Publications de la Société Historique et Archéologique dans le duché de Limbourg. Deel 5
(1868)– [tijdschrift] Jaarboek van Limburgs Geschied- en Oudheidkundig Genootschap– Auteursrechtvrij
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Notice sur un Procès de la famille Blanche-Rubens.
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verain Conseil de Brabant, resident a Bruxelles, et en presence des temoins enbas a denommer personnellement le sieur Jean Nicolas Guilliaume Blanche, seigneur de Riviere, etc., agé de quattorze ans douze jours, comme il declare, fils de feu messire Francois Anthoine Blanche et de feu dame Dorothée Bernardine Rubens, sain de corps, allant et marchant et usant tout de sa memoire et entendement, comme est apparu a moy dit notaire, et temoins, lequel considerant la fragilité humaine, qu'il n'y a rien de si certain que la mort et plus incertain que l'heure d'icelle a de sa franche et libre volonté sans persuation de personne, comme il declare et ordonne son testament, et disposition de derniere volonté voulant que le meme apres son trespas, aye et sorte son plain et entier effect, soit par forme de testament, codicille, donnation entre les vifs à cause de morte, ou autrement comme un testament peut et doit mieux subsister, non obstant que toutes formalitez et observances requises telles qu'elles pourroient estre, ne seroient accomplies et observees, les derogeant bien expressement par cette. Primes le testateur recommande son ame a Dieu tout puissant son Createur et Sauveur, a la tres Sainte Vierge Marie et à tous les Saints et Saintes de Paradis, lorsqu'elle viendra a delaisser son corps, et le meme a la terre sainte voulant etre enterré dans l'Eglise collegiale de Saints Michel et Gudule pres ses dits parents, avec une messe chantée en musicque, et autant de flambeaux que ses parents ont eu avec distribution aux pauvres escoliers de la dite paroisse pour lesquels, et autres plus pauvres familles devra compté par son heritier universel cy apres a denommer une somme de mille florins au sieur pleban de la ditte Eglise colle- | |
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giale et paroichiale de Ste Gudule résent, ou futur pour en faire la distribution tant en pain, qu'en argent. Item, veut que soyent dites les messes de six semaines et ensuitte faire encore celebrer deux mille messes de requiem dans ladite Eglise, Item, cent messes à Notre Dame de bon secours, Item, cent messes à Notre Dame de Scherpenheuvel au MontaguGa naar voetnoot(1), Item, quarante messes à Nostre Dame de LackeGa naar voetnoot(2), Item, soixante messes à Nostre Dame de Consolation à VilvoordeGa naar voetnoot(3), Item, cent messes aux peres Dominiquains dans cette ville de Bruxelles, Item, cent messes pour ses parents defuncts, Item, laisse et ordonne le testateur par ainsi qu'il soit compté à Charle Lambert une somme de dix mille florins argent de change une fois en recompence des bons services qu'il a rendu à sa famille, Item, il laisse et ordonne le testateur au sieur Colins prestre, et President du College de Pels à Louvain une somme de deux mille florins argent de change une fois, Item, à sa cousine Van den Winchel cent escus une fois, Item, au fils aisné de Monsieur Bernard à Louvain, auquel sa très honorée mere a esté marine, la somme de quattre vinght escus une fois, Item, à Jean Nicolas Guilliaume Bernard Lambert son filieul soixante escus une fois, Item, aux deux quieses, ou filles devottes qui demeurent dans sa maison a Vilvoorde nommées Petronelle et Marie...... chacune dix escus une fois, | |
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Item, aux domesticques qui seront au jour de son trespas chacun un deul et une année de gage. Venant permy ce le dit testateur a la disposition de tous ses biens meubles et immeubles, argent comptant, joyaux, actions, credits, etc., ou et enquel lieu ils se trouveront, et pourroient estre de libre disposition, les fait, et laisse par cette a Dame Marie Anne Rubens compaigne à Monsr Jaecqs Jean Bapta Van Uffels Baron d'Heembecq, etc., Conseiller et receveur general des Domaines et Finances de Sa Majesté imperiale et Catholique, a charge de satisfaire promptement du moins trois mois apres sa morte a tous les legats et messes cy devant mentionnes, l'instituant, et denommant son heritier unique et universel, se reservant le testateur toujours le pouvoir de changer, diminuer ou augmenter ce present instrument de derniere volonté, touttes fois qu'il lui plairat; ainsi fait et passé en la ville de Bruxelles les jour, mois et an susdits en presence de Maistre Michel Parys pareillement notaire, et maistre Anthoine Gaspar Van Halen procureur de l'Audience générale comme temoins a ce appelez par le dit testateur, estant par moy susdits notaire demandé audit testateur et aux dits temoins s'ils scavoient escrire. (Signé:) J.N.G. Blanche, M. Parys, A.G. Van Halen, Et de moy notaire. Quod attestor (signé:) J. Pilloy, nots. publs.’Ga naar voetnoot(1) | |
