Dès mes débuts, j'ai donc été vivement influencé par cette poésie. J'avais alors comme professeur de français, monsieur Julien Kuypers et c'est lui qui, avec sa générosité coutumière, encouragea mes premiers essais.
J'eus l'occasion plus tard de rencontrer des écrivains comme Julia Tulkens, Karel Jonckheere, Marcel Coole, Jan Vercammen, Maurice Roelants dont, par amitié, je traduisais parfois des vers.
Il y a quelques années, on me demanda, pour prouver que les ‘Journées de poésie de Wemmel’ se situaient au-dessus des querelles linguistiques, de donner à l'une des séances, des traductions de poètes flamands. Je présentai, ce jour-là, des textes de Gezelle, Van de Woestyne, Van Ostaye, Minne, Marcel Coole, Pieter Buckinx, Julia Tulkens et quelques autres et même un texte en vers d'Achille Van Acker qui était présent à cette séance.
Les poètes trouvèrent ces traductions tellement intéressantes qu'ils me suggérèrent de composer une anthologie de la poésie néerlandaise de Belgique, ce que j'acceptai avec enthousiasme. Je ne me doutais certes pas de la difficulté de la besogne qui m'attendait. J'ai travaillé en effet trois années entières, des heures et des heures, presque chaque jour pour arriver à donner en vers français l'équivalent des poèmes flamands. Certains comme par exemple ‘Les jours pauvres et les jours riches’ de Richard Minne, ou ‘Les Gisants’ de Raymond Herreman, ont été recommencé jusqu'à dix fois. Le poète le plus difficile à rendre en français reste évidemment Karel Van de Woestyne dont la langue est tellement riche, tellement condensée, qu'il faudrait employer un vers français de dix-huit pieds pour rendre l'équivalent d'un vers néerlandais de douze pieds. A ce moment-là, il faut choisir les éléments les plus importants à rendre, et par conséquent, trahir.
Certains poètes comme Maurice Guilliams sont presque impossibles à adapter en français car je ne crois pas que l'on puisse arriver à donner le côté âpre et tragique de sa poésie avec toute la force voulue dans une langue latine.
En tout cas, j'ai fait de mon mieux - comme je l'ai expliqué dans ma note du traducteur. Je n'ai choisi que des textes qui m'étonnaient ou m'enchantaient, le poète étant avant tout, pour moi, un charmeur, un magicien. J'ai préféré traduire avec mon coeur et même trahir un texte en le faisant rutiler de toute sa charge poétique plutôt que de le respecter en l'affadissant. Comme je souhaitais que les lecteurs aient l'impression que les poèmes avaient été écrits spontanément en français, il m'a fallu écarter des poètes comme Reninca, Peleman ou Helderenberg dont, après plusieurs essais, je ne suis pas parvenu à donner une traduction valable. Croyez bien que je suis le premier à le regretter, mais en art, vous le savez comme moi, on fait ce que l'on peut, non ce que l'on veut.