Je n'ai pas le bonheur d'entendre le néerlandais: c'est donc dans sa traduction que j'ai pu lire ‘Le Mystère de la rue du Calvaire’ de Roger d'Exsteyl, et, sans vouloir offenser le traducteur, je suis bien persuadé que mon plaisir eût été plus grand à suivre cette passionnante histoire dans son texte original.
Car - faut-il l'avouer? - ce plaisir a été quelque peu gâché par des maladresses, ou, ce qui est plus grave encore, des incorrections grammaticales qui offensaient sérieusement la langue française. Passe encore le titre, assez banal en soi, et qui ne reflète nullement le jeu de mots savoureux du titre original: que ‘Rhapsodie in bloed’ soit devenu ‘le mystère de la rue du Calvaire’ est regrettable, mais je conçois qu'il était fort délicat de restituer l'expression néerlandaise par un jeu de mots équivalent en français. Mais ce qui est plus gênant semble être l'ignorance d'une règle de grammaire française que les élèves des écoles apprennent à grands renforts de pensums: ‘la proposition circonstancielle d'opposition - ou de concession - veut le mode subjonctif’. Or, nombreuses sont les propositions de cette espèce, et rares sont celles qui sont correctement exprimées. C'est dommage.
Regrettable aussi, la fin de l'ouvrage, ou, si l'on préfère, la solution de l'énigme. Pourquoi avoir voulu faire appel à des forces supra-terrestres en quelque sorte, pour expliquer le mystère de cette famille, au demeurant fort sympathique? Le lecteur a beau faire, il ne peut sérieusement croire à ce ‘Destin’ qui, de génération en génération, s'acharne ainsi sur les infortunés héros du roman. Et, si, comme nous le dit la notice biographique concernant l'auteur, celui-ci est spécialisé dans les émissions fantastiques ou de sciencefiction, il faut lui accorder beaucoup de talent pour penser que de telles explications ‘passeraient’ sur les ondes.
Toutes ces réserves faites, et convenons qu'après tout elles sont assez minimes, je redirai le très grand plaisir que j'ai pris à lire ‘le mystère de la rue du Calvaire’. Habitant d'un pays plat, sans cachet ni histoire, je suis attiré par tout ce qui touche à ces régions riches de passé, de vieux monuments et de rues tranquilles comme il en existe tant en Belgique. Et grâces soient rendues à M. d'Exteyl d'avoir su présenter, et avec quel talent, ces intérieurs paisibles et cossus, où tout est propre et ordonné comme en une toile de Vermeer, ces ruelles calmes où le crime, plus d'aileurs, a quelque chose d'inconvenant, ces quartiers où la vie se rythme au tintement des cloches des églises, ces bords de fleuve enfin, poudrés de la fine lumière d'un soleil d'automne, et où l'on comprend tant que de belles amours contrariées par le sort soient venues nourrir leur nostalgie.
Dans ce cadre à la fois sérieux et reposant se présentent les personnages du drame: les deux dames Vergrugge d'abord: I'intimidante Aurélie qui gardera jusqu'à la fin sa tranquille autorité, la belle, l'infortunée Françoise dont le caractère ambigu pose de déchirants problèmes au troisième héros de l'histoire, Hugo. Ce dernier, tout sympathique qu'il soit, ne paraît pas à la hauteur de ses hospitalières et redoutables partenaires; bien lui prend de rencontrer son ami Steve qui promène tout au long du roman son personnage à la fois désinvolte et efficace. Et surtout, les deux invisibles, qui, à mon sens, sont les protagonistes principaux de ce drame. Célestine la dévoyée et son terrifiant père. C'est avidement, je l'avoue avec joie, que j'ai dévoré ce livre, et si, comme je l'ai pu dire, l'explication des drames familiaux ne me satisfait qu'à moitié, mon plaisir a été grand. La toute dernière page est poignante dans sa simplicité, et avec Hugo, j'ai éprouvé beaucoup de tristesse à voir le roman se terminer ainsi.
Bref, un roman très attrayant, et qui me donne grande envie d'en connaître d'autres du même auteur.
J.M. Braure, Roubaix
Roger d'Exteyl: ‘Le Mystère de la rue du Calvaire’, traduit du néerlandais par Brian Fidelman, Editions Wellprint, 44, avenue G. Crock, Bruxelles 16.
Johan Daisne: ‘Les dentelles de Montmirall’, 251 pages 12/17, Editions Wellprint, 44, avenue G. Crock, Bruxelles 16.
René J. Seghers: ‘Le chat qui chante’, traduit du néerlandais par Charles Cordier - 213 pages 12/17, Editions Wellprint, 44, avenue G. Crock, Bruxelles 16.