Publications de la Société Historique et Archéologique dans le duché de Limbourg. Deel 5
(1868)– [tijdschrift] Jaarboek van Limburgs Geschied- en Oudheidkundig Genootschap– Auteursrechtvrij
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Notice sur quelques découvertes d'antiquités dans le duché du Limbourg.
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Le fossé étant protégé par un rempart intérieur, dont la hauteur et l'épaisseur correspondaient avec la profondeur et la largeur du premier, il y avait tout lieu de supposer que c'était la circonvallation d'une ancienne forteresse ou d'un camp retranché. Aussi les premières investigations ne tardèrent-elles pas à corroborer cette supposition, puisque la terre se trouvait jonchée de débris de poteries, tuiles, pierres de tuf, chaux et autres matériaux de construction, probablement déterrés, par les fouilles de taupes ou d'autres animaux de cette espèce. Une mare d'eau (Pl. I, fig. C) qui, avant que le terrain fut cultivè, revenait régulièrement en hiver et aussi parfois en été, après de fortes pluies, fit conjecturer qu'il y avait eu là un puits. Les habitants des environs prétendent généralement qu'un hermite, imitateur zélé de St-Gerlach, patron de Houthem, a eu jadis là sa cellule, et que ce lieu servait souvent de but de promenade aux chanoinesses de la noble Abbaye de St-Gerlach, dont le terrain en question était une dépendance. Les moins incrédules ajoutent qu'après la suppression de l'Abbaye, ce lieu fut hanté, puisqu'on y a vu bien souvent entrer quatre chevaux noirs qui disparaissaient dans la mare. En répétant cette fable, nous tenons à observer qu'ordinairement ces sortes de légendes se rapportent non seulement à des lieux qui furent les témoins de grands sinistres ou autres faits mémorables, mais encore aux terrains qui récèlent des antiquités. Le Rondenbosch parait avoir primitivement fait partie du grand bois domanial des sires de Fauquemont, nommé le Ravensbosch, dont le grand réseau s'étendait sur le sommet et le versant des collines qui bordent la vallée | |
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de la Geule, entre Hulsbergh et Meerssen. Comme une chose qui convient à notre sujet, nous remarquons dès maintenant que dans les Gaules la plupart des maisons, étaient au temps de César et de Strabon entourées de bois. AEdificia circumdata sylvis sat sunt fere domicilia GallorumGa naar voetnoot(1). C'est dans ce lieu mystérieux que sur l'ordre du gouvernement Belge, M. le conseiller Schuermans fit pratiquer des fouilles en l'année 1864. Le savant explorateur des tumulns de la Hesbaye voulut bien nous associer à ses travaux et nous initier à ses découvertes. C'est à sa bienveillance et à son gracieux désintéressement que nous devons la permission de puiser largement à sa belle description des fouillesGa naar voetnoot(2). C'est encore gràce à sa bienveillante intercession que le gouvernement Belge a voulu doter notre Société des belles planches qui ornent cette livraison. Nous présentons ici à M. Schuermans l'expression de notre gratitude. Les fouilles furent commencées, mercredi le six juillet, dans le trou qu'on appelait le puits (pl. I litt. C.). Comme la terre y était meuble et d'une couleur foncée, et que les ouvriers trouvaient des fragments de tuiles et de poterie à chaque coup de bêche, les travaux y furent continués. C'était véritablement un puits; l'habitation devait donc être proche. Pour la trouver M. Schuermans prit ce lieu comme centre et ordonna de faire des tranchées par tout le bois en raies d'étoiles. Cette opération produisit une grande quantité de fragments de tuiles, des tessons, du verre et fit aboutir à une couche de gravier en forme de route. Le 22 juillet ils trouvèrent les premières substructions. | |
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Les travaux, interrompus vers la saison des moissons furent repris le 8 août et durèrent jusqu'au mois de décembre. Les murailles se trouvèrent parfois jusqu'à six pieds sous le sol; le terrain était difficile à manier, à cause des racines et des troncs d'arbres qui enveloppaient la terre comme dans les mailles d'un réseau. En commençant les travaux, les explorateurs avaient cru trouver les vestiges d'un camp romain analogue à ceux de Trèves, Bonn, Cologne ou Manderscheidt; mais la suite fit voir qu'on s'était trompé. Le fossé et le rempart dataient du moyen-àge, ou peut-être d'une époque encore plus rapprochée de nous, car pour les faire, on avait dù détruire une partie des bâtiments belgo-romains. (Pl. I litt. F, F.) Ces fortifications de terre, que dans nos contrées on appelle Schans, se rencontrent dans plusieurs villages du Limbourg.Ga naar voetnoot(1) Ce sont ordinairement des lieux entourés de retranchements, plantés de broussailles et pourvus de fossés à eau. Ces Schans servaient en cas de guerre de refuge aux villageois pour-leurs bestiaux et leurs meubles. Une sauvegarde les garantissait contre les incursions et la rapine des soldats. La villa belgo-romaine qui, sur la hauteur du Rondenbosch, avait précédé la Schans, consistait en deux corps de bâtiments et un puisard (Pl. I, litt. E, C et D.) Elle avait péri à la suite d'un violent incendie, de telle façon qu'on ne découvrit dans les excavations des fouilles qu'un assemblage informe de débris de tuiles, de poterie, de fer, de chaux, de charbons de bois et de mille autres restes de cette catastrophe. | |
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Le bâtiment du nord formait un paraléllogramme, ayant la façade vers le sud (pl. I, fig. E), long de 18,57 et large de 13,14 mètres. C'était l'habitation de la famille. Les fondements de ce beau quartier étaient exclusivement construits en pierre de tuf de Bergh-Terblyt. Les pierres des murs en petit appareil, (pl. I, fig. M) étaient d'un grain dur et peu maniable. C'étaient des moëllons carrés sur leur face apparente, et profondément enfoncés en boutisse dans un blocage de ciment et de débris de pierres qui formaient le noyau des murailles. Ils provenaient tous de la couche supérieure du plateau et avaient été façonnés, non pas à la scie, mais avec un instrument tranchantGa naar voetnoot(1). Les murs étaient larges de 0,60 centim. environ; on n'y rencontrait ni briques, ni tuiles. Sur ces murs l'architecte avait probablement élevé des constructions en bois, couvertes d'une toiture en tuiles. Les restes de ces objets gisaient par charretées le long des murs. Les tuiles étaient de deux espèces. Les unes plates et relevées sur les côtés s'appelaient tegulae; elles avaient généralement 40 à 50 centim. de hauteur sur 30 à 35 centim. de largeur. Les autres courbes et nommées imbrices servaient à couvrir les jointures des premières qui étaient posées à plat par rangées horizontales. En Italie c'est encore de nos jours le genre de toiture préféré. Comme notre contrée était dans ce temps-là couverte d'immenses forêts, ces métairies en bois ou en clayonnage, comme celles des émigrants de l'Amérique, devaient être fort répandues à cause du bon marché. Vitruve les appelle aedes parietinae; il désapprouve ce genre de construction, à cause des dangers qu'il présentait en cas d'in- | |
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eendie. Cependant la vieille Rome de la République n'en connaissait pas d'autres. Les demeures privées des Belgo-Romains différaient des nôtres tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Les habitations les plus considérables ne présentaient pas des façades hautes et larges, décorées avec luxe comme en Italie et ornées de plusieurs fenêtres. Elles consistaient généralement en un simple rez-de-chaussée percé de quelques étroites ouvertures pratiquées dans le mur. Ces fenêtres étaient garnies de pierres transparentes, de talc, de jalousies, de volets ou de rideaux, mais rarement de vitres. Les chambres étroites et sans communication entre elles, étaient bâties autour d'une cour carrée (impluvium) où s'écoulait l'eau des toits, comme dans les cours de nos maisons rustiques, et souvent n'avaient de jour que par la porte. Ce qui est plus, ces habitations n'avaient pas de cheminées. Pour se défaire de la fumée et pour chauffer les appartements on mettait du feu dans un calorifère souterrain ayant des tubes dans les murs ou des colonnettes sous le sol. On appelait cet appareil un hypocauste. Au Rondenbosch les vestiges de l'hypocauste n'existaient plus; mais des rondelles de colonnettes rencontrées dans les fouilles nous prouvaient, que la villa en avait été pourvue. L'impluvium ou cour intérieure du Rondenbosch (Pl. I, fig. E) formait un carré assez grand, entouré de cinq ou six chambres et ayant une issue vers l'est. A l'angle sud-est se trouvait une chambre, dont l'aire était faite d'un fort mortier de testa concusa et de chaux, reposant sur un lit de pierres (stutuminatio). Cette chambre mesurait 3,05 sur 4,37 mètres. Le reste de l'aile était | |
