Het prieel der gheestelicker melodiie
(1617)–Anoniem Het prieel der gheestelicker melodiie– Auteursrechtvrij
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La Fille.
MAlheureux Monde, ie vous ay
Seruy seize ans ou d’auantage;
Et toutesfois recue ie n’ay
De vous aucun salaire ou gage:
Lors que i’estoy bien ieune d’aage,
Employant pour vous corps & bien,
Vous me promistes rouge rage;
Et ie suis encor’ auec rien.
Le Monde.
MA Fille, attendez vous à moy;
Ie vous seray gratieux maistre:
Pour mes seruans i’ay bien dequoy
Les payer, quand ie m’y veux mestres.
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Quant il me plaist ie puis promestre
Or, argent, puissance & honneur;
Dont, si ie veux, vous pourrez estre
Femme d’vn Roy, ou grand Seigneur.
La Fille.
Monde ik me semble, ou ie le crains,
Que vous trafficquez de finesse;
Et que voz propos sont tous plains
De faintise, & vaine promesse:
Puis que i’ay si tres peu d’adresse,
Et tant de peine à vous seruir;
Pour certain Monde ie vous laisse,
Aussi bien me fault il mourir.
Le Monde.
Quoy, mourir! pensez vour desia
A desloger? c’est fantasie;
Vous pourrez penser à cela
En la viellesse; ie vous prie
De chasser loing melancolie:
Suyuez mes passetemps plaisans:
Menez tousiours vie iolie;
Au moins durant voz ieunes ans.
La Fille.
Soit tost ou tard, Monde, il me faut
Mourir, & à Dieu compte render:
Puis qu’ainsi est, peu certes vaut
Le plaisir qu’en vous on peut prendre:
Car vous ne me pourrez deffendre
A la mort, ny en iugement:
Desormais donc ie veux entendre
A seruir Dieu deuotement.
Le Monde.
Ha poure Fille, j’apperçoy
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Que tu es folle & insensée,
De te mettre en si grande esmoy;
Pour ie ne sçay quelle pensée;
Ca, ça, sans plus estre empeschée,
Reçois le temps comme il viendra:
Mais quand tu feras trespassée,
Aduienne alors comme il pourra.
La fille.
Monde, tu me veux deceuoir;
Tu ne tiens compte de mon ame:
Toutefois il m’y faut pouruoir,
Craindant d’enfer l’horrible flame:
Helas, ie seroy bien infame,
Si pour tes plaisirs imparfaictz,
I’estoy soubz la funeste lame
De l’enfer, bruslant à jamais.
Le monde.
Va donc là où tu peux aller;
Si tu me laisses, ie te laisse:
De toy ne me veux plus mesler;
Par tes raisons plus ne me presse:
Ie te bannis de mon adresse,
De mes plaisirs & de mes biens;
Et te dis, que peine & detresse
Auras, tant de moy, que des miens.
La fille.
Monde mechant, je n’ay soucy,
Ny de toy, ny de ton affaire,
A Dieu m’en voy prier mercy,
Rendre en quelque lieu solitaire,
Et là de mon coeur volontaire
Ie seruiray le Roy Iesvs,
Par penitence salutaire
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Satisfaisant pour mes mesus.
Adieu parens, adieu amys:
Adieu l’affection mondaine:
Adieu celles, pour qui iadis
I’ay suiuy la vanité vaine:
Ie suyuray le chemin qui meine
Au lieu où sont les vrays esbats:
Aymant mieux pour Dieu estre en peine,
Que pour le monde estre en solas.
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