De Gulden Passer. Jaargang 53
(1975)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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Le commerce de la gravure en France au xviie siècle: les Tavernier
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Rien n'est plus exact. À cette confusion pourtant les frères Haag ne furent pas entièrement étrangers; le véritable responsable de bien des erreurs fut pour commencer, NaglerGa naar voetnoot2. Les erreurs de Nagler furent allègrement reprises par Van Ortroy, lequel, du reste, semble avoir ignoré l'existence du travail des frères Haag. On croit pouvoir en trouver la preuve dans sa contribution à l'Histoire des Imprimeurs et Libraires belges à l'ÉtrangerGa naar voetnoot3 et plus encore dans sa participation à la Biographie nationale de BelgiqueGa naar voetnoot4. On doit se limiter ici, à l'essentiel, aussi est-il impossible de relever, point par point, les erreurs et les contradictions de Van Ortroy. On ne s'arrêtera pas, non plus, aux véritables inventions auxquelles se livrèrent des auteurs qui se copièrent mutuellement. La plus savoureuse, ou la plus saugrenue de ces inventions, est celle de Basan. Dans son Dictionnaire des GraveursGa naar voetnoot5, il mentionne avec une inconsciente légèreté que ‘Melchior Tavernier, graveur médiocre, naquit à Poitiers’! | |
Les origines.- Les origines d'une famille Tavernier, qui compta divers artistes et à laquelle pourraient avoir appartenu Gabriel et Melchior Tavernier ont été étudiées dans la Biographie nationale de Belgique (loc. cit.). Toutefois, certains éléments de la Biographie nationale de Belgique ne concordent pas toujours avec ceux de la Contribution à l'Histoire des Imprimeurs et libraires belges, à l'Étranger, de Van Ortroy (loc. cit.). Ceci surprend, car Van Ortroy signa dans la Biographie nationale de Belgique la notice consacrée à Melchior Tavernier. | |
Aimé Tavernier.- Le premier Tavernier, digne d'attention a été étudié par Maurice Sabbe dans la Biographie nationale de BelgiqueGa naar voetnoot6. Il se nommait Aimé Tavernier. Tailleur de lettres et imprimeur, | |
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il serait né dans la Flandre française à Bailleul, entre 1522 et 1526. Sa mort survint à Anvers en 1569 ou 1570. Après avoir appris son métier à Gand, Aimé Tavernier s'établit à Anvers. On le trouve parmi les maîtres de la Corporation de Saint-Luc (1556), en qualité de maître-fondeur. L'année suivante, le 26 mars 1557, Aimé Tavernier se fit inscrire dans les ‘poortersboeken’ d'Anvers. La plus ancienne de ses éditions, le Concordia Evangelica de C. Jansenius, porte le millésime de 1558. Mentionné comme locataire d'une maison à l'enseigne Hoe dat Jesus onder de doctoren sat, rue des Peignes depuis 1559-1560, il y demeure jusqu'en 1569-1570, l'année de sa mort. On sait aussi qu'il publiait ses livres à l'enseigne de la Rose d'Or, rue Notre-Dame. Il aurait occupé deux immeubles dont l'un pouvait lui servir d'atelier et l'autre de magasin. Il occupait, en 1570, neuf ouvriers dans ses ateliers et l'on possède une quarantaine d'ouvrages sortis de ses presses. Aimé Tavernier et J. Verwithaghe assistèrent Chr. Plantin lorsque ce dernier fut nommé architypographe par Philippe II. Dans un certificat qu'il rédigea pour Aimé Tavernier, Plantin le vante comme fort expert en l'art de la typographie, et, avec ce bon tailleur et fondeur de lettres et ‘entendant bien Latin, François et Flameng’. Sa veuve Elisabeth Berckmans continua au moins partiellement les activités de son époux défunt, jusqu'en 1572. Le couple avait eu un fils, prénommé aussi Aimé, baptisé à l'église Saint-Jacques d'Anvers, le 14 juin 1562. Cette indéniable appartenance d'Aimé Tavernier à la religion catholique peut-elle vraiment en faire un proche parent de Gabriel Tavernier? Ce dernier appartenait, de façon, non moins inconstestable, au protestantisme. | |
Gabriel Tavernier.- Quelle que puisse avoir été la parenté d'Aimé Tavernier et de Gabriel Tavernier, parenté que rien ne vient infirmer ou confirmer, Gabriel Tavernier était flamand. Le fait est précisé par le texte d'un marché passé devant notaire à Tours, en 1590, marché sur lequel on aura à revenir. Van Ortroy dans ses deux études a donné des précisions contra- | |
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dictoires. Dans la Biographie nationale de Belgique, il se hasarde à déclarer Gabriel, originaire de Bailleul, en Flandre française, comme Aimé Tavernier. Il ajoute qu'il travailla ‘dans notre métropole’, c'est-à-dire à Anvers. Apparenté ou non au catholique Aimé Tavernier, Gabriel Tavernier passe pour avoir dû quitter Anvers pour fait de religion. Ce dut être en 1573. ‘Usque en l'an 1614’, il travailla à Paris, où il aurait apporté l'art de la gravure en taille-douce’. Du moins, son fils Melchior Tavernier devait l'affirmer, en 1620, dans un Factum établi par Labbé pour Melchior Tavernier, maistre graveur, imprimeur en taille-douce contre les syndics et gardes des marchands et libraires imprimeurs de Paris (S.l., in-4o, Bibliothèque nationale, Imprimés, Réserve, Thoisy, 328, fo 15). Il est inutile de redire qu'André Thevet, de son côté, se glorifie, lui aussi ‘d'avoir été le premier qui ait mis en usage à Paris l'impression en taille-douce, tout ainsy qu'elle étoit à Anvers’ (Vrais Pourtraicts des Hommes Illustres, 1584). Or, si Gabriel Tavernier quitta Anvers pour fait de religion, si, par la suite, il se montra bon protestant, il eut cependant, un premier fils baptisé le 24 août 1588 à l'église Saint-Benoît, à Paris. L'acte de baptême inédit figure à la Bibliothèque nationale dans le Fichier Laborde, au Département des Manuscrits. Il ne peut être question d'une erreur: il s'agit bien d'un fils (dont le prénom manque) ‘de Gabriel Tavernier, imprimeur en taille douce et de Sébastienne Bordeaulx’. Il y a deux parrains, Jean Hosse, marchand libraire à Paris et Pierre Mestrail ou Menetrier, imprimeur. La marraine est Nicolle Perronet. On ne peut guère s'expliquer ce baptême à Saint-Benoît, déjà paroisse des principaux marchands ou graveurs de la rue Saint-Jacques. Il faut supposer que Sébastienne Bordeaulx, première femme de Gabriel Tavernier, était catholique et souhaita un baptême catholique pour son fils. | |
Protestantisme de Gabriel Tavernier.- Cette hypothèse est d'autant plus probable que les enfants de Gabriel Tavernier et de Suzanne Tonnelier, sa seconde épouse, une protestante, sans aucun doute, seront baptisés au Temple de Charenton. Et, ce sera au | |
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cimetière protestant de la rue des Saints-Pères, que, bien plus tard, sera inhumé Melchior Tavernier, le seul et unique Melchior Tavernier, fils de Gabriel et de Suzanne Tonnelier. Les originaux de ces actes de baptême ont disparus dans l'incendie de l'Hôtel de ville de Paris, allumé par la Commune en 1871. Toutefois, dans leur France protestante, parue bien avant 1871, les frères Haag mentionnent les baptêmes, à Charenton, de Melchior, en 1594 (qui sera le successeur de son père), de Jean-Baptiste, en 1605, futur grand voyageur, dont on aura à reparler, et de Daniel, en 1613. Ce dernier après avoir été apprenti de Gédéon Tarnier ‘peintre privilégié suivant la cour et maître peintre’, selon un certificat du 10 avril 1634 (Archives nationales, minutier central, fonds VIII, liasse 1540) qui mentionne un procès avec Suzanne Tonnelier, serait ensuite, devenu orfèvre à Uzès. Ce fut l'un des deux enfants de Gabriel Tavernier et de Suzanne Tonnelier, dits ‘mineurs’ en 1630; le second mineur devait être encore Jean-Baptiste (Archives nationales, Minutier central, fonds VI, liasse 208, 11 avril 1630). On ne doit pas perdre de vue qu'au XVIIe siècle, la majorité était fixée à vingt-cinq ans. | |
Gabriel Tavernier, graveur.À sa profession ‘d'imprimeur en taille-douce’, mentionnée à Saint-Benoît, en 1588, Gabriel Tavernier joignit à l'occasion l'exercice de la gravure. En effet, Gabriel Tavernier est dit ‘graveur en cuivre, flamant (sic), demt à Paris, rue Saint Jehan de Latran, à l'enseigne de la Samaritaine, paroisse S. Benoît le bien tourné’. Indiqué ‘comme de présence à Tours’, le ‘huictieme jour de février de l'an mil cinq quatre vingt et dix’, il passe un contrat avec Maurice Bouguereau, libraire, tenant boutique à la petite Fontaine du ‘Carray de Beaulne’. Le contrat concerne la gravure d'une carte de ‘pareille forme et grandeur’ d'une carte de France de Postel. Gabriel Tavernier ‘taillera’ et ‘poschera’ sur une table de cuivre qui lui sera baillée par le dit BouguereauGa naar voetnoot7. Durant le temps que le dit Tavernier ‘sera à faire la carte’, Bouguereau sera tenu de le loger, de lui fournir le lit et du bois | |