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bouleversé par le fossé; les fondements memes n'existaient plus qu'en partie. A l'angle nord-ouest se trouvait une autre chambre avec des vestiges d'une aire en gravier lié avec de la chaux. Le feu avait sévi de ce côté-là avec une telle intensité que la terre d'alentour était devenue rouge et que plusieurs pierres se trouvaient en état de chaux. A côté de cet appartement nous rencontrâmes une excavation remplie de charbons de bois de chêne, des fragments de tuiles et de poterie, ainsi qu'un sigle illisible (Pl. IV, fig. 12). M. Janssen suppose que là se trouvait le fourGa naar voetnoot(1). Les murs et les parois des chambres paraissent avoir été enduits d'un crépi de différentes couleurs. Les fragments trouvés offraient un fond rouge ou blanc, avec des lignes jaunes, vertes ou blanches; c'était le genre de décoration ordinaire des villa's. Il a été observé au Herkenbergh et ailleurs. Un fragment de crépi plus rare se trouve représenté Pl. IV, fig. 53. D'après M. Schuermans un fragment en tout semblable, trouvé dans les substructions du Steenbosch à Fouron-le-Comte, est déposé au Musée de Liége. Peut-être le même peintre a-t-il décoré les deux habitations? A l'angle nord-est se trouvait la cave. C'était un espace carré de 3,09 sur 3,27 de diamètre. Un escalier en bois, dont on remarquait les traces dans le mur, y avait conduit du côté de l'impluvium. L'aire de cette cave n'était pas pavée; sur la terre nue gisait une grande quantité de charbons de bois, des clous de différente forme, un morceau de verre de vitre, une fibule, un anneau de fer (Pl. III, fig. 31), une grande partie d'ossements et quelques tessons. Ces clous et ces charbons | |
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provenaient probablement du plancher de la voùte; les os et les tessons de vases et de viandes conservés dans des récipients de terre cuite. La partie supérieure des murs de la cave avait été partiellement détruite par le fossé circulaire de la Schans. Malgré cela ces murs avaient une hauteur de cinq pieds environ. La maçonnerie en était fort soignée. A l'extérieur elle était enduite d'une forte couche de terre glaise pour empêcher l'infiltration de l'eau. On trouve de ces terres savonneuses et de couleur bleue du côté de Rothem et de Raer. A Rothem (Meerssen) on en fabrique des tuiles. C'est donc une matière figuline. La partie du mur de la cave affleurant au niveau du fossé était construite en appareil réticulé (Pl. I, fig. M). Ce genre de maçonnerie présente un assemblage de pierres carrées ou polygones, bien soigneusement taillées et de grandeur égale, posées sur l'angle, de manière que les joints imitent par leurs entrelacements les mailles d'un réseau ou d'un filet. De là son nom d'opus reticulatum. Il ne diffère du petit appareil ordinaire que par le placement des pierres. Ce genre de revêtement sert en général comme ornement. D'après M. SchayesGa naar voetnoot(1) on ne connait en Belgique aucun édifice romain qui présente ce mode de construction. L'échantillon du Rondenbosch serait donc dans nos contrées unique dans son genre. Autour des bâtiments parait avoir regné une espèce de trottoir en gravier, dont on a reconnu les vestiges en plusieurs endroits (Pl. I, fig. F). C'était probablement un ornement, un moyen de propreté et un remède contre l'humidité. Des trottoirs pareils ont été reconnus au Herkenbergh et ailleurs. Une couche de gravier en forme | |
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de route se dirigeait du puits (Pl. I. fig. C) vers un endroit de la parcelle de terre Pl. I, No 4. Là se trouvait probablement une fosse à fumier. Ce qui le fait soupçonner, c'est que la terre y était noircie par les restes de toutes sortes de résidus. Les ouvriers y trouvèrent un couteau, une monnaie et plusieurs autres objets. Cependant le lieu qui récelait le plus grand nombre d'objets était le puits (Pl. I fig. C) dont nous avons déjà fait mention. Ce cloaque avait huit mètres de diamètre à l'orifice; les ouvriers l'ont vidé à seize mètres de profondeur. Parmi les objets qui en sortaient nous signalons la pierre gravée qui figure pl. II fig. 2 et que nous avons eu le bonheur de ramasser personnellement, plusieurs sigles figulins, deux monnaies, un fragment de de colonne (pl. I fig. H.), des charbons de bois, des tessons, des tuiles, des ossements et une quantité de blé, de petits poix et de froment brûlé, que nous estimons à huit ou dix hectolitres. Une partie de ces grains avaît passé par le van, une autre n'avait pas été purifiée. Ce n'est pas la première fois que les archéologues trouvent des grains brûlés dans les substructions romaines. M. Schuermans remarqua le même phénomène, en 1867, dans ses fouilles de la villa d'Op-den-Saal à Fouron-le-Comte. A quoi donc a dù servir ce puits si riche en antiquités? Nous ne le savons pas. Mais voici ce que nous supposons. Ce n'était pas un puits à eau potable, car on n'a trouvé aucune trace de maçonnerie ou de cuvelage. Les puits de ce genre devraient avoir au Rondenbosch une profondeur d'au moins deux cent pieds. Nous croyons donc que ce trou a servi de citerne pour rassembler l'eau du ciel, et qu'il a été comblé avec le déblai de la villa, | |
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après que celle-ci eut péri par l'incendie. Un petit filet d'eau sortant du flanc de la montagne au Smalenbosch, à quelques minutes de là, avait pu servir de fontaine potable aux habitants du Rondenbosch, comme il le fait encore aujourd'hui à la maison voisine du garde-chasse de M. Cornéli. A quarante mètres environ vers le sud du puits se trouvait un deuxième bâtiment (pl. I fig. D.) composé d'une salle de 25 métres de long, sur 10 de large. Les fondements de ce bâtiment étaient en cailloux, parfois unis avec du ciment, mais le plus souvent rudement mis en terre, sans liaison. Peut-être a-t-il servi de villa agraria, de grange et d'étable. Nous soupçonnons avec quelque fondement, que ce bâtiment ait péri deux fois par le feu; car une partie de ses assises était construite sur un terrain révélant en dessous des traces d'incendie. Dans ce bâtiment fut trouvée la marque offc. (pl. IV, fig. 6), ainsi qu'une grande quantité de tuiles et des fragments de poterie romaine. A quelque distance de la villa agraria les ouvriers rencontrèrent une grande quantité de poterie du moyen-àge en grés, avec ou sans glaçure, des morceaux de houille ainsi qu'un mortier en pierre. Toutes ces poteries ont été déposées au Musée de Maestricht. C'était probablement le lieu, où avait existé l'hermitage, dont nous avons fait mention plus haut. Notons finalement que dans le bois voisin, nommé Smalenbosch (Cad. Sect. A, No 834), on a trouvé en 1865 des poteries tumulaires de l'époque romaine, ainsi que le sigle ivnivsfGa naar voetnoot(1). Comme ces sépultures se trouvent dans la proximité immédiate du Rondenbosch, nous croyons y voir le champ de repos des habitants de cette villa. | |
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Maintenant que le lecteur connaît les bâtiments, leur étendue, leur situation, leur structure, faisons connaissance avec le propriétaire, et examinons l'intérieur de son ménage. Voyons le mobilier, la vaisselle, les instruments de cuisine, les habillements, les ornements du corps, la profession des habitants; épions leur religion, leur degré de civilisation, leur manière de vivre, leur confort et l'époque de la destruction de leur demeure. Plus tard nous ferons connaître les causes qui ont amené cette ruine. Pour faire consciencieusement cette étude archéologique, il nous faut examiner en détail, un à un, les objets les plus remarquables sortis du sein des fouilles. Ce seront des témoins irrécusables qui répondront à notre appel et qui parleront à notre place. Le moindre tesson comme le plus beau vase, le clou le plus informe comme la plus jolie monnaie, la fibule, le bouton, les anneaux comme les objets de luxe et les bijoux y feront entendre pour attester la vérité leur voix seize fois séculaire. | |
I.