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Cet acte de volonté dernière ne profita guère à la légataire qui mourut le 14 juillet 1720, deux ans avant le trépas de son neveu Jean-Nicolas-Guillaume BlancheGa naar voetnoot(1). Marie-Anne Rubens était la 6e enfant de Jean-Nicolas Rubens, né en 1644, seigneur de Ramaye, lieutenant de la Cour féodale du pays de Malines, puis Conseiller receveur général des domaines de S.M. au quartier de Bruxelles, et de dame Constance Cornélie Helman. Elle s'était mariée à Jacques Jean Baptiste Van Uffels, baron d'Overheembeek, conseiller et receveur général des domaines et finances de S.M. aux Pays-Bas, mort le 4 mai 1729, dont elle ne laissa pas de postérité pour jouir de la fortune qui lui était dévolue en vertu d'un testament contestable. L'ouverture du testament de Jean de Blanche souleva de la part de sa famille un procès très-compliqué. Des collatéraux en demandèrent l'annulation pour deux motifs puissants en droit: le jeune âge du défunt et l'existence d'un testament antérieur de Nicolas Blanche, son aïeul. Ce dernier, mort en 1708, avait posé un testament ‘fidéi-commis universellement ordonné pupillaire,’ en faveur de ses parents pauvres et nécessiteux les plus proches, et avait ajouté cette clause à la fin de l'acte de sa dernière volonté ‘que si mon fils ou quelqu'unes de ses femmes voudroient, sous quelque prétexte ou titre que ce pouroit être meme de celuy de ne se vouloir porter notre héritier testamentaire, contredise cette mienne disposition (ce que Dieu ne veule), je le prive de tout ce que je peux et cela au profit et en faveur de mes dits pauvres et necessiteux plus proches parens.’ | |
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Les sentiments qui animèrent cet homme furent ceux de la loyauté et de la bienveillance, sentiments rares à une époque où le droit d'ainesse était exclusif vis-à-vis des liens du sang. Quoiqu'il en soit, les pauvres parents du grand seigneur découvrirent leurs plaies et délayèrent leurs preuves dans le tableau que nous présentons aux pages 268-269. N'était-il pas pénible de voir des hommes portant des noms illustres, sortir de leur obscurité relative, pour tendre la main à des parents dans la splendeur? Les droits méconnus doivent toujours avoir droit à la sympathie des coeurs généreux. Antoine-Joseph de Ruttenberg, représentant fondé des droits de sa famille, avait confié, en 1772, ses intérêts à Mr Strens, avocat à BruxellesGa naar voetnoot(1), qui les défendait pardevant le Conseil souverain de Brabant, lorsque d'autres incidents vinrent se mêler à cette affaire. Un des nombreux impétrants, François Joseph de Cloeps, se vit attaqué à son tour par le vicomte Henri Van der Haeghen d'Eesbeke, chancelier de Brabant, qui réclamait une moitié de la succession pendante, du chef de sa femme Cornélie de Rubens, soeur de Dorothée-Bernardine Blanche morte sans héritiers instituésGa naar voetnoot(2). Le chancelier consentit enfin à faire une transaction à l'amiable, le 29 février 1724, et eut une moitié des biens meubles et immeubles de la succession divisée en biens paternels et en biens maternels. Cette décision était antijuridique, parceque la dame Dorothée-Bernardine Rubens avait transmis tous ses biens à son époux François-Antoine Blanche de Rivière, représenté par les sieurs de Ruttenberg et consorts, à titre de | |
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parents paternels les plus proches et les plus nécessiteux, appelés par le fidéi-commis de Nicolas Blanche. François Joseph de Cloeps ne semble avoir consenti à cette transaction, que dans le peu de confiance ou le doute qu'il avait dans l'issue du procès. Dans l'affirmative, comment conçevoir un tel acte de faiblesse? Comment trahir ses intérêts les plus chers? Craignant une double attaque, celle du chancelier Van der Haeghen et d'Antoine de Ruttenberg, il aura baissé pavillon devant le plus influent et le plus dangereux de ses adversaires, pour amener l'autre à composition, en se servant de son nouvel allié Van der Haeghen, pour le faire désister de son action judiciaire. Pendant que les parties s'entredéchiraient devant les tribunaux, on vit sortir du fond du Limbourg des prétendants tout nouveaux à l'opulente succession des Blanche de Rivière. Les Hoen de Cartils exhibèrent des documents qui parurent affaiblir un instant les droits de MM. de Ruttenberg et consorts. Ils ne tendaient rien à moins qu'à exclure ces derniers de la possession des fidéi-commis et à les débouter de leur demande introduite au Conseil Souverain de Brabant. Voici ce qu'ils avançaient: Guillaume de Horion, seigneur de Colonster et de Heel, grand mayeur de Maastricht en 1652, avait épousé Anne-Catherine de Dobbelstein, d'Eynebourg, près d'Aix-la-Chapelle, dont le fils cadet Herman de HorionGa naar voetnoot(1), s'était uni, contre la volonté de ses auteurs, avec Anne-Marie Blanche. Il fut rejeté par les familles Dobbelstein | |