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‘pour se chauffer, bien et honnestement selon la qualité’. Ceci ‘moyennant la somme de 12 sols par jour qui luy seront desduicts sur ce qui se trouvera luy estre deu pour le fasson (sic) de la dite carte’. Cette dernière sera payée à Gabriel Tavernier par Maurice Bouguereau ‘la somme de six vingt écus’. Deux mois plus tard, le travail est achevé ‘le 3e jour d'avril MVe IIIIxx dix (1590)’. Demeurée sans nom de graveur, la carte ne peut être que la Carte générale de France dont Maurice Bouguereau parle dans la dédicace au Roi de son fameux Atlas, le Théâtre Françoys, paru en 1594, avec privilège de 1591. Elle accompagne, du reste, cet Atlas. Son titre est Galliae Guillelmus Postel describebat Augustae Tuorum in oedibus Maurici Bogueraldi. | |
Le Père de Dainville et le Théâtre Francoys de Bouguereau.On retiendra seulement que parmi les cartes de cet Atlas, qui comprend, également, un portrait de Henri IV entre des figures allégoriques, se trouvent des cartes originales, des copies de cartes françaises ou flamandes. Quelques-unes d'entre elles offrent pour signature des monogrammes de deux lettres. Si Ludovic Langlois n'a pu déchiffrer ces monogrammes, susceptibles de diverses interprétations, le très regretté Père François de Dainville, par contre, s'est montré formel. En effet, dans son étude, le Premier Atlas, le Théâtre Francoys de Bouguereau, 1594Ga naar voetnoot8, le Père de Dainville mentionne que huit cartes d'Ortelius, souvent copies de cartes françaises, auraient été reproduites pour le Théâtre Francoys; de plus, quatre autres cartes sont des copies de Mercator, également cartographe en renom. Le Père de Dainville en a conclu, dans son exposé, que Maurice Bouguereau, peu expert en cartographie, aurait fait confiance à Gabriel Tavernier, lequel aurait travaillé chez Plantin, éditeur d'Ortelius, avant de s'enfuir d'Anvers. Malheureusement, les vérifications que nous avons faites infirment toutes ces hypothèses. Elles ne peuvent être basées sur la publication de Van Ortroy, Contributions à l'Histoire des Imprimeurs et des Libraires belges à l'étranger (loc. cit.). D'abord Van Ortroy | |
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dénie une origine anversoise à Gabriel Tavernier, et, de surcroît, il ne fait aucune allusion à des travaux de ce dernier, soit avec Ortelius, soit pour Plantin ou son successeur. Bien plus, le docteur L. Voet, conservateur du Musée Plantin, a bien voulu nous confirmer que parmi les archives du musée ne figurent ni le nom de Gabriel Tavernier, ni celui de son fils Melchior. | |
Identification de cartes anonymes du Théâtre Francoys et attribuées à Gabriel Tavernier.- Sept des cartes du Théâtre Francoys portent des monogrammes. On a dit plus haut que le Père de Dainville s'était montré formel à leur propos. Il avait discerné en eux des G et des T, initiales de Gabriel TavernierGa naar voetnoot9. Bien qu'elles demeurent anonymes, le Père de Dainville pour des raisons de style et de facture, a attribué au burin du même Gabriel Tavernier, la gravure des onze autres cartes du Théâtre Francoys. Sans qu'elles soient clairement définies, ces attributions peuvent reposer, à la rigueur, sur un passage aux ‘bénévoles lecteurs’ de son Théâtre Francoys. ‘La bonne volonté, écrit-il, que j'ai eu d'illustrer ma Patrie, lorsque ceste ville de Tours estoit en des temps de troubles et guerres civiles, le reffuge des gens de bien, s'adressa à moy ung graveur Flamand, auquel, après avoir fait graver le cuivre de la Charte (sic) de France, je fus lors stimulé de continuer le Théâtre Francoys’Ga naar voetnoot10. Néanmoins, on ne peut être assuré de savoir si, Gabriel Tavernier demeura plus des deux mois prévus, par le contrat de février 1590, dans la maison de Maurice Bouguereau. Il est vrai que le Théâtre Francoys ne fut publié qu'au début de 1594 et que durant la fin de l'année 1590 ainsi que durant les années 1591 à 1593, Gabriel Tavernier aurait eu le temps de graver des cartes, soit à Tours, soit même à Paris. | |
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On ignore les travaux de Gabriel Tavernier au cours des années suivantes. De toutes façons, il continua à tenir une boutique à Paris, jusqu'en 1614, selon les termes du Factum de Melchior Tavernier, cité plus haut. Le 2 juin 1602, Gabriel Tavernier adhéra, avec Léonard Gaultier ‘et autres graveurs en taille douce’ à une convention entre Thomas de Leu, Jacques Grandhomme, ‘graveur sur cuivre en taille’, Jean Le Clerc ‘tailleur d'histoires’, relative à l'application d'une sentence du prévôt de Paris pour la réglementation de leur métier (Archives Nationales, Minutier Central, fonds VI, liasse 170). Gabriel Tavernier était-il déjà établi sur le pont Marchand à l'enseigne de La Huppe? On ne peut le préciser. Le pont Marchand était tout bonnement le pont au Change, en aval des quais de la Mégisserie et de l'Horloge. Reconstruit, en 1598, en prolongement de la rue Saint-Denis, il succédait à bien d'autres ponts. Les maisons à deux étages qui le bordaient, avaient chacune pour enseigne un oiseau. Le pont fut appelé un temps Pont aux oiseaux et aussi Pont-Marchand, du nom de son architecte, Charles Marchand. | |
Nouveaux documents sur Gabriel Tavernier.- Des clartés nouvelles ont été apportées par Mademoiselle Marie-Antoinette Fleury dans le tome Ier de ses précieux Documents du Minutier CentralGa naar voetnoot11. Si appréciables que puissent être ces nouveaux textes à propos de Gabriel Tavernier ils ne sont pas sans soulever, à leur tour, plusieurs problèmes. Un premier fait est à retenir sans discussion. Il apporte la preuve que Gabriel Tavernier, en dehors de sa boutique, devenue à La Huppe sur le ‘Pont-Marchand’, possédait une autre officine, une loge ‘située dans le halle de la foire Saint Germain’, tenant ‘au Grand Pignon de l'abbaye, sur la première travée’. Cette loge se trouvait sur la censive de la princesse de Conti, à laquelle étaient payés le cens et rente de 6 livres, 5 sols (Minutier Central, fonds VI, liasse, 188, 30 avril 1619). | |
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Par un acte du 30 avril 1619, Suzanne Tonnelier, veuve de Gabriel Tavernier, ‘marchand et graveur en taille douce’ à l'enseigne de La Huppe, indiquée par un autre document du minutier central, cédait à son fils Melchior, qui demeurait avec elle sur le ‘Pont-Marchand’ (à La Huppe, par conséquent), la moitié ‘et un cinquiesme de la loge’, sise à la Foire Saint-Germain. Plus tard, le 16 novembre 1621 et le 11 avril 1630, remariée à Abel ‘Van Screvenbrouck’, ‘maitre en fait d'armes’, elle donnera des quittances à Melchior Tavernier concernant des rachats de rente, ‘à elle’ constituées par son fils Melchior à propos de la dite logeGa naar voetnoot12. Un acte joint à la quittance du 30 avril 1619 révèle que Suzanne avait fait dresser un inventaire après le décès de son mari, inventaire entrepris le 23 février 1607. On discerne, aisément que cette date de 1607 s'oppose au Factum de Melchior Tavernier, en 1620, dans lequel il précise que son père Gabriel Tavernier tint boutique jusqu'en 1614. Les archives de Maître Jacques Berthouin, le notaire ayant procédé à l'inventaire après décès de Gabriel Tavernier, n'étant conservées qu'à partir de 1623, toutes vérifications directes pour élucider le problème ainsi posé, demeuraient impossibles. Fort heureusement avec la science et le dévouement, qui lui sont habituels, Mademoiselle Fleury, à notre demande, a bien voulu procéder à d'autres sondages au Minutier Central. Ils ont prouvé que la date de 1607 était un incontestable lapsus du notaire ou du clerc ayant rédigé l'acte du 30 avril 1619. On peut en être d'autant plus certain que les recherches de Mademoiselle Marie-Antoinette Fleury lui ont fait découvrir un acte inédit du 3 avril 1609, relatif à Gabriel Tavernier. Il s'agit d'un acte d'apprentissage passé par Gabriel Tavernier ‘marchand imprimeur en taille-douce, demeurant sur le Pont aux Marchands’ (sic) avec un nommé Jacques Le Trosne. Une autre certitude de la survie de Gabriel Tavernier au delà de février 1607, est le baptême au temple de Charenton, en 1613, de son fils Daniel, d'abord apprenti chez un peintre, puis orfèvre à Uzès. Or Daniel Tavernier figure bien comme mineur au nombre | |