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plus souvent il était rond, comme une bulle d'eau, d'ou lui est venu le nom de bulla. Le nôtre est un bouton à tenon dont la surface extérieure est ornée de dessins en émail représentant au milieu un oeil et tout au tour des écussons en roue et en damier. On dirait les armoiries de Clève et de Mansfeldt qui s'alternent. L'émail des incrustations en mosaïque est formé de particules d'une pâte vitreuse disposées par sections sur le champ de cuivre. Il y a des auteurs, qui avec M. de Laborde, prétendent que les Romains ignoraient la fabrique de l'émail et que ce procédé aurait été seul connu des barbaresGa naar voetnoot(1). Cependant notre exemplaire semble contredire cette assertion. Il a été trouvé parmi des débris exclusivement romains, à une trop grande profondeur dans le sol pour qu'on puisse douter de l'antériorité de cet objet à la ruine de la villa. Ce n'est pas du reste la seule preuve de la fabrication des émaux par les Romains. Des émaux trouvés en Italie, la facture évidemment romaine des émaux découverts en Belgique, en Angleterre et en France rendent l'hypothèse de M. de Laborde peu probable. Dans les cimetières d'Ellezelles et de Flavion, ainsi que dans les substructions d'Elouges on trouva un grand nombre de fibules émailléesGa naar voetnoot(2). On trouva en 1864 à Blerick, près de Venlo, une petite statuette de Cérès en cuivre, d'une belle exécution et dont les habits et les épis de la chevelure sont délicatement émaillés de blanc et de bleuGa naar voetnoot(3). | |
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Une amulette ayant beaucoup de rapport avec la nôtre a été publiée par Montfaucon. Elle aussi est pourvue d'un cercle en forme d'oeil et d'incrustations de damierGa naar voetnoot(1). Un autre exemplaire figure dans les Denckmähler von Castra Vetera (pl. XXII, No 8) de notre compatriote, feu M. Houben de Xanten. Le bouton émaillé que M. Cochet publie dans la Normandie souterraine (pl. XV, 4) fut trouvé à Envermeu parmi des objets francs. Comme sur le nôtre les couleurs employées par le mosaïste sont le rodge, le bleu, le blanc et le jaune. On portait ces amulettes, dit M. HagemansGa naar voetnoot(2) contre les maladies et les influences démoniaques; l'invidia ou le mauvais oeil était fort redouté; on avait des amulettes pour se protéger contre lui. On portait des yeux pour se préserver du mauvais oeil; ce qui prouve que ces amulettes n'avaient pas toujours trait à la guérison des maladies d'yeux, c'est que l'on trouve gravés sur pierre de pareils emblèmes entourés d'animaux, symboles d'influences néfastes, qui les attaquent.’ Le même auteur nous apprend que la coutume de porter ces symboles s'introduisit à l'époque des Antonins, juste au temps où probablement la villa du Rondenbosch fut détruiteGa naar voetnoot(3). Deux camées de la collection de la bibliothèque impériale de ParisGa naar voetnoot(4) ont servi à conjurer les sortiléges et à préserver des effets funestes du mauvais oeil, comme il conste par leurs inscriptions. Sur l'une d'elles on lit: ον φιλωε | |
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C'est-à-dire: je ne t'aime pas; je ne me trompe pas, je regarde et je ris. Une autre pierre de la même collection a la forme d'un oeil et présente le nom de son possesseur: Maximus. C'est peut-être un ex voto. II. Le deuxième bijou trouvé au Rondenbosch est une petite intaille en onyx de trois nuances, représentant un Capricorne terminé en queue d'écrevisse. D'après les savantes explications de M. Schuermans, c'est la conjonction de deux signes du zodiaqueGa naar voetnoot(1). On pourrait croire que deux époux, dont la naissance se reportait aux mois de juin et décembre, auraient fait graver sur la même pierre le signe qui présidait au mois, où chacun d'eux était né. Mais la considération que le bijou a été découvert dans un établissement de nos contrées, bien éloigné vraisemblablement du lieu où la pierre a été gravée, lui enlève tout caractère de spécialité par rapport à son possesseur. C'est sans doute une pierre achetée par les habitants du Rondenbosch, à un colporteur nanti d'objets semblables et faisant son voyage le long des routes romaines de la Gaule et de l'Allemagne, comme le font encore de nos jours à travers les villages du Limbourg nos petits commerçants de quincailleries. Il faut dès lors que la signification de l'entaille soit plus générale afin que la pierre convienne à un public plus nombreux. Il est donc probable que l'artiste, à la manière des poètes, ait mis en présence les deux signes extrêmes de l'année, l'Eté et l'Hiver, le Cancer et le Capricorne, afin de symboliser ainsi l'année entière, ne pouvant placer tout le Zodiaque en un espace de quelques millimètres. | |
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Voilà une explication de l'onyx du Rondenbosch que nous devons à M. Schuermans, et que le savant archéologue appuie d'un texte curieux de Macrobe, qui rend sa manière de voir très plausibleGa naar voetnoot(1). Nous nous permettons sur cet intéressant sujet l'observation, qu'on ne peut guère supposer que la pierre du Rondenbosch représente le capricorne seul; car nous sommes en présence, non d'une figure plus ou moins grossière du Zodiaque, où il suffit de rendre les signes reconnaissables, mais d'une pierre gravée avec soin, à laquelle on attachait plus ou moins de valeur. D'après M. MullerGa naar voetnoot(2) l'usage de faire graver les signes du Zodiaque sur les chatons des bagues ne paraìt pas remonter au delà du siècle des Antonins. III. Une bague en cuivre jaune ornée d'un cartel en relief représentant un quadrige avec les lettres PRA en chef du champ (pl. II, fig. 3). La plaque de cet anneau est au repoussé et tellement mince qu'elle semble avoir été estampée par frappement. M. Guillon de Ruremonde en attribuant les figures de notre anneau au char du soleil, explique les lettres PRA par les mots Per Radios Apollinis ou simplement Per RAdios en sousentendant le mot Solis qui est représenté par le quadrigeGa naar voetnoot(3). Cette hypothèse est si pittoresque que nous voudrions qu'elle fût vraie. Mais malheureusement dit M. WagenaerGa naar voetnoot(4) elle est contraire à toute analogie; et en matière d'archéologie surtout, il y a des choses qu'il faut se résoudre à ne point expliquer si les analogies font défaut. M. Janssen, directeur du cabinet de Numismatique | |
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à Leyde présente une explication plus vraisemblable. Selon lui on y voit simplement un char de cirque conduit par son agitator ou auriga. Dans cette interprétation, les trois lettres PRA seraient le commencement du mot prasina (vert) indiquant la faction des Verts, qui dans les jeux du cirque jouirent à différentes reprises de toute la faveur de certains empereurs, entre autres de Caligula, Néron, Vérus, Commode, Caracalla et HéliogabaleGa naar voetnoot(1). Nous mêmes nous y avons vu d'abord un fragment détaché de la scène représentant la descente de Proserpine aux enfers, et nous avons lu le mot PRA par Proserpina RApta. Ce qui nous avait mis sur cette idée, c'est que les Romains dans leurs ornamentations donnaient la préférence aux scènes tirées de la Mythologie sur celles prises dans l'histoire et dans la vie réelle. Mais l'anneau n'est pas un fragment, mais un tout complet; en étudiant donc la chose de près, nous avons arrêté notre choix sur une explication plus simple et plus naturelle. L'anneau en question n'est pas gravé; c'est une feuille de cuivre très mince travaillée au repoussé; la scène historiée a été sans aucun doute frappée sur une matrice comme nos monnaies modernes et comme nos ornements en feuilles de cuivre. Dans ce cas, le mot PRA pourrait facilement être une marque de fabrique, le sigle de l'auteur de l'estampe. M. Schuermans nous apprend qu'on trouve des sigles, non seulement sur des vases de terre et de verre, mais aussi sur des objets en bronze, en cuivre et sur les | |
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saumons de plombGa naar voetnoot(1). Si jamais donc on retrouve d'autres exemplaires de notre anneau, l'hypothèse émise par nous, deviendra très-plausible. D'après M. Ampère la manie de placer des quadriges sur les monuments, était surtout en vogue sous Domitien (81-96)Ga naar voetnoot(2). Ce monarque cruel et astucieux avait le goùt des triomphateurs et aimait la course des chars. Au reste ce goût était celui du peuple romain de tous les temps. | |
II.
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G de la pl. I. Enfin une quatrième monnaie trouvée était dans un état indéchiffrable, peut-être un Néron. II. Plusieurs fibules (pl. III, fig. 1 à 3). Nous avons dit ailleurs ce que l'on entend en archéologie par fibule ou broche destinée à fixer le vêtementGa naar voetnoot(1). III. Une bague en bronze ciselée (pl. III, fig. 4). L'anneau, comme le bracelet et le collier, est une parure primitive, que l'on pourrait appeler naturelle à l'homme, car elle se retrouve par toutes les contrées de la terre. Les substructions et les tombeaux des Romains nous donnent tous les jours des collections de bagues de toute forme, de toute nature. Il y en a en or, en argent, en bronze et en fer. Nous voyons partout dit M. CochetGa naar voetnoot(2) dans la tombe du Romain et du barbare briller les anneaux et les bagues au doigt de ces générations éteintes comme ils étincelaient sur leurs mains pendant la vie. IV. Plusieurs fragments d'anneaux de bronze, trop grands pour bagues et trop petits pour bracelets (pl. III, fig. 5 à 9). Peut-être des ornements de coiffures, des anneaux pour les rideaux de portes ou des parties de harnais pour passer les rênes. V. Fragment d'un fil de bronze tourné en spiral. Peutêtre le fragment d'une épingle à chevaux ou l'ardillon d'une fibule (pl. III, fig. 10). VI. Une épingle à cheveux (?) (pl. III fig. 11) et un objet analogue (fig. 12) qui peut être un style auquel manque la tête. VII. Deux styles à écrire en fer (pl. III, fig. 13 et 14). Les styles en fer étaient connus des anciens Hébreux. Dans la Bible, Job s'écrie: Quis mihi det ut exarentur (sermones mei) | |
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stylo ferreo? Chez les Romains le style de fer ou de bronze jouait quelquefois un rôle sanglant dans les rixes, comme autrefois les anciens vijfjes de la Hollande dans nos disputes d'auberge. Pline cite pour cette raison l'emploi des styles de fer comme fort dangereuxGa naar voetnoot(1). Le nom même a servi à désigner une arme, que les Italiens de nos jours manient avec une déplorable facilité, le stylet. Dans une grande partie du moyen-àge l'usage du style à écrire s'est continué. Du CangeGa naar voetnoot(2) cite les vers suivants d'un ancien poème: Les uns se prennent à écrire
Des greffes en table de cire,
Les autres suivent la coustume
De fourmer lettres à la plume.
