lu pour les flamands de france
jacques fermaut ● winnezeele
Les éditions Wellprint à Bruxelles ont lancée une collection intitulée Zénith qui ne saurait manquer de présenter, de ce côté de la frontière, un intérêt certain. A ceux, et ils sont nombreux en Flandre Française, pour qui le néerlandais est d'un abord trop difficile, elles proposent un certain nombre de traductions françaises éditées très proprement mais visant manifestement à économiser les deniers de l'acheteur (il n'y a pas d'indication de prix sur les ouvrages).
J'y ai lu tout d'abord avec amusement l'histoire savoureuse de ‘Jérôme et Benjamin’, ‘histoire véridique de deux bouchers égarés par l'orgueil et sauvés par l'amour’. Derrière ces deux personnages bien typés, Ernest Claes brosse en toile de fond toute une vie bruxelloise observée avec un humour bienveillant. Seule perce une pointe d'impatience, d'ailleurs fort compréhensible, quand on touche aux classes sociales et aux langues qui les séparent.
Avec un intérêt toujours neuf, j'ai repris ensuite le chef d'oeuvre de Félix Timmermans intitulé ‘Psaume Paysan’, ma foi fort bien traduit par Betty Collin. Je n'entreprendrai par de disserter sur une oeuvre qui appartient depuis longtemps déjà à la littérature universelle. ‘Psaume Paysan’ atteint à tant d'authenticité qu'il en devient le Psaume humble, jubilant et courageux de notre pauvre humanité. Que ceux qui n'ont point encore connu l'amer délice de le chanter profitent de cette édition.
La collection offre aussi à notre découverte un ouvrage de Gérard Walschap qui mériterait d'être plus connu ici: ‘Houtekiet’ ou l'épopée de la naissance de Deps ce jeune village dont l'auteur dit qu'il ‘vit plus orgueilleusement, plus sauvagement’ que les autres villages, suivant en cela ses fondateurs: Jan Houtekiet et Nard Baert. Baert, c'est le commerce incarné, celui qui fera bouillir les marmites dans le Deps fondé par Houtekiet. Jan Houtekiet est l'homme des bois, la virilité faite homme, ingénieux, artiste, meneur d'hommes ignorant la peur, et qui arrachera aux vieilles féodalités religieuses et foncières l'indépendance de Deps. C'est l'homme qui vit intensément tout ce qu'il fait, sans devoir rehausser tout ces actes d'un double magique: d'un mariage, sa vie avec Lien, d'une messe, sa joie de vivre, d'une justification, son amour profond pour Iphigénie, d'une survie, la mort... Certes, on peut voir dans le roman une critique de notre monde frelaté qui vit plus au niveau des mirages que dans le vent des réalités. J'y verrais bien plutôt un rêve d'enfant conté dans cette langue rapide et sans recherche (c'est là encore une recherche) dont se servent les gosses pour se confier leurs envoûtements et leurs héros. Sans doute certains trouveront-ils à redire à ce surhomme au sternum embroussaillé et au braquemart infatigable. Mais tant pis pour ceux qui n'ont plus l'appétit d'un Rabelais ni l'âge des chansons de geste. Houtekiet s'adressent à ceux qui gardent un peu de l'enfance que j'ai cru voir pétiller aux yeux de Walschap.
La collection offre bien d'autres titres encore. Nous les réservons pour de prochaines chroniques...
Ernest Claes: ‘Jérôme et Benjamin’. - Histoire véridique de deux bouchers égarés par l'orgueil et sauvés par l'amour. Traduit du néerlandais par Paul De Win. - 197 pages - 12/17 - Editions Wellprint, 44 avenue G. Crock, Bruxelles 16.
Félix Timmermans: ‘Psaume Paysan’ - Traduit du néerlandais par Betty Collin - 168 pages - 12/17 Editions Wellprint, 44 avenue G. Crock, Bruxelles 16.
Gérard Walschap: ‘Houtekiet’ - Traduction de Roger Verheyen - 254 pages - 12/17 - Editions Wellprint, 44 avenue G. Crock, Bruxelles 16.