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des enfants de Gabriel Tavernier et de Suzanne Tonnelier dans un acte du 11 avril 1630Ga naar voetnoot13. Par ailleurs, la Réserve du Département des Imprimés de la Bibliothèque Nationale possède une édition de 1613, chez Pierre Valet, de la traduction par Jacques Amyot, d'après Héliodore d'Emèse, des Amours de Théagène et de Cariclée (sic). Cette édition qui peut être une éventuelle réédition, est illustrée d'un titre et de cent-vingt vignettes à l'eau-forte de Gabriel Tavernier. En définitive, celui-ci vécut, au moins jusqu'en 1614, date à laquelle il cessa de tenir boutique, selon le témoignage de Melchior Tavernier. Gabriel Tavernier vécut-il au delà de 1614? Si le fait se produisit, ce ne dut pas être pour longtemps, car, par un arrêt de la Cour du Parlement du 7 décembre 1615, le bail de la maison du ‘Pont-Marchand’ fut transféré à Suzanne TonnelierGa naar voetnoot14, devenue sa veuve. Il convient de faire observer que le rang auquel semble avoir accédé Gabriel Tavernier était assez important pour associer sa personne aux décisions de graveurs ou de marchands aussi éminents qu'un Thomas de Leu, qu'un Jean Le Clerc, qu'un Léonard Gaultier. | |
Gabriel Tavernier, les ‘scavans’ et Jean-Baptiste Tavernier.Un ultime reflet de l'activité de Gabriel Tavernier est apporté par son fils, Jean-Baptiste Tavernier, baptisé au Temple de Charenton, en 1605. Jean-Baptiste Tavernier devait être le Tavernier, illustre voyageur et marchand de diamants. Ce fut, croit-on, Chappuzeau, qui rédigea le texte du livre intitulé les Six voyages du Sieur Tavernier qu'il a fait en Turquie, en Perse et aux Indes (Paris, chez G. Clouzier et C. Barbin, 1676). Au début du récit de ses aventures, Jean-Baptiste Tavernier fit écrire: ‘Si la première éducation est comme une naissance, je puis dire que je suis venu au monde dans le désir de voyages. Les entretiens que plusieurs Scavans avoient tous les jours, avec mon père (Gabriel Tavernier) sur les matières de géographie qu'il avoit la | |
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réputation de bien entendre, et que tout jeune que j'estois j'écoutois avec plaisir, m'inspirèrent de bonne heure le dessein d'aller voir une partie des païs qui m'estoient representez dans les Cartes, où je ne pouvois alors me lasser de jetter les yeux. À l'âge de vingtdeux ans, j'avois vu les plus belles régions de l'Europe, la France, l'Angleterre, les Païs bas, l'Allemagne, la Suisse, la Pologne, la Hongrie et l'Italie...’. Afin d'en finir avec Jean-Baptiste Tavernier, signalons qu'au début il est cité en tant que ‘marchand libraire, logé dans l'île du Palais’ et qu'il vendit, en 1668, à Louis XIV pour trois millions de diamants, réunis au cours de ses périgrinations en Orient. Les principaux de ces diamants sont représentés dans le récit de ses voyages, gravés par Abraham Bosse (tome II, 3e planche, page 337, G. Duplessis, no 1065)Ga naar voetnoot15. Jean-Baptiste Tavernier, peu après, obtient des lettres de noblesse (février 1669). Il en profita pour acheter la baronnie d'Aubonne en Suisse; Jean-Baptiste s'empressa de faire graver ses armoiries par Abraham Bosse (Duplessis, no 1279), collaborateur et ami de son frère Melchior. Ses prodigalités devaient l'obliger à revendre sa propriété par la suite, au fameux amiral Duquesne, dont les enfants furent astreints à s'expatrier en raison de leur appartenance au calvinisme. Si l'on ne peut confirmer que Jean-Baptiste Tavernier fut vraiment enfermé à la Bastille lors de la Révocation de l'Édit de Nantes, il obtint une caution et un passeport pour la Suisse, en juillet 1687. Un mois après, il était à Berlin, où l'électeur de Brandebourg lui octroya le titre de Directeur de la Compagnie des Indes, qu'il se proposait de fonder. Malgré son âge avancé, Jean-Baptiste Tavernier se préparait à un voyage, lorsqu'il mourut, non à Moscou comme d'aucuns l'ont affirmé mais à Copenhague, en 1689, dans la maison de son coreligionnaire Henri de Moor. | |
Melchior Tavernier.Fils de Gabriel Tavernier et de Suzanne Tonnelier, baptisé à Charenton en 1594, Melchior Tavernier dut exercer une action considérable. C'est le seul membre de la famille | |
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ayant porté le prénom de Melchior, car son homonyme que Van Ortroy fait maître à Anvers en 1544 et mourir à Paris en 1641, n'est qu'un mythe inexpliqué. Il serait trop long de donner tous les détails de ses activités, qui englobent la gravure en taille-douce, l'édition de gravures et l'édition de cartes géographiques. L'essentiel, cependant, montre l'importance que l'on peut attribuer à ses travaux, à ses publications et surtout à ses associations avec des artistes ou des éditeurs des Flandres et des Pays-Bas. Melchior Tavernier devait marquer d'une profonde empreinte le commerce de la gravure en France, au cours de la première moitié du XVIIe siècle. Nous nous sommes attaché, ailleursGa naar voetnoot16 à essayer de démontrer que ce commerce de la gravure à Paris, fut, en majeure partie, créé par des artistes principalement venus des Flandres. À ce commerce, Melchior Tavernier acheva de donner de fermes assises avant de passer le flambeau à une première génération française qui lui était presque contemporaine. Parmi elle se distingueront un François Langlois, dit Ciartres et Pierre I Mariette, avec lesquels Melchior Tavernier devait être en relations commerciales et amicales. | |
Les débuts de Melchior Tavernier.Pour mieux faire connaître les débuts de Melchior Tavernier, on doit reprendre le Factum qu'il fit établir en 1620 par Labbé, ce Plaidoyer contre les syndics et gardes des Marchands et Libraires de Paris (Bibliothèque nationale, Imprimés, Réserve, Thoisy, 328, fol. 15 et suivants). Melchior Tavernier avait alors vingt-six ans. On remarquera dans la relation de son activité jusqu'à ce moment que nulle allusion n'est faite à un séjour ou à un apprentissage à Anvers. ‘... Après son decez (celui de son père: Gabriel Tavernier vers 1614 - débuts de 1615), le deffendeur (Melchior Tavernier) faisant mesme profession et marchandises que son père, a continué à tenir boutique ouverte et de vendre des livres de figures de tailles douces par luy faittes et par autres de mesmes, et commerce aussi de toutes sortes de cartes grandes et petites, en forme’. | |
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Ce commerce était assurément à la Huppe, du Pont-Marchand, dont sa mère Suzanne Tonnelier lui avait vendu, en 1619, les ‘meubles et marchandises’ qui étaient dans la maison où ils demeuraient tous deux. À cette vente étaient jointes celles de toutes les créances qui étaient la propriété de Suzanne Tonnelier après le décès de son mari. L'ensemble se montait à la somme de 900 livres tournois, dont 300 livres payées comptant, et à la charge des dettes. Le même jour, 30 avril 1619, Suzanne Tonnelier vendait à son fils Melchior ‘la moitié et un cinquiesme’ de la loge possédée par Gabriel Tavernier à la Foire Saint-Germain, ce que nous avons mentionné plus haut. En même temps, elle faisait transport à Melchior Tavernier du bail de la maison à l'enseigne de la Huppe, bail qui lui avait été concédé, on l'a dit, par arrêt du Parlement le 7 décembre 1615Ga naar voetnoot17. | |
Melchior Tavernier ‘graveur en taille-douce’ et imprimeur du Roi.En même temps qu'il exerçait à la Huppe le même commerce que son père, Melchior Tavernier poursuivait la constitution de son oeuvre de graveur. ‘Louis XIII’ l'aurait fait ‘travailler plusieurs fois devant lui, et, satisfait de son travail, il lui fit expédier des lettres de provision, adressées au Prévôt de Paris, par lesquelles il le déclara graveur et imprimeur en taille-douce (sic) de Sa Majesté, ce qui a été entériné au Châtelet de Paris le 8 novembre 1618 et confirmé au Parlement’Ga naar voetnoot18. L'inventaire complet des gravures de Melchior Tavernier, dont il poursuivit l'exécution au moins jusqu'en 1641, alourdirait la présente étude. On se bornera à mentionner qu'en 1619, Melchior Tavernier grava les cartes et plans du Voyage de Willem C. Schouten, paru à Paris chez M. Gobert (Bibliothèque nationale, Imprimés, G. 29086). Il en existe des éditions hollandaises de 1618 et 1619, établies en français. La même année, Melchior Tavernier grava le portrait de François de Laberran de Montigny, ministre protestant. Ce dernier avait fait paraître, en 1617, avec Pierre Du Moulin et Mestrezat, une importante Défense de la Confession des Églises | |
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réformées... Toujours, en 1622, Melchior Tavernier grava le titre de l'Eloquentiae sacrae, parallela, libri V, du Père Nicolas Caussin (Bibliothèque nationale, Impr., Rés. X. 441 et X. 897). En cette même année de 1622, il dut faire paraître, avec Nicolas de Mathonière, un placard relatif à la paix de compromis, octroyée par Louis XIII aux huguenots. La Miséricorde, la Justice et la Paix sur un char conduit par la Vérité, suivi du Faux conseil enchaîné, s'avancent vers le roi assis sur son trône. Le plan de Montpellier occupe le fond de la pièce où les protestants viennent implorer le roi. Sous la composition:
Montpellier, tourmenté des foudres de la guerre,
Prosterné vers le roy esvite le tonnerre...