VIII. Une aiguille de bronze, munie de son ouverture pour passer le fil (pl. III, fig. 15). IX. Un objet en bronze de la grosseur d'un doigt orné de rainures (pl. III, fig. 16). C'est le fragment d'un manche de couteau. Un objet pareil et orné de même, mais en os, a été trouvé dans les fouilles du cimetière Belgo-romain de Bergh-TerblijtGa naar voetnoot(3). X. Plusieurs boutons à tenons (pl. III, fig. 17 à 21). Outre les fibules et les épingles, les Romains avaient pour attacher leurs habits, des boutons pourvus, non comme les instruments modernes de ce nom, de petits trous ou de bélières, mais d'un ou de deux tenons, ayant la destination d'attacher les différentes parties de l'habit. Les boutons romains sont très-communs, on les trouve dans presque toutes les fouilles. Ils adoptent différentes formes; celles que nous voyons figurer sur | |
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notre planche sont les plus communes. On connaît des boutons en os et en verre, mais plus souvent ils sont en métal. Le No 17 est replié des deux côtés comme une coquille, les autres sont circulaires et bombées. La figure 21bis n'a qu'un seul tenon. C'est le bouton dont on se sert de nos jours pour attacher les manchettes et les faux-cols. XI. Fragments de fer à cheval de la forme moderne. Il est possible dit M. Schuermans que ces objets aient glissé de la surface dans le déblai. Cependant comme ces fers ont été trouvés dans le puits, au milieu de débris d'origine belgo-romaine il est peu probable qu'ils soient modernes. Au reste les Romains ont connu les fers de cheval de cette forme. XII. Une partie de scie ayant la forme d'une faucille. De nos jours on emploie ces instruments dans les pépinières. (Pl. III, fig. 22.) XIII. Fragment d'un objet semblable (pl. III, fig. 22bis). XIV. Un gros bouton avec un tenon à goupille perforé (pl. III, fig. 23). Un fragment du même métal (fig. 24). XV. Différentes clouteries (pl. III, fig. 25 à 34). Plusieurs cloux analogues ont été trouvés par M. Schuermans dans les substructions de la Hesbaye. XVI. Un couteau en fer (pl. III, fig. 35). XVII. Des charnières de portes. Les gonds et les charnières ne se trouvent pas en grand nombre dans les substructions Belgo-romaines. Il paraît que, même dans nos contrées, les anciens fermaient l'entrée de leurs chambres à l'intérieur de la maison, de préférence par des rideaux. Les fouilles produisent partout à profusion des anneaux en métal, trop grands pour bàgues et trop petits pour bracelets, qui ont probablement servi aux tentures des portes et des fenêtres. | |
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XVIII. Une charnière en cuivre, sans doute de coffret (pl. III, fig. 36). XIX. Fragment d'une serrure de porte (pl. III, fig. 37). XX. Une pièce se repliant comme les deux parties d'une paire de ciseaux. Destination incertaine (pl. III, fig. 38). XXI. Le pivot d'un instrument, ayant la forme d'une bobine (pl. III, fig. 39). XXII. Disque en cuivre de la grandeur d'une pièce de deux francs, pourvu de trois petites incisions sur le bord. Un objet pareil a été trouvé dans le cimetière de Broekhem, près de FauquemontGa naar voetnoot(1). | |
III.
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boeufs, de moutons, de cochons (ou sangliers), de cerfs (ou chevreuils?), de lièvres, de coqs ou de poulets. Ces ossements nous fournissent des indices précieux sur les habitants du Rondenbosch, qui vivaient comme ceux des villa's de Herkenbergh (Meerssen), de Wyerbampt (Montenaken), de Hemelryk (Walsbetz), de Gallossies (Walz-Wezeren) à la fois d'agriculture et de chasse. La découverte de ces ossements prouve encore que la sépulture et l'enfouissement, au lieu de détruire la matière des os, en arrètent la corruption. | |
IV.
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II. D'autres perles plus petites (pl. III, fig. 48). III. Des fragments d'anses de fioles tordues en spirale (pl. III, fig. 49 à 51). IV. Des fragments d'une coupe en verre verdatre dont le contour extérieur est orné de godrons ou côtés parallèles en reliefGa naar voetnoot(1). V. Un fragment de vitre ou de revêtement de mur, en verre verdàtre, épais. Ce n'est pas un fragment de flacon carré, ses dimensions s'y opposent. Nous trouvàmes dans les fouilles du Herkenbergh à Meerssen des fragments pareils en grand nombre. Quelques uns, dont le bord était rabotteux, nous firent croire que ces plaques avaient été coulées, soit pour vitres, soit pour ornements de murs. Quoique les anciens aient connu et employé le verre sous beaucoup de formes, les carreaux de vitre, c'est à dire les lames de verre servant de clòture transparente à certaines parties des habitations, n'ont été connus qu'à une date peu reculée. On a beaucoup discuté sur l'époque précise à laquelle on peut rapporter la fabrication des vitres. Les fouilles pratiquées à PompéiGa naar voetnoot(2) ont permis de fixer environ à l'an 81 de notre ère, date de l'enfouissement de cette ville, l'époque la plus éloignée de l'emploi. Jusqu'ici on ignorait complètement les procédés qui ont servi aux Romains pour obtenir ces grandes plaques rectangulaires de verre dont plusieurs mesurent septante centim. sur cinquante-cinq centim. La question était de savoir si les Romains ont fabriqué leur verre à vitre | |
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par le soufflage ou par le procédé plus simple du coulage. Ayant obtenu du gouvernement italien l'envoi de quelques antiques vitraux de Pompei, un Français, M. Bontemps, a pu prononcer sur le procédé qui a dû servir à leur fabrication. La présence de bulles d'air et quelques autres particularités décisives ont démontré à M. Bontemps que ces vitres sont le résultat d'un simple coulage. Cette particularité technique est donc désormais établie. L'analyse chimique à laquelle on a soumis le verre des carreaux de Pompei a démontré un fait très-curieux, c'est la presqu'indentité de composition de ces vitres et de nos vitres actuelles. Le verre de Pompei se trouvait composé: silice 69, chaux 7, soude 17, alumine 3, oxyde de fer 1, avec une certaine quantité de magnésie et de cuivre. Or, l'analyse du verre à vitre moderne faite par M. Dumas, donne: silice 68, chaux 9, soude 17, alumine 4Ga naar voetnoot(1). Le verre à vitre des Romains, n'a qu'une qualité inférieure, c'est qu'il a presque toujours une couleur verdàtre. | |
V.
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II. Un soele en pierre de Rolduc, de forme carrée, conservant encore, d'un côté des traces d'un rebord sculpté, et au milieu duquel est un trou carré, inscrit dans un carré plus grand, sur lesquels s'adaptait l'objet supporté par ce piédestal (pl. I, fig. 0). Peut-être le socle d'une statue, ou la base de la colonne fig. H. III. Des fragments de pierres meulières provenant des carrières du Rhin, et nommées lave d'Andernach ou Andernachschen tras. Nous avons comparé des fragments, provenant du Herkenbergh, du Putsteeg, du Rondenbosch et de Mulhem (Eysden), avec une pierre meulière récemment venue de Niedermennig, près d'Andernach, pour le moulin de Berg-Terblijt, et nous avons pu constater, que les habitants de ces villa's se sont approvisionnés aux mêmes carrières, où les meuniers de nos environs s'approvisionnent encore de nos jours. Les meules de nos substructions sont de petite dimension; elles excèdent rarement 60 centim. de diamètre. Ces pierres ont servi à de petits moulins à bras, composés de deux pierres, dont l'une tourne et l'autre reste immobileGa naar voetnoot(1). La découverte de ces pierres meulières constate des relations commerciales soutenues entre les habitants romanisés des bords de la Meuse avec ceux des rives supérieures du Rhin, relations qui sans contredit ont été rendues fort faciles au moyen de la chaussée militaire de Tongres à Cologne passant par Meerssen et Houthem. IV. Deux tablettes oblongues en pierre d'ardoise, à surface lisse (pl. III, fig. 53 et 54). Probablement des pierres à repasser des rasoirs et des couteaux. | |
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V. Des queues à faux et autres pierres à aiguiser, (pl. III, fig. 55 et 56.) VI. Un mortier à piler, en pierre grise, semblable à ceux que Roach Smith, a publié dans ses Collectanea antiqua. Comme cet objet n'avait pas de caractère décidé, on y avait cru voir avec quelque droit peut-être, un bénitier romanGa naar voetnoot(1). VII. Un objet pierreux terminé en pointe (pl. III, fig. 57), qui pourrait bien n'être qu'une concrétion naturelle, probablement un belemnite des carrières de Bergh. | |
VI.
