Maatstaf. Jaargang 6(1958-1959)– [tijdschrift] Maatstaf– Auteursrechtelijk beschermd Vorige Volgende [pagina 277] [p. 277] Le vagabond évadé 1920 Depuis que j'ai brisé les barreaux de ma voûte j'oublie ceux que j'ai pu laisser derrière moi. Dorénavant il n'est plus rien que je redoute: seule la vie m'attire, et eet étrange émoi des routes, des routes... L'horizon pris d'abord sous un brouillard revêche, dégagé peu à peu de son poids suffocant, s'offre à perte de vue, et mon coeur, flamme fraîche jaillit vers la lumière d'or qui s'ouvre au vent. La ville a dispara oú j'étais leur otage: douce, douce mélancolie, à leur insu voici avec le jour paraître les villages où je pourrai enfin passer inaperçu. Là je vous chanterai, vous livrant la vengeance sur ceux qui vont de jour en jour vous trahissant - ô rêve - ils ne sauront jamais votre présence mais vous les confondrez par la voix de mon chant. Leur plus cher fils - jalousement ils l'environnent, pour le soustraire à vous, de tendresse et de soins - je le leur ravirai par la voix monotone d'un chant clair et rôdeur pour qu'il me suive au loin. Que me feront leurs toits, leurs maisons, leurs clôtures? Que me feront les murs, la chambre où il sera? Comme le rayon bleu et froid des lunes pures traverse le vitrail, mon chant les percera. [pagina 278] [p. 278] Je chanterai tant qu'à la fin ses yeux s'égarent, quand même un autre aurait pouvoir sur son destin, s'égarent de dessous un front à l'ombre noire, se fixent sur mon chant à perte de mémoire et à ne plus savoir qui le tient par la main. Et lorsque dépouillé de toute contingence il poussera la porte et s'en ira loin d'eux, il cherchera mon chant de ses regards en transe avec le seul éclat de la lune en ses yeux. Il me suivra, mais seul, à travers la campagne, environné de rêve au-devant de sa vie - une femme aura, pâle, entendu que s'éloigne le chant victorieux de ma haine assouvie - et nous cheminerons, ensemble et sans nous joindre... Rêve, soyez vengé, daignez que votre enfant rompe sa cage d'or pour apprendre à voir poindre les âpres régions où entendre la moindre sauvage incantation de la lune et du vent! La geôle a disparu qui me comblait de chaînes: libre à moi de choisir les routes à mon gré, et voici apparaître à la lueur lointaine ces toits où votre enfant demeure prisonnier. Que me chaut le salut de ceux qui s'agglomèrent? Croyant construire ils démolissent la raison de vivre. Etouffent les séquestrés volontaires, pourvu que votre enfant s'évade de prison! Et sentir cette joie qui m'envahit, au long des routes, des routes... Dolf Verspoor Vorige Volgende