Tavernier devait aussi graver le portrait, à mi-corps, de ‘Armand, cardinal de Richelieu grand maître et surintendant de la navigation et du commerce de France’. Parmi ses dernières gravures figure le Plan au Vray de la ville & Citté d'ARAS (sic) AVEC ses forts et lignes de circonvalation // Approches de la ville par les Armées du ROY // ... (etc.). À droite, le titre, dans un large cartouche, est accroché aux branches des deux premiers arbres d'une futaie, à l'orée de laquelle apparaissent trois cavaliers en armures. La carte est ‘gravée & imprimée par le commandement de Sa Majesté par Melchior Tavernier Ao 1640’ (Bibliothèque nationale, Cartes et plans, Ge. B. 871). Hauteur 675 mm × largeur 925 mm.; plus la ‘Table pour l'intelligence des lettres et des chiffres. H. 275 mm. À l'occasion, Melchior Tavernier chercha pour ses gravures à imiter le style de Michel Lasne, dont le succès ne cessait de s'affirmer. Lasne dans sa jeunesse avait travaillé à Anvers de 1617 à 1619, où il s'était fait recevoir dans la Gilde de Saint-Luc. Le même Lasne grava le frontispice de la Sainte Bible française selon la vulgaire Latine, publiée en 1621 chez Jean Richer et Pierre Chevalier, à Paris. Une vignette pour cet ouvrage avait été demandée à Melchior Tavernier. Parmi les autres graveurs, on trouvait Léonard Gaultier, Claude Mellan à ses débuts, le polonais Ziarnko, dit Legrain, le flamand Michel Faulte et Michel Van Lochom dont les relations avec Melchior Tavernier seront nombreuses. | |
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Premiers rapports de Melchior Tavernier avec des éditeurs ou des graveurs des Flandres ainsi que des Pays-Bas.Tant qu'on aura pas trouvé de nouveaux documents, il restera difficile de déterminer si les rapports commerciaux de Melchior Tavernier s'étaient d'abord établis avec des éditeurs ou des graveurs des Pays-Bas méridionaux ou en premier lieu avec leurs confrères des Pays-Bas septentrionaux. Le fait que le 23 septembre 1619, Melchior Tavernier fut présent à l'inventaire après le tout récent décès de son beau-frère Giral (sic) Pitten ‘vivant maistre peintre audi St Germain’ (des Prés)Ga naar voetnoot19 est sans importance. Tout l'intérêt porte sur la publication, en 1623, de la Partie méridionale du Languedoc, à Amsterdam, chez Josse Hondius, carte également vendue par Tavernier. | |
Premières cartes géographiques connues de Melchior Tavernier.Dès 1621, Melchior Tavernier avait publié un Portrait au vray de la ville de Clayrac et du paysage qui est à l'entour et aussi la représentation des batteries qui s'y font observées... par le sieur de Siette, avec plan des fortifications et vue de l'armée royale. On retrouvera ‘le sieur de Siette’, lors du Siège de la Rochelle, en 1629. Une carte du Païs d'Aunis... Désignée par le Sr Bachot, date encore de 1621; elle sera rééditée en 1627. Un Plan au vray de la vue de Sommières avec l'armée royale faisant le siège de la Bourgade, dut paraître peu après cet événement, au mois d'août 1622. | |
Accord avec Crispin de Pas (de Passe) le Jeune.En 1623, confirmant ses rapports commerciaux avec des artistes du Nord, Melchior Tavernier conclut une association pour six ans avec ‘Crispain’ (sic) de Pas le Jeune, demeurant, à ce moment, rue Saint-Jacques, à Paris. Il s'agissait de procéder à l'achat de ‘cuivre battu et poli’, prêt à graver les tailles-douces en quelque pays que ce soit (Minutier (Central, fonds VI, liasse 195, Ier mai 1624). | |
Les Tournois du roi René. - Relations avec Rubens.En 1624, Melchior Tavernier sollicita, une nouvelle fois, le concours des | |
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États de Provence pour une publication des Tournois du Roi René, selon RenouvierGa naar voetnoot20. Un projet initial, dû au fameux humaniste Fabri de Peiresc, aurait été envisagé avec Gabriel Tavernier ou pour lui. On ne paraît connaître que les planches du Vray Théâtre d'honneur de Vulson de La Colombière (1646), édité par Melchior Tavernier. De toutes façons l'activité d'éditeur de Melchior Tavernier ne cessa de s'étendre; elle allait surpasser son labeur de graveur. Le 12 novembre 1626, Rubens, lui-même, écrivit à Pierre Dupuy, bibliothécaire du roi: ‘J'ai envoyé différentes estampes à M. Thavernier (sic) sur sa demande et sur les instances de M. de Valaues... Veuillez lui faire demander si elles sont arrivées entre ses mains comme j'en suis certain’Ga naar voetnoot21. On ne s'explique pas la raison pour laquelle Van Ortroy a estimé que le ‘M. Thavernier’, en question, pouvait être Gabriel (décédé à ce moment depuis une douzaine d'années) et non Melchior. Rubens, au reste, n'allait pas tarder à prendre un privilège pour la vente à Paris, ou en France, de reproductions de ses oeuvres. En 1632, il gagnera un procès fait à Honnervoegt, originaire de Cologne, graveur et éditeur à Paris, qui avait reproduit, sans son autorisation, des tableaux de luiGa naar voetnoot22. | |
Melchior Tavernier en l'Isle du Palais.Ses enseignes. L' Épi d' Or. À l'époque de la lettre de Rubens, en 1626, Melchior Tavernier avait depuis longtemps, sans doute, abandonné l'officine paternelle de la Huppe, ‘sur le Pont-Marchand’ pour s'établir ‘en l'Isle du Palais, à l'Épi d'or’. Au nombre de ses principales publications d'alors se trouve un Plan de Paris. BonnardotGa naar voetnoot23 en mentionne des éditions de 1629, 1631 et 1632; il précise qu'il s'agit d'un calque, plutôt que d'une copie, du Plan de Paris par Merian (1615), faussement attribué à Abraham | |
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Bosse. BonnardotGa naar voetnoot24 signale une première édition de 1625, à ce moment dans la collection Destailleur. Melchior Tavernier se trouvait toujours à l'Épi d'or, en 1627, lors de sa publication de sa propre gravure de la Statue équestre de Henri IV. En 1632, l'inventaire après décès de sa première femme Sarah Pitten, le précisera un peu plus tard, Melchior Tavernier avait acquis une maison dans l'île du Palais. La boutique de cette demeure changea-t-elle à plusieurs reprises d'enseigne? Il semble qu'il faille le croire. | |
