Het prieel der gheestelicker melodiie
(1617)–Anoniem Het prieel der gheestelicker melodiie– Auteursrechtvrij
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Auz despens de son sang a contracté l’accord,
Q’il a voulo seeller luy mesme par sa mort
Violente & cruelle.
Ayant de mes pechez viue contrition,
Ie desire chanter sa mort & passion,
Ma seule confiance:
Car le pauure pecheur voudroit parler tousiours
Du remede excellent, qui luy donne secours
A sa mortelle offence.
Ie prie, Seigneur, ne me mets en oubly;
Iay le corps tout pesant, & le coeur affoibly,
Pour monter la montagne:
Tu la montes pour moy douloureux & sanglant,
De playes deschiré, don’t le sang ruisselant
Tout la terre bagne.
Tout chargé de douleur ie veux fuyure tes pas;
Car mon ame se veut trouuer à ton trespas,
Pres de la vierge saincte:
Où des yeux de la foy ie te verray mourir,
Faisant de mes sanglotz & larmes retentir
Vne triste complaincte.
Ie voy sur le bois dur tes membres estendus,
Le corps ensanglanté, les mains & pieds fendus:
Le couronne d’espines
Te perce le cerueau iusqu’au profond des os:
Voy-là, mon Redempteur, le lict de ton repos
Garni de ces cortines.
I’aurois le coeur taillé d’vn froid & dur rocher,
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Si auecque les cloux ie ne sens attacher
Mon amitie captiue,
(Que le monde trompeur desire d’oublier)
Pour à ta saincte Croix tous mes desires lier,
De l’amour vnitiue.
Ce fut ton infinie & douce charité,
Qui embrassa la mort en toute humilité,
Pour sauuer le coulpable:
O Pere liberal, espoir des affligez,
De quels liens d’amour sommes nous obligez
A ta grace ineffable!
Au pied de ceste croix ie feray mon logis.
Ie veux estre le fer du glaiue de Longis.
Pour soulager ma peine:
Ie plongeray mon coeur sans ce precieux sang,
Qui, pour nous racheter, ruissela de ton flanc,
Comme d’vne fonteine.
Ce sont quatre torrens sortans de Paradis,
Qui peuuent embraser les coeurs plus refroidis
Dans le sang, qui boüillonne:
Le feu de ton amour consomme noz pechez;
Et le pourpre honoré sortant des cloux fichez,
Nostre ame enuermillonne.
O lumiere du ciel, ô flamboyant Soleil,
Qui as executé l’arrest de ton conseil,
Illumine noz ames:
A fin que nous puissions contempler nuict & iour
L’immense charité de ton diuin amour,
Qui descouure ses flames
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Mais voyez, s’il vous plait, ô grand Dieu immortel;
Vueillez ietter voz yeux d’vn amour paternal
Sur ce sainct sacrifice:
Acceptez la valeur de ceste oblation;
Regardez l’innocent, qui s’est fait caution,
Payant vostre iustice.
C’est l’abysme d’amour de cest vnique enfant,
Lequels s’est abbaissé du throne triumphant,
Pour appaiser son Pere:
Au temps praedestiné il nasquit soubs les loix,
Et fut sacrifié sur l’arbre de la croix,
Au sommet de Caluaire.
A sa piteuse mort l’vniuers se trouble,
Le Soleil s’obscurcit, & la terre trembla,
Les rochers se fendirent:
Mais les Iuifs obstinez, ingratz, sans amitie,
Cruels, fiers, enuieux, & sans auoir pitie,
Felonnement l’occirent.
L’heure de None vient, le Soleil s’abbaissant
Auoisine la mort du Sauueur tout-puissant,
Qui est en agonie:
Il donne son esprit à son Pere eternal,
Mourant sacrifié sur le sanglant autel,
D’vne’ amour infinie.
Sur la pierre d’aymant, par vn poinçon de fer,
Dieu graua le peché, qui fit ouurier l’enfer
Pour la premiere offence:
Mais tout bruslant d’amour le Sauueur Iesus Christ
De l’eau de son costé a rayé cest escrit
Par le fer d’vne lance.
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Si ie ne puis sentir ses forts eslancemens
Qui donnerent l’effroy à tous les elemens,
Voyans mourir leur maistre:
Aux moins ie te supply, que ie soy vn des morts,
Qui à ce grand pardon se reueste du corps,
Pour du tombeau renaistre.
A deux genoux flechis ie salüe la croix,
Et le fruict precieux attaché à ce bois,
I’adore ces mysteres:
Ie baise les pertuis des espines & cloux;
Ce sont medicaments salutaires & doux
A mes playes ameres.
Goustez vn peu mon coeur les assaux doloureux
Que la Vierge sentit, voyant deuant ses yeux
Tous obscurcis de larmes
L’amere passion de son fils trespassé,
Ayant les yeux ternis, & le costé percé
Du glaiue des gendarmes.
Quand la cruelle mort, enflée du butin,
Eut monstré son effort, sur le Verbe diuin,
Pensant estre vengée:
Les amis esplorez, ayans veu son trespas,
Descendent ce sainct corps entre les foibles bras
De la mere affligée.
Mon ame suy de pres ce funebre apparail;
Et lors que tu seras pres du marbre vermeil,
Iette toy dans la tombe;
Laissant ce noir manteau, qui te couure le coeur,
Suyuant le fils de Dieu, triomphant & vainqueur,
En habit de colombe.
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