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complet oubli. ‘Chaque tesson’ qui sort de la terre est donc un document historique d'une valeur incontestable. Dans les substructions il nous fait connaitre les vivants, dans les tumulus il nous caractérise les morts. Les fouilles opérées dans les substructions anciennes, ont cela de désagréable que les produits céramiques sont ordinairement en mauvais état. Ce sont des débris abandonnés, enterrés au hasard, dont on a voulu être quitte, et qui mettent la patience de l'explorateur à bout. Dans les tumulus les vases ont été placés avec intention et avec soin; on les retrouve intacts. Dans les substructions, on ne trouve que les pots cassés. Cela explique l'état incomplet des fragments dont la description va suivre. | |
A. Poterie Samienne.La poterie samienne ou sigillée, dit M. SchuermansGa naar voetnoot(1) se signale par un beau vernis, le plus souvent rouge, parfois aussi vert, semblable à de la cire à cacheter. Elle portait dans l'antiquité le nom de Samienne, terra samica, parce que, sans doute, les premiers vases de cette terre provenaient de la Samothrace, ou de l'ile de Samos, dont Homère a chanté les potiers. Mais dans la suite des temps cette expression cessa d'être propre, car des fabriques de ces vases ont existé en plusieurs localités de l'empire romain. On appelle quelquefois la matière dont ces vases ont été pétris, terra sigillata, terre sigillée, parce que peutêtre la matière première, dans le commerce, était estampillée, comme les blocs de certaines de nos terres plastiques. Les vases eux-mêmes ont reçu le nom de sigillés, soit à cause des ornements en bosse ou à relief dont ils | |
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sont souvent ornés, soit à cause des sigles ou marques de potiers dont un grand nombre est revêtu. Mais la dénomination de poterie sigillée, qu'on explique différemment, ne se justifie pas toujours. C'est pourquoi M. Schuermans lui restitue le nom de poterie Samienne que lui donnaient les potiers de l'antiquité.Ga naar voetnoot(1) Fillon fixe les débuts de la poterie samienne dans les Gaules au règne de Domitien, et il ne date la poterie rouge à reliefs que du règne de Trajan et de ses successeursGa naar voetnoot(2). Elle continua pendant plusieurs siècles à primer toutes les autres espèces de produits céramiques. C'était la vaisselle de table la plus générale, comme le prouvent les plats, les coupes, les patères, les bols, les patènes, les jattes etc., qu'on retrouve par centaines et par milles dans les tombes et dans les villa's. C'était probablement comme nos porcelaines, le vase culinaire du riche et du pauvre. Chez l'un il était un peu plus élégant, plus nombreux et de meilleure qualité, chez l'autre, il l'était moins. Les reliefs de ces vases, les feuilles de lierre, de lotusGa naar voetnoot(3) ou de nénufar, aussi bien que les ornements de tous genres moulés sur les parois des bols, comme les guirlandes et les frises à oves, sont partout les mêmes. Ils semblent parfois nous rappeler leur origine grecque. La frise à oves, entre autres, est un ornement de l'architecture ionique que l'on trouve dans le temple de SamosGa naar voetnoot(4). Au temps d'Isidore de Séville (VIIe siècle), la poterie samienne était encore en usage; on la retrouve même | |
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chez les Francs; mais chez eux l'ornementation et la forme ont souffert. Sigles figulins. Nous avons dit que souvent les vases en terre de Samos sont revêtus de sigles figulins. Les fouilles du Rondenbosch ont produit les suivants, qui tous se trouvaient à l'intérieur, au fond des vases: 1o (s)anuacu(s) (pl. IV, fig. 1). Ce sigle, dont la première lettre peut ètre prise pour un C, a été lue d'abord canuacuGa naar voetnoot(1). 2o amabilisf (pl. IV, fig. 2). Ce sigle est remarquable par la forme archaïque des lettres. Les AA ont la barre horizontale et la lettre L ressemble à un [...] grec. Ce vase devrait donc remonter aux premiers siècles. Ce qui plus est, d'après Fillon, dont pourtant l'assertion n'est pas scientifiquement établie, cette forme archaïque de l'A serait spéciale à la Gaule et à l'ile de Bretagne. Les sigles du potier Amabilis ont été découverts à Cologne, Mayence, Herdernheim (Nassau), Nimègue, Vechten, Voorburg et LondresGa naar voetnoot(2). 3o cabrvs (pl. IV, fig. 3) et non carpvs comme l'écrit M. JanssenGa naar voetnoot(3). Le sigle cabrvs a èté trouvé à Castel près de Mayence, à Voorburg en Hollande et au Chatelet en Champagne; cabrusf à Londres et à Ross um dans la Gueldre. 4o montano. Ce sigle ne se trouve pas sur les planch es puisqu'il a disparu pendant les fouillesGa naar voetnoot(4). On a trouvé mont à Friedberg et Rottweil. montan à Vechten, (of) montan à Voorburg; montani, au musée de Wiesbaden, | |
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à Vechten, Xanten et Angers en France; of montani à Londres montanvs à Nimègue, Voorburg, Nancy et Rossum. 5o grae (pl. IV. fig. 4). On trouve le sigle graecus f. au musée de Lyon. 6o geni(i)o(r). Probablement genitor, potier dont les produits ont été trouvés à Lede en Belgique, à Elouges (Hainaut), à Paris, à Londres, à Amiens et en Normandie. 7o offg (..) Pl. IV fig. 6). Il est incertain à quel sigle, commençant par la lettre g, il faut attacher le fragment de marque offg. Mais la grandeur des lettres, dit M. SchuermansGa naar voetnoot(1) qui signale exceptionnellement la plupart des produits du potier germanvs et la proclitique off. (pour officina) qui précède, parmi les sigles en g, le seul nom de germanvs, permettent d'attribuer avec beaucoup de vraisemblance la marque offg (..) à ce potier, dont les produits écoulés précisement, y compris la Belgique, dans les mêmes localités que les précédents, paraissent dénoter la participation à des courants commerciaux analogues. En effet on a trouvé les sigles de ce potier à Tongres, Paris, Xanten, Zurich, Bàle, Augst, Londres, Nimègue, Amiens, Bavay, Vechten et Ratisbonne. C'était donc une fabrique fort florissante. 8o (r)emic (pl. IV fig. 7). Peut-être remic ou plutôt remic f ou remici. On a trouvé remic f. à Nimègue. 9o saccab (pl. IV fig. 8). Probablement bvccvs, rétrogrades, mais avec lettres en sens ordinaire, ce qui se voit quelquefois. On a trouvé bvccvs à Rotweil et Vechten; buccvs f à Voorburg, Vechten et Schaesberg près de Heerlen; bvccvs ma à Allier (France). | |
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10o ma(..)ofe, (pl. IV fig. 9). Peut-être ma(ss)ofe comme l'indique la forme sinueuse des lettres douteuses; mais plus probablement ma(cc)ofe, à raison de la découverte de sigles semblables. On a trouvé en effet maccofe à Emmerich, macconivs f à Voorburg, maccono à Vechten, macconof à Mayence, Hedernheim, et Voorburg. 11o catvs f. (Pl. IV fig. 10). Nous avions cru lire caivsf, mais un sigle trouvé à Tongres parfaitement identique, jusqu'au cartouche qui le décore, a permis à M. Schuermans de vérifier la lecture de catvsf. On a trouvé cati à Limoges, cato (fe) à Rottenburg, catv à Voorburg et Tongres, of catv à Tongres, catvos (catv of?) au Chatelet, catvs à St. Nicolas près de Nancy, catvsf à Nimègue, Tongres, Vechten et Voorburg et catvsf (rétro) à Paris. 12o Deux sigles illisibles (pl. IV, fig. 11 et 12). 13o Un grénetis de onze perles (pl. IV, fig. 13.) Probablement encore une marque de potier. Les sigles des vases en terre de Samos sont très-remarquables; ils ne font pas seulement connaître le nom de plusieurs potiers, qui ont été de véritables artistes, mais ils constituent en même temps le baromètre permanent du commerce de cette époque. Les marques du Rondenbosch constatent en outre un colportage de poteries immense dans toutes les parties de l'Europe. Les mêmes produits qu'on a débités aux modestes habitants de Houthem ont été vendus en Angleterre, en Suisse, en Allemagne, en France et en Hollande. Le grand courant a passé de préférence par la route de Bavai par Tongres à Cologne, et par celles de Tongres à Nymègue et â Xanten. Ces routes étaient au temps des Romains, les grandes artères du commerce de notre pays. Fragments de bols à reliefs. Nous comprenons sous cette | |