La Rose Rouge.La maison de l'Ile du Palais acquise en 1632 était-elle la construction qui avait abrité l'Épi d'Or? Ou s'agit-il d'une autre demeure? Quoiqu'il en soit, Melchior Tavernier changea d'enseigne et prit celle de la Rose Rouge. Il la conservera jusque vers 1636 ou 1637, au plus tard, pour adopter son ultime et plus fameuse adresse, celle de la Sphère royale. L'enseigne de la Rose Rouge fut-elle adoptée, de son côté, par Abraham Bosse, après l'installation de l'enseigne de la Sphère royale par Tavernier? Bosse, on le verra, fut longtemps édité par Melchior Tavernier avec lequel il eut peut-être une association durant une période indéterminée? En MDCXLIII, sa Pratique du Trait de M. Desargues fut tirée sur les presses de Des Hayes à la Rose Rouge devant la mégisserieGa naar voetnoot25. La même adresse A Paris chez le dit Bosse à la Rose Rouge devant la mégisserie figure en MDCLV sur le titre de son Traité des manières de graverGa naar voetnoot26 (Duplessis, op. cit. no 592). | |
La Sphère royale.L'inventaire après décès de Sarah Pitten, première femme de Melchior Tavernier auquel on a fait allusion, fut dressé en 1638, à la Sphère Royale. L'inventaire, en question, ne mentionne aucune autre acquisition de maison en l'île du Palais par Melchior Tavernier après l'acquisition de la maison | |
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effectuée en 1632. Il semble qu'on puisse conclure que ce fut bien la même construction qui eut pour enseignes successives, sinon déjà l'Épi d'or, du moins La Rose Rouge, puis la Sphère royale. Dotée de la devise, Sub insigno Sphaerae, la Sphère royale était située ‘sur le quai de la Mégisserie’, c'est-à-dire sur le quai de l'Horloge, à l'angle de la rue de Harlay. Cette voie réunissait le quai de l'Horloge au quai des Orfèvres. La Sphère royale après Melchior Tavernier devint, un temps, l'adresse d'Antoine de Fer, qui y publia en 1668 une carte générale de l'Isle de France, Prévosté et Viconté de Paris. La même carte était en vente chez Jacques Lagniet, l'éditeur des Livres de proverbes, établi quai de la Mégisserie (Bibliothèque Nationale, Département des Cartes et Plans, Ge.D. 15538 1-3). Ensuite, d'Antoine de Fer, la Sphère royale passa aux deux Nicolas de Fer, père et fils. Avec les de Fer, l'indication de ‘quai regardant la Mégisserie’ fut supprimée. On la remplaça par le vrai nom du quai sur lequel s'ouvrait la porte de la boutique, le quai de l'Horloge. Entre Melchior Tavernier et les de Fer, ou plutôt après eux, le nom de la Sphère Royale fut utilisé un temps par Duval, ‘géographe du Roi’. Enfin, en 1734, la Sphère royale était devenue l'adresse de G. Danet, gendre de N. de Fer fils. | |
Le Théâtre géographique du Royaume de France.En 1632, Melchior Tavernier reprit la publication du Théâtre géographique de France paru en 1619 chez Jean Le Clerc. Le Père de Dainville a étudié cette rééditionGa naar voetnoot27. On ne peut que reprendre ses commentaires. Paru encore en 1634 et en 1637, le recueil de Tavernier est plus complet que celui de Le Clerc. Il comprend soixante-deux cartes, douze de plus que l'original. Ce sont des cartes des Quatre Parties du Monde, deux cartes de l'ancienne Gaule, d'après César et d'après Strabon, des cartes de la ‘Savoye’ et de la Suisse, de la Valteline et du Piémont; d'autres concernent le gouvernement de la Capelle, la Souveraineté de Sedan, du ‘Charollois’, du ‘Nivernois’ et du Béarn. Si la plupart de ces cartes sont des copies d'après les recueils de | |
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Maurice Bouguereau ou de Le Clerc, les dates qu'elles portent sont plus récentes, 1627, 1629, 1630. Enfin, mentionne le Père de Dainville, la presque totalité de ces cartes, éditées par Melchior Tavernier, à l'exclusion de six ou sept, fut gravée et tirée à Amsterdam chez les Hondius. Il en résulte une plus grande unité dans la présentation et un effet de style hollandais fort apprécié à l'époque. | |
Nicolas Tassin.- Presque au même moment, ou plutôt en 1633 et en 1634, Melchior Tavernier édita des travaux d'une certaine importance, par N. Tassin. Certaines éditions ont donné lieu à des discussions qu'on laissera de côté. En 1633, Melchior Tavernier publia de Nicolas Tassin, parrain de sa cinquième fille, à Charenton, le 30 juin 1630 (Frères Haag), une édition des Cartes générales des provinces de France et d'Espagne, en même temps que M. Gobert et Michel Van Lochom. Peu après, il fit paraître de Tassin, les Plans et principales vues du duché de Lorraine (1633). L'année suivante (1634) Melchior Tavernier donna de Tassin Les Plans des principales villes et lieux considérables de France, avec privilège de 1631 (Bibliothèque Nationale Département des Cartes et Plans, FF. 4476 bis, 2 vol. in-4o oblong). Ces recueils devaient avoir d'autres éditions chez Tavernier en 1636 et 1638, puis chez Cramoisy et Van Lochom, en attendant une édition par les N. de Fer. Toujours en 1634 (Bibliothèque Nationale, Département des Cartes et Plans, Rés. Ge. DD. 3479), rééditées par un anonyme en 1637 (Bibliothèque Nationale, Département des Imprimés G. 600) parurent les Cartes générales de toutes les Provinces de France, royaumes et provinces de l'Europe, corrigées et augmentées par le Sr Tassin. Elles concernent, plus spécialement des lieux où se déroulèrent des combats de la guerre de Trente Ans. Tassin, avant tout, n'avait-il pas la qualité de ‘commissaire ordinaire des guerres’? En tête de la publication vient la NOVA TOTIVS TERRARVM ORBIS GEOGRAPHICA TABULA: Auct. IUD. HODIO (sic), Josse, un des Hondius d'Amsterdam. | |
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Cartes éditées par Melchior Tavernier conservées au Département des Cartes et Plans de la Bibliothèque Nationale.- De la consultation des divers fichiers du Département des Cartes et Plans à la Bibliothèque Nationale, il ressort que les cartes éditées vers 1640-1642 occupent une place de choix parmi ses autres publications géographiques. L'énumération de toutes les pièces éditées par Melchior Tavernier est évidemment impossible ici. Van Ortroy en a cité un nombre appréciable dans la Biographie nationale de Belgique. Le fâcheux est qu'il se soit obstiné à les attribuer au mythique et inexistant Melchior Tavernier, mort en 1641, à quatre-vingt-dix-sept ans, dont il semble s'être fait l'énigmatique champion. On a dit, au début du présent travail, les raisons pour lesquelles des cartes gravées ou éditées par Melchior Tavernier relèvent autant de l'art pur que des arts documentaires et géographiques.
