs’. Les lecteurs intéressés regretteront avec moi que Liliane Wouters ne dévoile rien de sa technique, de ses aspirations, des difficultés qui se sont accumulées sans aucun doute au cours de son travail, ou de sa façon de tourner les écueils les plus dangereux.
Mais nous ne pouvons que constater par la comparaison des deux textes que la traduction française suit le texte original de très près et que les rimes sont maintenues, bien que ce ne soit pas toujours des rimes plates régulières. La langue est archaïsante, avec omission de maints articles et pronoms personnels, et avec des constructions de phrase un peu ‘tordues’ parfois pour les besoins de la rime. J'ai néanmoins l'impression que la traduction se lit aisément. Etant trop influencé par ma connaissance du texte original, je n'ai aucune idée de l'impression que la traduction pourra faire sur un lecteur francophone qui ne peut pas comparer, mais j'ai pu constater qu'elle est louable et fidèle.
De toute façon, Liliane Wouters mérite notre plus profonde reconnaissance, d'une manière générale, pour ses efforts pour faire connaître la poésie néerlandaise au public francophone (rappelons également ses Belles Heures de Flandre et ses adaptations de Guido Gezelle) et plus particulièrement pour son travail de bénédictin sur ce Reynart le Goupil qui honore la Collection Unesco d'oeuvres représentatives.
Jan Deloof
Reynart le Goupil. Traduction française de Liliane Wouters. Introduction de E. Rombauts. Ed. La Renaissance du Livre, Bruxelles - Coll. Unesco d'oeuvres représentatives, Série européenne - 1974 - 142 p.