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dénomination des vases samiens hémisphériques, ornés en relief de frises, d'encadrements de feuillages, de scènes de chasse ou d'amphithéâtre, de divinités ou d'autres personnages. Voici plusieurs fragments de vases de ce genre. 1o Quatre tessons pourvus de frises à oves (pl. IV, fig. 14 à 18). La fig. 18 a cette frise renversée. 2o D'autres tessons qui, outre cette frise, présentent des contours de médaillons (pl. IV, fig. 19 à 21). 3o Des scènes de chasse. Un élanGa naar voetnoot(1), des chiens, un renard (?) (pl. IV, fig. 22). Un cerf (?) et des sangliers (?) (pl. IV. fig. 23). Des oiseaux dans une guirlande (pl. IV, fig. 24 et 25). 4o Des médaillons enlacés, avec un ornement à branches, (pl. IV, fig. 26). 5o Ornements en feuilles de trefle ou de céleri, dont les groupes sont séparés par des encadrements en cordes, (pl. IV, fig. 27 à 29). Un arbre, qui à cause de sa tête en parasol, semble être un sapin, (pl. IV, fig. 30). 6o Plusieurs sujets indistincts (pl. IV, fig. 31 à 35). La fig. 35 est de poterie samienne fine et foncée comme celle d'Arezzo; on y voit des roses à cinq feuilles entourées de médaillons 7o Un tesson orné de volutes, semblables à des hélices de limaçons (pl. IV, fig. 36). Au Musée de Liége existe un fragment semblable.Ga naar voetnoot(2) 8o Un fragment de coupe orné de guirlandes, (pl. IV, fig. 38). | |
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9o Un intéressant fragment de poterie samienne imitée. Ce fragment (pl. IV, fig. 37), représente deux scènes d'amphithéêtre, séparées par une branche d'arbre. Dans la première on distingue un lion avec d'autres animaux. La deuxième figure un combat de gladiateurs. Un rétiaire armé de son trident attaque son antagoniste qui se défend avec une dague et un bouclierGa naar voetnoot(1). Le combat des gladiateurs était un sujet favori des anciens. La férocité, dit M. AmpèreGa naar voetnoot(2) est un trait fondamental et permanent de la physionomie du peuple romain. Pour se divertir on égorgeait les vaincus dans le triomphe. Déjà du temps de la république on fit publiquement combattre les hommes contre les hommes, ou les hommes contre des animaux. Quelquefois on fit combattre des animaux entre eux; c'était moins intéressant, mais cela encore avait son prix; on y voyait souffrir et mourir. Aux lions les chrétiens! hurlait le peuple dans l'amphithéâtre. Morituri te salutant! Ceux qui vont mourir te saluent! criaient les athlètes â l'empereur. Les gladiateurs étaient de deux sortes. Les uns avaient librement embrassé le métier. Ils étaient dressés dans des établissements qu'on appelait ludi. Le professeur de cette ignoble école portait le nom de lanista. Souvent un médecin y était attaché. La santé des hommes destinés à amuser le peuple par le spectacle hideux de leurs blessures et de leur mort était précieuse et méritait qu'on en prit soin. D'autres gladiateurs figuraient dans les jeux seulement pour mourir: c'étaient des condamnés, qui n'étaient pas | |
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toujours des coupables. Le plaisir du peuple romain ressemblait alors tout à fait à celui, qu'en tout pays, une partie de la population trouve aux exécutions capitales. On appelait spoliaire, le lieu où l'on portait les cadavres des gladiateurs et où on les achevait. L'an 1000 de Rome, l'empereur Philippe fit combattre mille couples de gladiateurs dans une journée. Cette barbare coutume disparut à l'apparition du christianisme. Constantin avait publié une loi contre les gladiateurs, et Théodose intrédit les spectacles sanguinaires. Mais cela n'était pas du goût du peuple. Quand l'héroïque saint Télémaque s'élança dans l'arène pour élever la voix contre ces coutumes impies, il fut massacré. Le goût de ces jeux barbares devait être bien répandu dans l'antiquité pour qu'on les peignit même sur les vases. Terrines, coupes et tasses en terre de Samos: 1o Un vase ayant la forme de bol. (Pl. V., fig. 34). 2o Un tesson d'un de ces vases qui ont des têtes de lion pour déversoir, et à l'intérieur, des grains de quarz pour triturer les mets. (Plan IV, fig. 39 et bis). 3o Un plateau en terre de Samos de la plus grande finesse et du plus beau vernis (pl. IV, fig. 40). Deux autres à peu près de la même forme (fig. 41 et 42). 4o Des jattes de forme conique, (pl. IV, fig. 43 à 47.) 5o Deux jattes de forme bilobée (pl. IV, fig. 48 et 49). On nomme ces petits vases au profil rentrant quelquefois des salières. 6o Un plateau (pl. IV, fig. 50). 7o Fragment d'une coupe ornée de feuilles de lierre en relief (pl. IV, fig. 51). 8o Une tête de lion ayant la gueule trouée pour laisser passer le liquide du vase auquel il a appartenu (pl. IV, fig. 52). | |
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B. Poterie fine, autre que samienne.1o Vases noirâtres ou bronzés, avec dessins, composés d'imbrications, ayant la forme d'écailles de poissons (pl. V, fig. 1 à 4). 2o Des tessons ornés d'enroulements avec feuilles de nénufar (pl. V, fig. 5 à 8). 3o Des scènes de chasse avec animaux et feuillages (pl. V, fig. 10 à 13). La fig. 13 représente un lièvre, emblème de la vigilance et de la chasse. Les habitants du Rondenbosch n'ont pas dédaigné les résultats de la chasse; cela est prouvé par les ossements de lièvre et de chevreuil trouvés parmi les débris de la villa. 4o Un grand nombre de tessons à zones guillochés (pl. VI, fig. ê 35, ainsi que fig. 52). Parmi ceux-ci un vase presqu'entier (pl. V, fig. 14); un guillochis entremêlé de reliefs (pl. V, fig. 15); un autre avec de petits points en creux (pl. VI, fig. 36); plusieurs tessons de vases dont la panse est régulièrement déprimée, soit à fossettes (pl. VI, fig. 10, 11 et 21), soit à godrons (pl. VI, fig. 22). Ces dispositions ont sans doute la mission de donner plus de facilité pour tenir le vase. La terre dont ces vases sont formés est singulièrement légère et d'une délicatesse extrême. 5o Des tessons d'un vase presqu'entier à bosses et à fossetes, dont la panse cylindrique est pourvue de petites pustules de sable, qui empêchent ces vases de tomber des mains. On croit généralement qu'ils ont servi aux onguents (pl. V, fig. 16). 6o Un vase d'un genre tout nouveau et dont j'ai trouvé d'autres exemplaires, dans le cimetière de Bergh-Terblyt, qui se trouve vis-à-vis du Rondenbosch, au-delà de la GueuleGa naar voetnoot(1) (Pl. V, fig. 37). Ce vase est un plat de terre | |
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jaune, fort tendre et tirant sur le rouge, orné à l'intérieur de rangées de petits traits de pinceau, long à peu près de deux centimètres. La découverte de ce vase appuie singulièrement l'hypothèse de la contemporaineté des habitants du Rondenbosch avec ceux de la bourgade de Bergh et de leur approvisionnement fait auprès des mêmes marchands. 7o Tesson de terre jaune pâle avec une ligne rouge. (Pl. V, fig. 38). Un vase presque semblable a été trouvé aux fouilles du HerkenberghGa naar voetnoot(2). 8o Tesson avec un ornement en forme d'oeil. (Pl. V, fig. 39). 9o Un fragment de vase avec ornements à sanguine, imitant de chevrons. (Pl. V, fig. 40). L'ornementation étrange de ce vase, la composition très dure et pierreuse de ces parois font élever des doutes sur son antiquité. Nous ne croyons cependant pas qu'il faudrait le reléguer dans le moyen-âge. A Schinveld nous avons trouvé de ces poteries, à côté d'urnes remplies d'os et de cendres. A Limmel nous l'avons rencontré parmi des débris de tuiles et de poteries romaines. C'était une cruche à une anse, dont le fond était façonné avec les doigts. Ces indices feraient-ils soupçonner une corruption de l'art figulin chez les Romains. En tous cas, ils ne permettent aucunement de descendre plus bas, pour le classer, qu'à l'époque franque. | |