Melchior Tavernier, Abraham Bosse et Jean Barbet. - Ce fut chez Melchior Tavernier, avec lequel il eut une éventuelle association, comme on le verra plus loin, qu'Abraham Bosse fit paraître une partie importante de son oeuvreGa naar voetnoot28 (Cf. G. Duplessis, op. cit. et notre Inventaire du fonds français. XVIIe s.t. 1, (1939), pp. 471-534). En dehors des Cinq Sens plusieurs pièces ou suites de Bosse, parues chez Melchior Tavernier, nécessitent des commentaires. Pour commencer, on relèvera que le 25 février 1630, Jean Barbet, architecte, âgé de vingt-cinq ans, s'engagea à travailler ‘sans aucun hommage’ ce qui signifiait la liberté de marquer son nom ‘aux desseins’ que Melchior Tavernier ‘lui commandera’ pour des bâtiments ‘tant pour la ville de Paris qu'aux champs’. L'architecte promis, en outre, de ‘travailler de cinq heures du matin à sept heures du soir’, se réservant une heure pour ses études particulières. (Archives Nationales, Minutier Central, fonds VI, liasse 208). Il en résulta le Livre d'Architecture et d'autels et de cheminées, dédié à l'Eminentissime Cardinal de Richelieu, gravé par Abraham Bosse (G. Duplessis, 338-355). | |
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Paru au cours de l'année 1633, seulement, l'opuscule se trouvait en vente chez ‘Jean Barbet, en la vieille rue du Temple, proche la Fontaine, à l'image de Notre-Dame’ et chez Melchior Tavernier. À cette occasion, Abraham Bosse ne fut que graveur. Mais grava-t-il vraiment toutes les pièces qui portent son nom parues à la Rose Rouge, dont il devait, plus tard, reprendre l'enseigne? La question n'est pas posée sans raisons valables. Le Livre d'Architecture contenant plusieurs portiques de différentes inventions sur les cinq ordres de colonnes par Alexandre Francine (Francini), florentin, ingénieur ordinaire du Roy, dédié à Sa Majesté, fut édité par M. Tavernier, en 1631 et réédité en 1640. Son titre avec le portrait de Francine fut seulement dessiné par Bosse. Mais les trente-neuf planches, décrites et cataloguées par G. Duplessis, no 298-337, ne portent que l'excudit de Tavernier. La planche IV offre même l'indication M. Tavernier sculpsit. Il en résulte des attributions formelles à Bosse, par G. Duplessis, de planches non gravées par lui, mais par Tavernier et son atelier, probablement. | |
Éventuelle association de Melchior Tavernier et d'Abraham Bosse.Cette hypothèse repose sur des données précises. Prenons d'abord, l'Almanach pour l'An de grâce mil V'CXXXVIII (Duplessis, no 1231) dédié par ‘M. Eustache Noël, clerc de Sainte-Marthe, professeur es-sciences astrologiques et astronomiques’. Cette gravure de Bosse se distingue par ses figures de la Justice, de la Force, de la Prudence, de la Tempérance. Elles accompagnent les portraits de Louis XIII et d'Anne d'Autriche. Son adresse est à Paris chez Melchior Tavernier et Abraham Bosse demeurant sur le quay qui regarde la Mégisserie, à la Sphère Royale. L'indication ‘demeurant’ qui peut aussi bien concerner Bosse que Tavernier prête à confusion. Doit-on en conclure que Bosse, durant un temps, fut non logé chez Tavernier, mais associé à lui, puisqu'il fit mentionner pour sienne la même enseigne? Il est difficile d'affirmer quoi que ce soit. On peut seulement constater une précédente réunion de deux protestants pour célébrer la victoire de Louis XIII, celle de Bosse en qualité de dessinateur du titre et celle de Michel Tavernier | |
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pour l'Eloge et Discours sur la Triomphante Réception du Roy à Paris, après la Prise de la Rochelle, chez Pierre Rocollet, 1629. Tavernier avait passé un contrat pour une association à frais et profits égaux avec Pierre Firens pour les figures; on retrouve cette association pour la publication du livret chez Pierre RocolletGa naar voetnoot29. Par ailleurs, on peut relever, maintes fois, la juxtaposition des noms d'Abraham Bosse et de Melchior Tavernier en qualité d'éditeurs communs pour des gravures de Bosse. Elle figure, entre autres, sur une Pallas, avec tous ses attributs, dans un cartouche (Duplessis, no 1052), pour l'Hémisphère céleste et le Globe terrestre (Duplessis, no 1053-1054), pour l'ouvrage de Pierre d'Hozier, les Noms et surnoms et qualités des chevaliers du Saint-Esprit, 1634 (Duplessis, no 1207-1210) pour le Recueil de plusieurs pièces et figures d'armoiries, de Vulson de La Colombière, 1639 (Duplessis, no 1461), pour la Carte géographique des Ports de France, avec des ornements de Bosse (Duplessis, no 1259). | |
Gravures relatives à la Prise de La Rochelle. - Atelier de Melchior Tavernier.Abraham Bosse est étranger aux autres gravures relatives à la prise de La Rochelle éditées par Melchior Tavernier. À leur propos, Melchior Tavernier s'était associé avec René de Siette, écuyer, sieur de La Goustière, ingénieur et géographe du Roi, demeurant rue des Deux Portes. L'association concernait ‘l'impression des plans et relevés de La Rochelle et des travaux et lignes qui se sont faits devant la ville pendant le Siège et des relevés des travaux faits en l'Ile de Ré’. René de Siette, dont Melchior Tavernier paraît avoir publié une carte, dès 1621, fournissait tous ‘les desseins’. Tavernier, pour sa part, se chargeait de faire ‘toutes les gravures’. On devait les faire exécuter ‘à ses frais par ceux qui travaillent pour lui’Ga naar voetnoot30. La dernière clause du contrat avec René de Siette pour les ‘desseins’ de La Rochelle prouve bien que Melchior Tavernier avait la direction d'un atelier. | |
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Ce fut dans cet atelier que s'exécutèrent les cartes géographiques éditées par Melchior Tavernier ‘maître à imprimer du Roy Louis XIII’, ‘pour les tailles-douces, pour des figures de géographie, géométrie, fortifications, perspectives et architectures’. | |
Autres relations avec les Pays-Bas.Quelle que puisse avoir été la date de la création de son atelier parisien, Melchior Tavernier, après avoir commencé fort tôt, continua à vendre des cartes géographiques exécutées aux Pays-Bas. Le Dr. Ir. C. Koeman dans les volumes de ses Atlantes neerlandiciGa naar voetnoot31 a donné une liste de ces pièces des Pays-Bas vendues chez Tavernier, à Paris. La plus ancienne, signalée, paraît demeurer la publication, en 1623, de la Partie Méridionale du Languedoc, chez Josse Hondius, à Amsterdam. | |
Melchior Tavernier et Nicolas Sanson.Les relations commerciales de Melchior Tavernier avec les pays du Nord ne lui firent pas oublier la France. Il compte au nombre des éditeurs importants du fameux cartographe Nicolas Sanson, d'Abbeville. En 1637, Melchior Tavernier fit paraître de Nicolas Sanson, les Graeciae Antiquae icones, in-fol. 10 feuilles et cartes coloriées (Bibliothèque Nationale, Imprimés. G. 602, 2) et en 1638, les Graeciae antiqua descriptio geographica, gr. in-fol. (Bibliothèque Nationale, Département des Cartes et Plans, DD 6015; Impr. J. 48, 2), 20 f., cartes gravées et coloriées. Puis vinrent en 1638, encore, les Romani utriusque Imperii orientis scilicet et occidentes descriptio geographica tabulis, 20 ff. cartes gravées et coloriées (Bibliothèque Nationale, Impr. G. 602, 1; J. 48, 1; G. 1472, 2). Ils furent suivis, en 1639, d'une description de la France, gr. in-fol. (Bibliothèque Nationale, Impr., Fol. L15 79, incomplet). Si la Carte générale du Royaume de France avecq les Pays circonvoisins (Bibliothèque Nationale, Département des Cartes et Plans, Ge.D. 14854), porte la date de 1658, il ne s'agit que de la réédition de la carte de Sanson éditée par Melchior Tavernier, en 1645 | |
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(Bibliothèque Nationale, Département des Cartes et Plans, Ge. DD. 2635/22). | |
Inventaire après décès de Sarah Pitten, 1638.En dehors des cartes hollandaises, bien des cuivres de cartes éditées par Melchior Tavernier, figurent à l'inventaire après décès de Sarah Pitten, sa première femme, exécuté à la Sphère Royale, le 16 mars 1638. De larges extraits de ce très précieux document ont été publiés par Mademoiselle Marie-Antoinette FleuryGa naar voetnoot32. Le mariage de Melchior Tavernier et de Sarah Pitten, issue d'une dynastie d'orfèvres flamands, avait été célébré au mois d'avril 1619. L'habitation du ménage, la maison acquise, en 1632, dans l'Ile du Palais par Melchior Tavernier semble avoir été relativement vaste. Elle comportait bien une boutique à l'enseigne de La Sphère Royale. L'énumération des meubles comprend vingt-deux folios. La valeur des bagues, joyaux et vaisselle d'argent, prisés par Jean Pitten, marchand orfèvre, beau-frère de Melchior Tavernier, atteint 1020 livres. Les tableaux estimés par Pierre Forest, bourgeois de Paris, maître-peintre, autre beau-frère de Melchior Tavernier, devaient être davantage des éléments décoratifs du foyer conjugal, malgré leur nombre, que des toiles destinées à la vente. | |
