René de Graeve, ou la Sorcellerie du Signe.
Cet homme était exceptionnel, hors limites! Géant flamand, René de Graeve était ‘puissant’. Ce terme de puissance, d'un pouvoir évident émanant de sa solitude nuancée qui n'était certes pas l'isolement. Qui l'approchait ressentait sa brûlure astrale: l'envoûtement ambre-feu de son regard brûlant, de sa barbe hidalgo, de sa voix pénétrante. Déjà il vous mettait à vif, à nu. Avant toute chose, ce peintre de génie pénétrait l'être et ses arcanes, corps et âme. Et l'esprit à toutes échappées.
Psychologue? Mieux, plus avant que la ‘psuché’, l'esprit, l'ensemble animal de son interlocuteur. Et quelle élégance dans le savoir-dire, ce fluide subtil d'exprimer, de nuancer, d'affabuler... C'eut été à haute manière, le plus charmeur (il ‘incantait’ littéralement), le plus prenant de nos conteurs d'aujourd'hui. Venu du pays, pagus, paganus, hissé droit et vite vers la célébrité, mais sauvegardant toute sa profonde forme de vie, son Amour vers Celle qui lui donna tout. Ayant voulu et su préserver son Art. L'Art! Car René de Graeve était cet Art lui-même. Au don miraculeux - vraiment miraculeux - de comprendre, il joignait in consensu celui étonnant d'exprimer. La Magie était son domaine, de l'aura qui le nimbait, à cet intense prestige d'une farouche personnalité, au Signe d'Or de son pinceau magicien. Il était sorcier, capteur de toutes sources, raffiné à plaisir, frère profond de notre frère l'Homme, en un mot, essentiellement humaniste: homo sum, nil mihi alienum. Grâce à cela, René fut un tel peintre! René de Graeve, l'un des plus hauts peintres de notre école Flandre Française. Assimilateur au talent génial, à la facilité inouie. Né à Mouscron, mort à Lille il y a peu d'anneés. Sa compagne, Madame Cecile de Graeve-Duriez, a su garder haut sa mémoire.
Emmanuel Looten