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C. Poteries grossières.La poterie grossière se trouve toujours en très grande quantité dans les substructions de l'époque romaine. C'est qu'elle servait à une foule d'usages. Les Romains y mettaient le blé, la farine et divers liquides, non seulement l'huile, mais encore le vin. A Rome existe une montagne, une colline au moins, nommée la montagne des Pots cassés. Le Monte Testaccio, comme son nom l'indique, est uniquement composé de vases brisés. On ne trouve pas autre chose à la surface; des tranchées pratiquées à travers sa masse ont permis de s'assurer qu'il en était de même dans toutes ses parties. Cependant ce n'est pas à Rome seule qu'on rencontre ce luxe incroyable de vases brisés. Nous n'exagerons pas quand nous disons avec M. SchuermansGa naar voetnoot(1) qu'on a décombré au Rondenbosch des charretées de tessons de poterie grossière, de nuance, de figure et d'étoffe diverses. Quand on considère ces gros tessons, lourds comme des tuiles, on comprend facilement que ces vases auront été fabriqués dans des officines du voisinage. Il semble impossible d'admettre pour ces produits pondereux et de peu de valeur l'extension des rapports commerciaux qui signale la poterie samienne et fine. Cela cependant ne veut pas dire que la poterie grossière ne s'exportait pas. On trouve des sigles d'une même poterie grossière dans diverses parties de l'Europe. Mais c'est l'exception; la règle veut qu'elle se concentre dans un certain rayon, toujours assez grand, pour y reconnaître amplement le génie commercial des Romains. Les sigles suivants trouvés au Rondenbosch viendront à l'appui de cette assertion. Tous étaient imprimés sur le bord de tèles. | |
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1o ....) atvs et (b)rariatvs (pl. VI, fig. 37 en 38). Ces deux sigles appartiennent sans doute au potier brariatvs, dont les produits ont été vendus le long des routes de Bavay á Cologne et de Tongres à Nymègue, ainsi que sur les abords de leurs ramifications. On a trouvé braria. m à Douay, et braptatvs, brarinivs et rariatvs à Bavay. Ce sont probablement des lectures fautives pour brariatvs. On a encore déterré le sigle brariatvs sur des tèles à Nimy-Maizières, à Walsbetz et à Fouron-le-Comte, trois localités de la Belgique dont deux sont rapprochèes de Houthem. vacasatvs bpapiati a été rencontré à Nymègue. Enfin dit M. Schuermans le sigle variatvsf qu'on a trouvé sur le bord de tèles à Tongres pourrait bien n'ètre qu'une variante du même nom. La découverte du sigle brariatvs prouve que les villa's de Walsbetz, de Fouron-le-comte et de Houthem-St-Gerlach ont été contemporaines. 2. frio (.... (f)riomas (pl. VI, fig. 39 en 40). Le sigle....) omas a été trouvé dans les substructions de Walsbetz par M. SchuermansGa naar voetnoot(1). Comme c'est probablement le mème que notre riomas, nous y puisons un nouvel argument pour la contemporanéité des deux villa's, qui s'approvisionnaient auprès des mêmes fabricants de poterie. Le sigle vh(hr)a de WalsbetzGa naar voetnoot(2) retrouvé au Herkenbergh à Meerssen prouve, que le Herkenbergh aussi a été contemporain du Rondenbosch, de Walsbetz et de Fouron-le-Comte. 3. mevi ou m(ae)vi (pl. VI, fig. 41). Le rapprochement entre les villa's citées s'accentue de plus en plus. On a | |
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trouvé au Steenbosch à Fouron-le-Comte le sigle me (.... qui se distingue par le même encadrement que le nôtre, et au Herkenbergh celui de) mevio qui est probablement du même fabricant. Le Musée de notre Société d'Histoire et d'Archéologie, à Maestricht, possède une caisse entière de tessons provenant des fouilles du Rondenbosch. Dans ce mélange nous signalons quelques particularités qui pourront servir de point de comparaison et de repère dans d'autres fouilles. 1. Un grand nombre de tessons provenant de vases qu'on appelle communement des tèles, en flamand platteel, puisqu'ils rappellent par la forme, un ustensile de ménage servant à recueillir la créme dans les laiteries. Ces tèles sont pourvus d'un gros bord, sur lequel on remontre assez souvent le nom du fabricant (Pl. V, fig. 17 à 19). 2. Différents goulots de cruches à vin ou à eau (pl. V, fig. 20 à 22). Des goulots pareils ont été rencontrés dans nos fouilles du Herkenbergh en grande quantité; ils ont appartenu à des cruches à large panse, pareilles à cellesque dans nos environs on appelle eenen uil. Nous disons que ces cruches ont pu servir de réservoirs à vin. Cela ne doit pas être surprenant; non seulement les anciens Romains étaient grands amateurs du jus de la vigne, mais le coteau sur lequel se trouve la villa du Rondenbosch portait encore au moyen-êge des vignobles en plusieurs endroitsGa naar voetnoot(1). Le maitre de la villa a donc lui-même un pu étre un peu vigneron. 3. Des patères ou assiettes (pl. V, fig. à 28). Des objets semblables ont souvent été trouvés dans les fouit- | |
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les. Ces récipients out pu servir également pour mets ou pour boissons. Quand ils sont petits et de terre samienne, nous croyons qu'il y a lieu, d'y voir des patères. 4. Quatre couvercles de casseroles (pl. V, fig. 29 à 32). 5. Un vase dans le genre des olla. Ce pot-au-feu a probablement servi à contenir des aliments solides, des viandes ou des bouillons (pl. V, fig. 33). 6. Deux petits pots, dont l'usage est inconnu (pl. V, fig. 35 et 36). 7. Un fragment (pl. V, fig. 41) qui d'après M. SchuermansGa naar voetnoot(1) pourrait bien appartenir à une époque plus récente et avoir glissé de la surface dans le tréfonds. En effet les dessins en hachures qui le couvrent ont un caractère plutèt franc que romain. 8. Un vase en terre grossière, à peine cuite, et se brisant sous la main des inventeurs (pl. VI, fig. 24). Ce vase qui se trouvait dans la cave, ne semblait pas être faconné au tour. Peut-être est-ce un produit de l'art figulin des habitants primitifs de la contrée. Sa présence dans la villa du Rondenbosch est difficile à expliquer. Mais il est à remarquer que le tumulus vraisemblablement romain de Middelwinde s'est aussi signalé par une poterie pareilleGa naar voetnoot(2). 9. Des tessons blanchâtres, dont les parois avaient une épaisseur aussi forte que celles des tuilles, et qui avaient sans doute appartenu à de grandes amphores, à des cadi ou des dolia, car les Romains appelaient leurs grands vaisseaux de terre cuite des tonnauxGa naar voetnoot(3). Ce genre de poterie était gigantesque. Nous avons vu au Musée du | |
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Louvre à Paris, un vase antique en forme d'urne, qui pouvait contenir deux bariques modernes. Ce récipient monstre avait été trouvé dans l'ile de Chios. M. Tournal parle d'une amphore de deux mètres de haut et de quatre mètres et demi de circonférence et pouvant contenir 800 litresGa naar voetnoot(1). Un bas-relief de la villa Albani à Rome représente Alexandre et Diogène dans son tonneau. Or ce tonneau de Diogène n'est autre qu'une amphore en terre cuite. Encore un petit effort et les vases romains lutteront de volume avec le grand tonneau de Heidelberg!Ga naar voetnoot(2) 10o Plusieurs tessons en grés, dont la surface est grenue et rude à toucher. Cette poterie est imperméable à l'humidité. 11o Des fragments d'olla au bord aplatiGa naar voetnoot(3). 12o Des fragments de vases ornés de lignes torses et sinueuses (pl. VI, fig. 43 à 48). 13o La racine verticale d'une anse, (pl. VI, fig. 49). 14o Un tesson présentant des lignes en arête de poisson (pl. VI, fig. 50). 15o Fragment d'un vase en terre noire, en forme de cylindre, orné de lignes verticales autour du col (pl. VI, fig. 51).