Instruments de mathématiques.L'inventaire après décès de Sarah Pitten apprend que Melchior Tavernier vendait aussi des instruments de mathématiques. Au nombre de ces derniers figurent deux globes terrestre et céleste ‘avec les deux sphères de Copernic’ et deux demi-cercles de cuivre jaune ‘autrement dit de Grafaumet’. Il s'y ajoute des ‘compas de proportion de diverses façons’ quatre-vingts compas à pointe d'acier, des porte-crayons de cuivre, des tire-lignes de cuivre, des pierres d'esman (aimant), une lunette à grossir, des cadrans aux étoiles, vingt pièces de lunettes de longue-vue. Dans une boîte se trouvaient ‘trois cent trente-deux crayons’. | |
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Les cuivres.Destinés à être tirés sur la presse, estimée douze livres, les cuivres relativement nombreux, sont évalués par Pierre Firens, dont on a mentionné les rapports commerciaux avec Melchior Tavernier. Firens est assisté de Henry Le Roy, pareillement graveur et imprimeur du Roi. Parmi les cuivres, on ne peut retenir que les mentions les plus significatives. Mêlés aux autres, il y a ceux des oeuvres d'Abraham Bosse. Les Cinq Sens de nature, quatre planches ‘où sont gravés des chevaliers de Bosse’, ‘avec cinquante-neuf planches des armes des chevaliers du Saint-Esprit’, quarante-six petites planches de cuivre dont vingt-six des Gueux, d'après Callot, copies bien entendu, vingt planches de la Noblesse, hommes et femmes de Bosse, neuf petites planches de cuivre des Soldats de Bosse, avec deux planches de bordures. Les ‘quarante planches de cuivre où est gravé la livre de Franchine (sic)’ est indiqué sans nom d'auteur. Les cuivres des cartes sont multiples, grandes planches de cuivre de la carte du monde, grandes planches de cuivre où sont gravées la France, l'Espagne, l'Angleterre, l'Italie, ‘chaque carte comprenant deux planches’, planches de cuivre pour des cartes d'une seule feuille, quatre planches de cuivre de la ville de Paris, la ville ‘étant représentée en deux fois’, six planches faisant la moitié de douze grandes planches de cuivre ‘où est gravée la France inachevée’. Sans continuer à relever les cartes, on trouve ‘trente-six planches de pareille grandeur où sont gravés, les rois et reines de France et d'Espagne, les papes et les empereurs’, cent trente petites planches de cuivre représentant l'Architecture de Vignole; cent trente petites planches de cuivre représentant des scènes de la Bible. On trouve encore des planches pour des plans, parterres et jardinages, pour l'Astrée et l'Histoire d'Aminte, neuf planches de cuivre de l'astrolabe, quatre planches de cuivre ‘qui sont la moitié de la sphère, ‘vingt quatre planches de cuivre de l'ancienne géographie de Bersigny’, des plans et sièges, faits par le roy et ‘autres vieilles histoires’, des paysages, cinq cuivres de chasses et quatre de paysages de Rabel. Parmi les rames de papier blanc se mêlent les tirages de la plupart des cuivres énumérés. Il y a plus de trente plans du Siège de La | |
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Rochelle et de Ré de Callot, ‘six mille cartes géographiques d'une feuille, impressions des planches inventoriées’. Des mentions particulières peuvent être accordées à ‘cent-trois grandes cartes en feuilles, tant du Monde que d'Espagne, d'Allemagne et d'Italie’, cent une villes de France ‘en blanc’, huit villes peintes sur toile, quarante cartes peintes sur toile des Quatre parties du monde de l'Espagne, de l'Italie et de l'Allemagne. Dans la bibliothèque, inventoriée par Français Langlois, dit ‘de Chartres’, sont ‘mille cinq cents feuilles de taille-douces tant de Paris que de Flandres, diverses pièces d'Italie, un paquet de ‘divers (sic) pièces de Hollande’. Il s'y ajoute ‘quinze cents grandes autres pièces d'impression de la maison du dit Tavernier’. Ce n'est pas tout. Il y a aussi la prisée des ‘livres de mathématiques’, faite par Martin Gobert, marchand libraire. | |
Clients et débiteurs de Melchior Tavernier en 1638 et créanciers.Au nombre des débiteurs de Melchior Tavernier, dont l'énumération donne un large aperçu de sa clientèle, on trouve Monsieur, frère du Roi, duc d'Orléans, pour 230 livres, le cardinal de Richelieu pour 1.000 livres, sa nièce Madame de Combalet, devenue, ou sur le point de devenir duchesse d'Aiguillon pour 100 livres, le comte de Guiche, M. de Lauzun, conseiller d'État, le marquis de Sourdis. Leurs noms apparaissent parmi les noms de personnages moins connus au nombre desquels figurent plusieurs marchands d'estampes. Il reste ‘600 livres du compte de M. Bosse’, sans que l'on puisse discerner si elles lui étaient dues ou étaient dues par lui. Bien que limitée, la liste des créanciers est d'un intérêt non moins soutenu. N'y trouve-t-on pas ‘M. Henri Hondieux’ (Hondius), marchand à Amsterdam pour 500 livres et le sieur ‘Bles’ (Willem-Jansz. Blaeu, 1571-1638), pareillement marchand à Amsterdam pour 1.000 livres? | |
Marché avec Corneille Dankert, graveur à Amsterdam.Tavernier avait publié le Patriarchus Romanus, gravé par A. de La Plaetsen (Bibliothèque Nationale, Département des Cartes et Plans, Coll. Danville, 10.466) et, en 1640, il édita l'Antiquorum Galliae Episcopatum. | |
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Le 12 février 1644, il passa un marché ‘sous seing privé’, sans véritable enregistrement par un notaire et simplement déposé chez lui, avec ‘Corneille Dankert, graveur en taille-douce à Amsterdam’, de passage à Paris, ‘logé rue Galande’. (Archives Nationales, Minutier Central, fonds VI, liasse 235). Le dit Dankert reconnaît avoir vendu à Melchior Tavernier la moitié d'une grande carte de France, qui comprend ‘douze grandes planches gravées par le dit Dankert’, pour la somme de quatre cents livres. Les six premières planches étaient-elles les ‘six grandes feuilles’ ‘faisant la moitié de douze grandes planches de cuivre où est gravée la France, inachevée’, mentionnée dans l'Inventaire aprèsdécès de Sarah Pitten, en 1638? Cela n'est peut-être pas impossible, bien qu'un doute subsiste. Dankert ne reconnaît-il pas ‘avoir vendu à Melchior Tavernier la moitié des planches d'une grande carte de France, comprenant douze planches gravées par le dit Dankert’ et, ne s'engage-t-il pas, en outre à graver ‘pour le dit Tavernier les autres planches de la carte’? Cette carte ‘sera imprimée à frais communs au nombre de cinq cents exemplaires; chacun des contractants en gardera cinquante pour lui. Le reste sera vendu à profit égal au prix de quarante sols l'exemplaire. Les privilèges devront être obtenus des États de Hollande et du Roi de France’. À la suite du marché en question, il est spécifié que ‘Pierre (I) Mariette, graveur en taille-douce, demeurant rue Saint-Jacques, s'engage d'accomplir à la place du dit Tavernier, le marché conclu avec Corneille Danckert et aux mêmes conditions’. Ce fut chez Pierre II Mariette, cette fois, que devait paraître, en 1662, la carte à titre latin et français, Totius europae Novae..., Carte exacte et nouvelle de l'Europe que le dessinateur ou le graveur ‘tira des meilleurs autheurs de nostre temps’, après avoir donné ‘au Sr Tavernier les principales parties de cette Europe en diverses cartes’. Le titre, à la gauche du haut, est inscrit dans un grand cartouche avec Mars et Minerve, assis sur des dauphins, d'épaisses guirlandes de fleurs tenues par des amours et un cartouche pour armoiries, | |
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resté en blanc. (Bibliothèque Nationale, Département des Cartes et Plans, Ge.C. 8144). | |
Pierre I Mariette.Toujours le 12 février 1644, Melchior Tavernier vendit à Pierre I Mariette, plus marchand en tailledouce que graveur, établié à l'enseigne de l'Espérance, rue Saint-Jacques ‘différentes planches de géographie, figures, livres, cartes géographiques, tant de l'impression d'Amsterdam que d'autres impressions, livres d'architecture, papiers blanc et noir, presse à imprimer, armoires et tablettes pour mettre les marchandises, moyennant la somme de 11.200 livres, payables en plusieurs fois’. Le montant de la somme laisse discerner la valeur et l'importance de la vente. Il est précisé que ‘le dit Tavernier promet, en outre, de livrer au dit Mariette, dans un an, et sans augmentation de prix, les planches de cuivre représentant l'Asie, l'Afrique, l'Amérique, que le dit Tavernier fait graver en Hollande par Corneille Dankert; il y fera graver le nom de Mariette, les corrigera et fournira au dit Mariette les légendes qu'il convient de mettre aux cartes et dont le dit Mariette se servira pour celles qu'il fera imprimer à ses frais’. Suivent des précisions pour le règlementGa naar voetnoot33. | |
Melchior Tavernier et François Langlois, dit Ciartres.Le même 12 février 1644, Melchior Tavernier vendit au fameux François Langlois dit Ciartres, dont P.-J. Mariette a dit qu'il fut celui ‘qui fit le plus de commerce de la gravure’ et se trouvait rue Saint-Jacques, à l'enseigne des Colonnes d'Hercule ‘plusieurs livres, instruments de mathématiques, compas et planches de cuivre gravées et autres marchandises de graveur’ moyennant la somme de 5.000 livres, payables en plusieurs termesGa naar voetnoot34. Ce n'était pas la première vente faite par Melchior Tavernier à François Langlois, dit Ciartres, dont nous avons largement parlé antérieurementGa naar voetnoot35. Déjà, le 7 mai 1639, Tavernier avait vendu à Langlois dit Ciartres | |
