résumé français
dr. ludo milis ● gand
Les Miracula Sancti Bertini Sithiensia nous racontent que les normands qui ravagèrent la côte flamande en 891, y trouvèrent une série de fortifications récentes. Le Professeur H. Van Werveke a identifié ces castella, qui se font caractériser par leur forme circulaire. Trois seulement ont, comme héritage romain, une forme carrée (Oudenburg, Aardenburg, Bruges). Le tracé original de ces fortifications se réflète encore clairement dans le plan actuel des villes, qui s'y superposaient dans la suite: une comparaison des photos aériennes de Bergues et de Middelbourg est éloquente. La distance peu variable entre les fortifications (16 à 27 km.) nous permet de croire à une érection voulue et réfléchie. Tous les castella, à l'exception de Burgh-op-Schouwen, sont devenus des villes, et plusieurs entre eux fonctionnaient comme centre d'une châtellenie flamande (Bourbourg, Bergues, Furnes, Bruges). La plupart des fortifications porte le mot burg dans le nom. Cependant, burgus désigne à la fois une fortification ou une agglomération urbaine, l'un étant le sens germanique, l'autre le sens roman du mot. On retrouve burg dans le sens de fortification, p.ex. à Thérouanne, toujours appelé Terenburg en moyen-néerlandais.
Le sens bourg = agglomération entre dans l'histoire flamande en 1067 à Bergues, en 1105 à Furnes. Les chancelleries épiscopales situées hors du territoire de langue néerlandaise (Tournai, Cambrai, Liège) ont beaucoup contribué à la vulgarisation de ce sens.
La vallée de la Loire avait été le berceau de l'interprétation romane de burgus. La même zone vulgarisait le mot burgensis, habitant d'un centre urbain. En Wallonie, qui fit partie de l'Empire, le burgensis apparait dès 1066 (Charte de Huy); en Flandre on devait attendre une charte pour Saint-Vasst d'Arras de 1111, et - pour le territoire thiois - les mentions de 1116 à Ypres et contemporainement à Saint-Omer.
Le mot néerlandais poorter (déduction de portus, autre mot pour un centre urbain) suivit deux siècles plus tard. La cour francisée des comtes de Flandre contribuait à répandre le français bourgeois. La frontière linguistique, qui s'était stabilisée à la fin du moyen âge le long de l'Aa, le Neufossé et la Lys, n'a pas omis de jouer un rôle dans cette expansion terminologique.