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et Hoen de Cartils et forcé de se réfugier, avec sa jeune épouse, au cloitre de Cornelis-Munster, à Aix-la-Chapelle. Ils y moururent exhérédés par la maison Horion et leurs petits-enfants nés au sein du malheur et de l'indigence se dispersèrent dans différentes contrées et ne connurent les faits du procès qu'en 1744. Voici un tableau tendant à prouver la parenté des Hoen avec les Blanche. Il fut exhibé au procès: Nous voyons d'après cet exposé, que les Hoen voulaient se mettre en lieu et place de-leurs cousins dans l'infortune. Les fidéi-commis, fiefs, etc., étant seuls réservés aux ainés, et dans le cas présent, aux parents les plus proches du côté paternel, les Hoen de Cartils n'auraient pu jamais prétendre à leur possession, même après avoir écarté les Ruttenberg, parce qu'ils étaient seulement alliés aux Blanche par leur cousin, mais non les descendants d'une soeur unique du testateur, comme l'étaient les pauvres Ruttenberg. Admettant un instant que ces derniers eussent été évincés ou morts sans postérité légitime, il n'en était pas moins avéré alors que les Cloeps devenaient les chefs du procès, attendu que leurs compétiteurs en revendication étaient complètement étrangers aux droits du sang. D'après nous, les Hoen cherchèrent, dans cette procédure, une mauvaise chicane ayant la | |
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jalousie et l'intérèt pour mobile. Ils se basaient sur le texte sévère des lois de l'époque, portant que ‘si le fils exhérédé avait survécu à son père, ses petits-enfants étaient exclus de la succession de l'aïeul.’ Mais cette prescription toute cruelle qu'elle est, ne s'applique qu'aux biens d'origine patrimoniale et non au fidéi-commis ou substitutions d'origine collatérale.Ga naar voetnoot(1) Il ne nous a pas été permis de connaître les dates du décès des auteurs de Herman de Horion, mais nous voyons qu'en 1706, époque de sa mort, il était encore sous le coup de la réprobation paternelle. On doit inférer de ce fait que les enfants du défunt étaient devenus aptes à recueillir l'héritage des aïeux et, a fortiori, celui des collatéraux. Les Ruttenberg avaient donc à lutter contre les Hoen de Cartils et contre les Cloeps coalisés avec le chancelier Van der Haeghen. Ainsi, un tout jeune homme, en posant un acte irréfléchi, a été le point de départ d'un énorme procès dans lequel ont été discutées des questions de droit coutumier. L'immense fortune des Blanche était un beau sujet de convoitise pour tant de parents, les uns dans l'opulence, les autres dans la misère. Nous connaissons par les éléments du procès actuellement en notre possession, les tâtonnements nombreux qui imprimèrent à cette affaire une marche embarassée. Mais on objectera que Herman de Horion, aïeul des Ruttenberg, avait été deshérité par son père et que ses descendants ne pouvaient élever aucune prétention à la jouissance des biens paternels et maternels. Nous répondons que cette mesure ne touchait en rien aux droits | |
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qu'il pouvait tenir du chef de sa femme et que même, fut-il décédé sans postérité, les biens qu'il tenait du chef des Blanche devaient faire retour à leur source représentée par les Cloeps. Dans notre opinion, ce procès devait être plaidé à deux points de vue: 1o Invoquer les décrets et les coutumes réglant la succession des fidéi-commis et des biens seigneuriaux; 2o Forcer le chancelier de Brabant, intéressé, à se récuser; attendu, qu'en vertu de l'article XII de la Joyeuse Entrée, le duché de Limbourg étant annexé judiciairement au Brabant, les affaires du premier pays ressortissaient au Conseil souverain du second duché, agissant dans les limites de sa compétence. Il y allait de la dignité et de la loyauté du chancelier Van der Haeghen de s'abstenir du rôle de juge et de partie dans la cause qui nous occupe. On sait qu'il se fit adjuger les seigneuries de Rivière et d'Aerschot. Malgré des recherches actives opérées dans les archives du Conseil souverain de Brabant reposant à Bruxelles, il nous a été impossible de trouver les actes nécessaires au complément de notre travail.
Cte Alph. O'Kelly de Galway. |
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