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et à sa femme, Madeleine de Collemont, laquelle après la mort de Ciartres épousera Pierre II Mariette et sera, de cette façon, à l'origine des dynasties des Langlois et des Mariette, ‘quantité de tailles douces d'Italie’. Il s'y ajoutait d'importants cuivres: ceux des Cinq Sens de nature, de Bosse, vingt planches de sa Noblesse, neuf planches de ses Soldats (Les Gardes françaises, Duplessis, nos 1332-1340, titre compris). Puis, venaient les vingt-six planches, copies des Gueux, de Callot, vingt-cinq planches de cartouches de Rabel, vingt-quatre planches de l'Astrée et de l'Aminte, plusieurs paysages de Rabel, des paysages de Merian, gravés par Bosse, d'après des originaux avec excudit de Pierre Aubry (Duplessis, op. cit., 1040-1043), six planches des Maisons Royales, un ‘preneur de Tabac’, un ‘Saint-Lorent’ (sic), deux planches de grands bouquets d'orfèvrerie et pour terminer les cinquante-huit planches des Travaux d'UlysseGa naar voetnoot36. | |
Les Figures de l'Astrée.Ces Figures de l'Astrée dont Melchior Tavernier vendit les cuivres à François Langlois dit Ciartres avaient été conjointement publiées par eux en 1632, alors que Tavernier se trouvait à l'Épi d'or. La suite est indépendante des différentes éditions de l'oeuvre de Honoré d'UrféGa naar voetnoot37. | |
Melchior Tavernier contrôleur, clerc d'office de la Maison du duc d'Orléans.La vente du 7 mai 1639 à François Langlois dit Ciartres et à sa femme, les ventes du 12 février 1644 au même Langlois dit Ciartres et à Pierre Mariette paraissent confirmer que Melchior Tavernier souhaitait abandonner son commerce de gravures et de cartes géographiques. Comme déjà indiqué plus haut, la Carte générale du Royaume de France avecq tous les Pays circonvoisins, de N. Sanson, datée de 1658, n'est qu'une réédition d'une carte de 1645, peut-être antérieure. Devenu, probablement assez fortuné, Melchior Tavernier dut souhaiter s'élever du point de vue social. | |
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À cette fin, quatre jours avant les ventes du fatidique 12 mai 1644, qui semblent bien indiquer une liquidation de sa boutique puisque même la presse fut vendue, Melchior Tavernier acquit une charge. C'était celle de Louis Perdreau ‘controleur et clerc d'office de la Maison de Monsieur, oncle du Rol, duc d'Orléans’Ga naar voetnoot38. Le prix de 2.000 livres pour l'acquisition de cette charge, acquisition approuvée par le duc d'Orléans, laisse penser qu'elle devait être assez modeste. Melchior Tavernier s'en contenta. Il était également possesseur en indivis avec son beau-frère Pierre Pitten, bourgeois de Paris, d'un quart de la Seigneurerie de Pampoul, sise en la paroisse de Septeuil. Il revendit ce quart à Pierre Pitten le 16 avril 1645Ga naar voetnoot39. | |
Melchior Tavernier, propriétaire de brasseries.Devenu assez opulent pour pouvoir donner à chacune de ses quatre filles une dot de 12.000 livresGa naar voetnoot40, Melchior Tavernier possédait plusieurs brasseries. Elles se trouvaient dans le quartier des Gobelins, où commençaient à travailler des liciers flamands, amateurs de bière. | |
Décès de Melchior Tavernier.Remarié avec Suzanne Gobille, Melchior Tavernier mourut en 1665. Son inhumation eut lieu au cimetière protestant de la rue des Saints-Pères, le 26 mai (Frères Haag).
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Lorsque Melchior Tavernier fut mis au tombeau, sa ‘tâche’ avait été bien accomplie, après celle de Gabriel Tavernier. Plus que son père, il avait contribué à organiser le commerce de la gravure en France et, plus particulièrement celui des cartes géographiques durant la première moitié du XVIIe siècle. Grâce à lui, après l'action exercée par Gabriel Tavernier, on discerne plus complètement les liens qui unirent des marchands français à des éditeurs ou à des graveurs des Pays-Bas du Nord et du Sud. Il y a là, un fait, | |
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peu connu, mais capital et décisif pour la double histoire de la gravure française et de la cartographie de la fin du XVIe siècle jusqu'à la première moitié environ du siècle suivant. | |
De prentenhandel in Frankrijk in de 17e eeuw: de TaverniersDe Franse prentenhandel in de 17e eeuw werd gedurende bijna 70 jaar beheerst door Gabriel Tavernier en zijn zoon Melchior. Zij hadden zich te Parijs gevestigd en waren gespecialiseerd in prachtig uitgewerkte, decoratieve geografische kaarten met een artistiek karakter. Over de Taverniers werd heel wat verwarde en onjuiste informatie gepubliceerd, o.a. door Nagler en Van Ortroy. Of er enige verwantschap bestaat tussen Gabriel Tavernier en de 16e-eeuwse Antwerpse lettersnijder en drukker Ameet Tavernier is aan twijfel onderhevig, maar de mogelijkheid is niet uitgesloten. Zij behoorden alleszins tot een verschillende geloofsovertuiging. Gabriel was nl. protestant, zoals blijkt uit gegevens verstrekt door de gebroeders Haag in hun werk ‘France protestante’. Als graveur zou Gabriel met een kaart van Frankrijk hebben bijgedragen tot de atlas ‘Le Théâtre Françoys’, in 1594 uitgegeven door Maurice Bouguereau. De stelling van pater de Dainville, als zou Gabriel Tavernier ook de elf andere kaarten voor deze atlas hebben gemaakt, blijft betwistbaar. Dank zij archivalische gegevens, verzameld door Mej. M.-A. Fleury en gepubliceerd in deel I van haar ‘Documents du Minutier Central’ (1969), konden een aantal nieuwe elementen aan de biografie van Gabriel Tavernier worden toegevoegd en ook enkele feiten worden rechtgezet. Omtrent het jaar van overlijden van Gabriel bestaat echter nog steeds geen zekerheid; in 1614 leefde hij nog, maar op 7 december 1615 werd het huurcontract van zijn huis overgenomen door zijn weduwe, Suzanne Tonnelier. Zijn zoon Jean-Baptiste, wereldreiziger en diamanthandelaar, werd in de adelstand verheven en legde in een boek over zijn reizen ook getuigenis af van zijn vaders geografische kennis. Hij stierf in 1689 in Kopenhagen. Melchior Tavernier, zoon van Gabriel, ontplooide een grote activiteit als kopersnijder, als uitgever van prenten en van aardrijkskundige kaarten. Hij drukte zijn stempel op de prentenhandel in Frankrijk in de eerste helft van de 17e eeuw. Een van zijn grote verdiensten is dat hij nauwere betrekkingen aanknoopte met Vlaamse en Hollandse kunstenaars en uitgevers, die de Franse grafiek en prentenhandel in aanzienlijke mate beïnvloedden. Ook Rubens vertrouwde Tavernier zijn belangen in Parijs toe en liet hem in 1626 verschillende prenten geworden. Melchior, die zich aanvankelijk in het huis van zijn vader vestigde (‘à la Huppe’), verhuisde in 1632 naar het ‘Île du Palais’ en schijnt daar onder verschillende uithangborden gewerkt te hebben: ‘à l'Épi d'or’, ‘à la Rose rouge’ en ‘à la Sphère Royale’. | |
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Tot de belangrijkste aardrijkskundige werken, uitgegeven door Melchior, behoren een herziene en vermeerderde uitgave van het ‘Théâtre géographique de France’ van Jean Le Clerc (1634-1637) en 4 verschillende verzamelingen met kaarten en plattegronden van Nicolas Tassin. Ook werken over architectuur, geïllustreerd door Abraham Bosse, zagen bij hem het licht. Het is niet onwaarschijnlijk dat tussen Tavernier en Bosse een vennootschap tot stand kwam; zij hebben zich in ieder geval een tijdlang bediend van hetzelfde uithangbord. Met heel wat meer zekerheid daarentegen kon worden uitgemaakt, dat Tavernier zich met René de Siette, sieur de La Goustière, associeerde n.a.v. de uitgave van ‘La Prise de La Rochelle’. Voor dit werk ontwierp de Siette nl. de illustraties, die door Tavernier gesneden werden. Van de bekende Franse cartograaf Nicolas Sanson gaf Melchior (tussen 1637 en 1645) een hele reeks werken uit. De boedelceel, opgemaakt na het overlijden van Melchiors eerste vrouw Sarah Pitten in 1638, levert heel wat interessante gegevens omtrent de persoonlijke bezittingen, de bedrijfsuitrusting, de voorraden, enz. van Tavernier. Uit de inventaris blijkt o.a. dat Melchior ook mathematische instrumenten - zoals aardglobes, hemelglobes, passers, vergrootglazen en koperen trekpennen - verkocht. Niet alleen een opsomming van bijna alle koperplaten, op dat moment in het bezit van de uitgever, vindt men in deze inventaris terug, maar ook een lijst met de namen van klanten, schuldenaars en schuldeisers. Melchior Tavernier onderhield tenslotte ook nauwe handelsrelaties met de Amsterdamse graveur Cornelis Danckerts, de Parijse graveur en prentenhandelaar Pierre I Mariette en de Parijse kopersnijder en kunsthandelaar François Langlois. Hij stierf te Parijs in 1665. |
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