Ons Erfdeel. Jaargang 11
(1967-1968)– [tijdschrift] Ons Erfdeel– Auteursrechtelijk beschermd
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La longue nuit.Que l'on veuille se pencher sur les origines du problème linguistique que connaît la Belgique et l'on s'apercevra que c'est par antiphrase qu'on parle d'‘impérialisme culturel’ flamand.
Dirk Wilmars nous servant de guide - ‘Le problème belge’ (1) - limitons-nous à la question de la minorité francophone en Flandre.
Les traces de francisation sont fort anciennes, certaines remontent au haut Moyen-Age. A Anvers, le recul du dialecte flamand en usage a commencé au XVIème siècle. Le commerce international fut le promoteur de la langue française que l'on finit par employer non seulement par intérêt mais par snobisme.
Le même phénomène se produisit à Bruges qui était reliée à Venise par des caravanes traversant la France de part en part (foires de Champagne), et à l'Angleterre, pays fournisseur de laine. Le français était la langue du souverain et celle du suzerain.
A la fin du XVIème, la décadence du Sud entraîna des émigrations massives vers les | |||||||||||||||
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Pays-Bas du Nord, l'Allemagne, l'Angleterre, la France. La bourgeoisie opulente restée sur place s'enferma dans ses privilèges, se trouva complètement coupée du peuple dont elle méprisait le langage, ‘ramassis de dialectes grossiers’.
La splendeur de la Maison de Bourgogne, la création de l'Ordre de la Toison d'Or, favorisèrent également la diffusion du français dans les classes possédantes. La noblesse, la bourgeoisie flamandes se mirent à imiter servilement les gens de cour. Il en fut ainsi jusqu'aux premières décades du XIXème siècle, mais le point culminant de ce processus a coïncidé avec l'apogée de la culture française et de son influence en Europe, soit entre 1650 et 1700.
L'invasion du pays par les troupes de la Révolution et de Bonaparte aggrava encore la condition des ‘manants’. La presse flamande fit l'objet de poursuites, tous les documents officiels, actes notariés etc. durent être rédigés exclusivement en français. Plus tard, le rattachement de la Flandre à la Hollande ne changea pas grand-chose à la situation linguistique. Les nouveaux maîtres estimèrent que la machine administrative fonctionnait convenablement ce qui permit à la classe dirigeante francophone de se maintenir en place. | |||||||||||||||
L'aube.Le 18 juillet 1814, le gouvernement lève l'interdiction de rédiger les actes notariés en néerlandais, mais, si la majorité du peuple parlait toujours son dialecte flamand, rares étaient ceux qui savaient encore écrire la langue.
De plus, non seulement il y avait une grande différence entre l'idiome parlé dans le Sud et la langue néerlandaise qui s'était imposée dans le Nord, mais les Flamands, catholiques, nourrissaient une certaine animosité à l'endroit des Hollandais, en majorité protestants. La bourgeoisie, conservatrice et hostile à la France révolutionnaire, possédait fort mal le néerlandais et avait la nostalgie de son hégémonie incontestée de naguère. Pour elle, le français était toujours le signe tangible de sa supériorité. Tout cela fut également un atout entre les mains de la minorité francophone.
En 1873 fut votée la première loi linguistique rendant obligatoire l'usage du néerlandais en matière de juridiction pénale dans toute la partie ‘flamande’ du pays. (Il était cependant loisible au prévenu de demander que la procédure eût lieu en français.) En 1889, Edouard Coremans fit la première intervention en néerlandais au Parlement. Jusqu'après la première guerre mondiale, la langue utilisée dans l'armée fut exclusivement le français. Après la néerlandisation de l'Université de Gand (1930), la loi du 14 juillet 1932 étendit cette mesure à l'enseignement primaire et secondaire. Il fallut attendre le gouvernement Lefèvre-Spaak (1961-1965) pour qu'un officier de formation néerlandaise fût promu au grade de général. | |||||||||||||||
‘La langue est tout le peuple.’Ainsi, le ‘flamand’ fut longtemps la langue des prolétaires, des sans-avenir. Le franchissement de la barrière linguistique était indispensable pour qui voulait s'élever au-dessus de sa condition d'ouvrier, la minorité francophone (évaluée à 3%) contrôlant toute l'activité du pays. Ce paradoxe s'explique par le prestige de plus ou moins bon aloi que l'ethnie des seigneurs avait su préserver, par le sous-développement culturel des Flamands après les grandes tourmentes de jadis, par certaines lois électorales (le vote censitaire notamment, qui, tant qu'il fut en vigueur, écarta ipso facto les déshérités des urnes), par les mesures d'exception qui interdirent l'usage des différents dialectes flamands et par bien d'autres facteurs et concours de circonstances.
On reconnaît au romantisme un aspect généreux et émancipateur. Ce mouvement eut le mérite, en Flandre, de se montrer réaliste. Non seulement les premiers ‘flamingants’ comprirent que la barrière linguistique avait pour corollaire l'exploitation de l'homme par | |||||||||||||||
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l'homme, mais ils avaient parmi eux des lettrés, des poètes, des philologues qui prirent ardemment la défense du ‘thiois’.
La devise de la ‘Société de Littérature flamande’ (1836) était: ‘La langue est tout le peuple’. De fait, la production littéraire qui suivit témoigna rapidement de fortes préoccupations sociales. Depuis lors, les écrivains d'expression néerlandaise ne furent quasiment jamais en rupture avec leur milieu. Au contraire, malgré un essor remarquable de la littérature française en Belgique, un hiatus est toujours perceptible. On a souvent l'impression que ces oeuvres sont de jolies plantes de serre. | |||||||||||||||
Pallieter & Co.Horresco referens, mais le livre de D. Wilmars comprend également un ‘enfer’. Renvoyons tout de même au chapitre savoureux intitulé: ‘la laideur flamande’ (la trivialité, un moyen de réaction; origine et signification du juron; l'indécence; le génie de la laideur flamande). | |||||||||||||||
De quoi demain sera-t-il fait?Le ‘Mouvement flamand’ a porté ses fruits. En Flandre, l'élite est maintenant en majorité néerlandophone. La minorité francophone n'est pas un peuple à part, seulement la survivance d'une couche sociale qui a fait sienne une langue étrangère.
Qu'on me permette ces quelques remarques, au courant de la plume:
Le recours à la force, comme au temps des révolutionnaires de 1789 et des soldats de l'Empire, n'est plus de mise aujourd'hui. Les mêmes causes économiques et politiques qui jadis jouèrent en faveur du français, favorisent maintenant la culture néerlandaise. Les noyaux francophones se résorberont progressivement d'eux-mêmes, quand ils n'auront plus d'intérêt ni de raison d'être. Pour cela, il faudra également que tombent les citadelles francophones bruxelloises... Mais, arrêtons là ces considérations inactuelles.
P.S. Ceci n'est pas une prétérition. J'ai omis de citer certains événements et certaines dates: ceux de 1830, notamment, mais le moindre écolier belge en connaît le sens et la portée. Je n'ai pas mentionné ‘l'affaire’ de Louvain: le docteur Van Haegendoren a excellemment traité la question (‘Ons Erfdeel’, jaargang 11, nr. 3.) |
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