le cercle des choses
‘Le lecteur flamand, auquel ce choix ne s'adresse pas, mais qui le lira néanmoins, apprendra que sa contribution la plus originale à la littérature médiévale est l'humour... Au lecteur français, que l'auteur veut séduire tout au long de ces pages, il montre que la littérature thioise a affirmé sa présence au Moyen Age et que, en fin de compte, la beauté d'une langue va au-delà de la langue.’
C'est par ces mots que M. Herman Liebaers, conservateur en chef de la Bibliothèque Royale à Bruxelles, termine son avant-propos, dans l'anthologie de poésie en moyen néerlandais (thiois) qui a paru en 1970 sous un titre peut-être un peu énigmatique, Le cercle des choses. Le choix et la présentation des textes ont été faits par Madame Claudine Lemaire, qui a obtenu la collaboration de toute une pléiade de traducteurs assidus et compétents: Mesdames Liliane Wouters, Claire Leflot et Monique Maka-De Schepper, Mademoiselle Renée Préaux, Messieurs Roger Brucher, Robert Guiette, Emile Lauf, Guy Leflot, J.B. Porion, Jean Rossbach et Jan Van Craen. En outre, certains textes (surtout d'inspiration mystique) ont été puisés dans des publications antérieures, par exemple des traductions de Ruusbroec l'Admirable par Maurice Maeterlinck ou par les Bénédictins d'Oosterhout et de Wisques.
Dans une introduction d'une dizaine de pages, Madame Lemaire justifie le choix des textes et commente les caractères propres de la littérature thioise, considérée dans l'ensemble de la littérature médiévale en Europe occidentale; le rôle du français et le bilinguisme aux Pays-Bas septentrionaux et méridionaux (qu'elle exagère peut-être légèrement, sous l'influence de Pirenne); et enfin la position des traducteurs vis-à-vis des oeuvres originales.
L'introduction nous révèle clairement que l'anthologie Le cercle des choses est le résultat de teamwork dans le sens propre du terme, de sorte que c'est à juste titre que le Ministre belge de la Culture Néerlandaise a décerné en mars 1972 le Prix accordé par l'Etat aux meilleures traductions à toute l'équipe qui a contribué à la réalisation du projet.
Bien que Madame Lemaire aussi bien que M. Liebaers aient mis l'accent sur le fait que l'humour est un trait original de notre littérature médiévale, la part du lion a été faite à bon droit aux auteurs mystiques comme Hadewych, Ruusbroec, Beatrijs van Nazareth, et bien d'autres, dans le chapitre intitulé ‘La spiritualité’.
Mais presque aussi important est le chapitre II, ‘La poésie profane’, avec les grandes ballades épiques (Heer Halewyn, Het waren twee conincskinderen, etc.), Henric van Veldeke, Jean 1er, duc de Brabant, et tant de chants populaires du manuscrit de Gruuthuse. Les autres chapitres, précédés chacun d'une présentation succincte mais instructive, portent sur le roman courtois, le théâtre profane et sacré, la critique et la satire sociales, la critique littéraire et les textes didactiques, qui abondent aux 13e et 14e siècles.
On peut se demander si le 15e siècle, le siècle des rhétoriqueurs, n'aurait pas formé un beau chapitre final, avec, entre autres, le rude Anthonis de Roovere et les auteurs inspirés de ‘Mariken van Nieumeghen’ et ‘Elkerlyc’. Mais dans sa forme actuelle Le cercle des choses compte déjà 422 pages... et représente un vrai ‘Livre d'Or’ des 13e et 14e siècles.
Je crois que tous les facteurs sont réunis pour atteindre le but tel que Madame Claudine Lemaire le décrit: ‘Le but n'est pas de proposer une anthologie systématique de la littérature médiévale néerlandaise, encore moins d'en retracer l'histoire à l'aide de textes. Le titre du livre, poétique puisqu'il s'agit d'un vers emprunté à un poème mystique du début du XIVe siècle, est une invitation au lecteur francophone à entrer de plain-pied dans le cercle, fermé parce que trop peu connu, de la littérature thioise pour en cerner les constantes et en découvrir les hauts lieux’.
Jan Deloof
Le cercle des choses, textes traduits du moyen néerlandais, choisis et présentés par Claudine Lemaire. Edité avec l'appui du Ministère de l'Education nationale et de la culture néerlandaise par la Bibliothèque royale Albert 1er, Bruxelles. 1970 - 422 p.