Voilà les objets en terre cuite les plus intéressants que nous avons à signaler. En somme le résultat des fouilles du Rondenbosch a été la découverte des substructions | |
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d'une villa belgo-romaine et de son mobilier, consistant en quelques bijoux, dans plusieurs objets en métal, en os, en verre et en pierre et d'une quantité considérable de poterie fine et grossière. L'étude et la description de ces objets nous ont suggéré les remarques qui suivent. La découverte d'une certaine quantité de froment et de blé encore mêlé à la paille, dénote des gens qui se sont occupés d'agriculture. Les meules prouvent que dans cet établissement, comme dans toutes les villas agricoles, le travail de la mouture se faisait sur place. La pierre elle-même, venant d'Andernach près de Bonn, suppose des communications commerciales entre Houthem-St-Gerlach et le Rhin; communications qui s'effectuaient facilement au moyen de la chaussée militaire de Tongres à Cologne par Maestricht, Houthem, Heerlen, Rimburg et Juliers. La villa du Rondenbosch se trouvait à une distance de cette chaussée d'environ deux mille mètres. Les styles à écrire démontrent que les habitants n'étaient pas illettrés et qu'au Rondenbosch on savait lire et écrire. Les aiguilles prouvent qu'on y travaillait à la confection et à la réparation des habits. La chàton d'une bague en onyx, l'anneau au quadrige, le beau phylactérion, les jolis fragments de vases en terre de Samos indiquent des gens moyennés, vivant sous l'influence du culte payen de Rome. Pas le moindre objet du Rondenbosch se rapporte au Christianisme. Les jolis boutons, les épingles à cheveux, les fibules ingénieusement travaillées nous les représentent comme très bien vêtus. Ces mêmes objets, ainsi que l'anneau orné d'un quadrige, la bague au double signe du zodiaque, toute la | |
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disposition de la maison, le ciment, l'appareil et le crèpi des murs, la destribution des appartements, l'impluvium et mille autres circonstances prouvent une civilisation copiée sur celle de Rome. Les moeurs romaines, par une infiltration rapide, dont on voit tant d'exemples dans l'histoire, pénétraient partout, jusque dans les forêts et les campagnes. Les os de cochons, de poules, de lièvres, de moutons, de boeufs et de cerfs, trouvés au fond de la cave et ailleurs, indiquent une famille qui se nourrissait d'une manière confortable et honnête. Elle vivait à la fois d'agriculture et de la chasse. Enfin la situation elle-mème de la villa, au milieu d'un pays charmant, sur une hauteur fertile et pittoresque, dans un lieu champêtre et attrayant révèle dans son premier propriétaire un homme de goût qui aimait la belle nature, et qui en toute confiance et sans doute au milieu de la paix, résolut d'établir ses pénates dans cet endroit écarté. Sa demeure est une résidence opulente qui surpasse en solidité, en importance et en recherche les constructions rurales du moyen-âge et des temps plus récents. Mais le propriétaire du Rondenbosch se trouvait-il dans sa pittoresque maison de campagne isolé et sans voisins? Loin de là; voulez-vous connaitre les environs, montez, s'il vous plait avec nous, sur la hauteur du Rondenbosch et vous verrez tout à l'entour les lieux, où d'autres habitations belgo-romaines élevaient la charpente rouge de leurs toits au-dessus des vignes, des jardins et des arbres fruitiers qui les entouraient. D'abord vers la droite près du Stevensweg, vous voyez l'emplacement d'une maison champêtre, qui est si près | |
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de vous que vous pourriez l'atteindre d'un coup de fusil. Plus bas dans la vallée passait la chaussée militaire, bien droite, bien entretenue et fréquentée jour et nuit par toutes sortes de voyageurs. Vers l'ouest, près de Meerssen, entre cette route et la Geul, s'élevait la grande villa de Herkenbergh, dont le propriétaire doit avoir été un des hommes les plus opulents du pays d'Outre-Meuse. Là où se trouve la belle église de Meerssen et où s'élevait au Xme siècle un palais Carlovingien, s'élevaient alors d'autres bâtimentsGa naar voetnoot(1). Enfin entre Meerssen et Bunde, près du Hoolhuiske se trouvait la propriété belgo-romaine du Putsteeg. Et bien loin derrière tout cela vous trouverez la forteresse militaire de Pons Mosae, la ville actuelle de Maestricht. Dirigez maintenant vos regards du côté gauche et vous verrez sur la même hauteur où vous êtes, à un bon quart de lieue de distance, l'emplacement de la villa du Ravensbosch et d'un petit temple rond, comme on les rencontrait alors près des routes. Plus loin vers Aelbeek, se trouvait la demeure du Steenland et à gauche de Fauquemont sur la hauteur de Walhem les substructions du Goudsberg. Enfin devant vous, dans les rochers de Geulhem, des ouvriers intelligents et actifs préparaient les matériaux de construction, tandis que des mineurs munis de la scie et de la hache retiraient les blocs de l'intérieur des carrièresGa naar voetnoot(2). Voulez vous connaître maintenant les lieux où ces gens brûlaient et enterraient leurs morts! Regardez devant vous; au-dessus des carrières de Geulhem se trouve une montagne boisée, nommée de Wippelscheheide. Au premier siècle de l'ère chrétienne c'était un cimetière belgo- | |
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romain. Là reposent probablement une quantité d'ouvriers, qui ont fourni des blocs de tuffeau pour la construction de nos villasGa naar voetnoot(1). A gauche dans la vallée, près de Fauquemont vous remarquez un autre cimetière; c'est celui de BroeckhemGa naar voetnoot(2). Tout près de vous, dans le Smalenbosch se trouvait un champ de repos que nous nous sommes permis d'attribuer aux habitants du Rondenbosch eux-mêmes. Telle était la physionomie des bords de la Guel pendant la domination romaine. Mais à quelle èpoque la villa du Rondenbosch a-t-elle existé, et quand et par qui a-t-elle été détruite? L'étude des objets nous fournira les éléments d'une réponse. Les archéologues s'accordent à reconnaître l'utilité incontestable des médailles antiques pour l'étude de l'histoire et de la science en général. C'est une vérité palpable, évidente. Elles servent à dater et à préciser les découvertes qui sans elles resteraient indéchiffrées. Outre une monnaie de Constantin, qui comme nous l'avons remarqué plus haut, ne peut entrer en ligne de compte, le Rondenbosch a fourni un Néron (54-68), un Trajan (91-94) et une diva Faustina, postérieure à l'année 175, époque où Faustine fut divinisée par Marc-Aurèle. Il est dès lors certain que la villa n'a pas été détruite avant l'année 175, et fort probable qu'elle a cessé d'exister peu de temps après. Un second élément pour dater son existence nous est offert dans l'étude des poteries, qui toutes nous ramènent vers la belle époque du haut empire, dont les vases se caractèrisent par une forme pure et élégante. D'après Fil- | |
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lon la poterie samienne se répandit dans les Gaules sous Domitien; elle y fut ornée de reliefs sous le règne de Trajan. Les jeux d'amphithéàtre, qui ornent une de nos coupes (pl. IV, fig. 37), étaient alors un amusement à la mode. Ajoutons que sous les AntoninsGa naar voetnoot(1) s'introduisit la superstition de conjurer le mauvais oeil et l'envie par des philacterions (pl. II, fig. 1), et que sous Dominitien se généralisa la coutume de figurer partout des quadriges. Enfin au Rondenbosch ne fut trouvé aucun objet présentant les caractères de la décadence. Un autre point de méditation pour notre étude sont les sigles; surtout ceux qui se trouvent imprimés sur la poterie grossière. ‘Le temps et l'espace, dit M. SchuermansGa naar voetnoot(2), limitaient nécessairement ce dernier genre d'industrie; on ne les transportait pas au loin; leur poids s'y opposait; la durée même de la vogue des produits de tel ou de tel fabricant devait être limitée. Dès l'instant oû l'on trouve le même sigle inscrit sur des poteries grossières ou sur les tuiles trouvées dans deux établissements, il est permis d'affirmer que ceux-ci étaient contemporains, mieux encore qu'ils avaient des relations directes entre eux.’ Or le sigle brariatvs du Rondenbosch a été également trouvé à Walsbetz et à Fouron-le-Comte, deux villas dont la destruction doit être placée, d'après les monnaies, vers le règne de Marc-AurèleGa naar voetnoot(3). Le sigle....) omas, fragment de notre marque, (f)riomas (pl. VI, fig. 39 et 40) a été trouvé à WalsbetzGa naar voetnoot(4). Le sigle me (.... a été trouvé dans les ruines de la villa du Steenbosch à Fouron-le- | |
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Comte et se distingue précisement par le même genre d'ornement que notre mevi ou maevi du Rondenbosch (pl. VI, fig. 41). La marque..) mevio a été déterrée dans la villa voisine du Herkenbergh, dont la monnaie la plus récente est d'Antonin-Pie, mort en 161. Enfin ajoutons comme dernière preuve de relation, le sort commun qui a frappé ces différents bâtiments; tous ont péri par un incendieGa naar voetnoot(1). Ces indices réunis en faisceau nous donnent pour résultat pratique, que la villa du Rondenbosch a été contemporaine des bâtiments du Steenbosch à Fouron, du Hemelryk à Walsbetz, du Herkenbergh à Meerssen, qui toutes ont été détruites par le feu, vers la fin du deuxième siècle. Dans un prochain article sur les fouilles du Herkenbergh, à Meerssen, nous tâcherons de trouver la cause de cette destruction générale, violente et soudaine. Bergh-Terblyt, 27 Nov. 1868. Jos. HABETS. |
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