Dietsche Warande. Jaargang 8
(1869)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin périodique de la ‘Dietsche Warande’.
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vie? Voilà la question. S'il n'y est pour rien; si le succès est au plus heureux, à celui qui a la meilleure chance; si un personnage dont je n'ai pas tenu compte dans mes calculs, le hasard, vient se mêler de mes plans, à titre tantôt d'associé, tantôt d'ennemi; si dans toutes les circonstances il n'y a que deux parts à faire, la mienne et la sienne, je jette là mon oeuvre, je déserte le champ de bataille, je me retire dans un coin obscur pour y attendre la seule fin immanquable de ma destinée, la mort. Mais que Dieu se révèle à moi; que j'aie la preuve qu'Il est pour quelque chose dans ma vie, que l'ouragan qui a brisé toutes mes espérances n'est autre chose que son souffle: c'est assez! Et si vous me surprenez dans les larmes, n'allez pas vous méprendre sur la cause qui les fait couler: je pleure de joie, parce que j'ai un Dieu.’ (Armand Delille.) N'est-il pas vrai, en effet, Madame, qu'en présence de cette question fondamentale, unique, toutes les autres s'évanouissent? - S'il y a une conscience, s'il y a de l'amour au coeur, il y a un Dieu. C'est un mot sublime que celui par lequel le Cte de Stolberg a complété le célèbre dicton des penseurs français et allemands du XVIIe siècle. Descartes et les autres avaient dit: ‘Je pense, donc je suis.’ Stolberg s'écrie: ‘Nous aimons, donc nous serons.’ C'est profond, c'est vrai, c'est immense. Or s'il y a un Dieu, une Personnalité distincte du monde extérieur, il s'est révélé; s'il s'est révélé, l'homme en doit porter connaissance; il faut que Dieu se manifeste quelque part et sur une grande échelle. Où voulezvous le chercher hors de l'Église du Christ: une corporation nata non facta, qui dispose de la Bible, qui n'en émane pas. Une voix provenant d'un Livre! L'Évangile, produit de Cadmus ou de Laurent Coster! Sentez-vous l'énormité de l'erreur niaise du XVIe siècle? et comme le grapin s'est joué des beaux génies baptisés Jean (Calvin) et Martin (Luther)? Quels débats! Quelle triste folie! S'appuyer sur une feuille de papier! Dire que, quand tout-à-coup un incendie alexandrin venait couvrir le monde et bruler tous les livres - la Parole de Dieu serait anéantie! Quelle dégradation du bon sens! Pauvres bons réformateurs, auxquels le diable a joué de ces niches là. Est-il bien possible! Est-ce que notre bonne Néerlande, réputée pour sa saine raison, a pu donner là-dedans pendant deux siècles! Non, l'athéisme est à la porte et fait valoir ses | |
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droits. Mais il traine le malheur, le désespoir dans sa suite, pour quiconque a la conscience profonde de son individualité inextinguible; et pour tous ceux qui aiment, il ne peut exister de doute sur l'éternité de l'objet et des objets de notre amour véritable, comme sur l'immortalité de l'organe qui aspire au ciel et à ses splendeurs. Le monde est trop beau, pour ne pas être - tout vestibule qu'il est - le vestibule d'une basilique qui n'aura pas de fin, qui ne sera jamais détruite. Et que ce n'est qu'un vestibule, tout nous le dit; même l'imperfection, le fini des choses les plus excellentes qui existent. Dans tout ce qui est humain la faute indélébile de l'humanité est reconnaissable, et le pauvre M.B. a mauvaise grâce de se croire un Jean van Leyde (plus chaste, à ce qu'il dit, que son devancier) qui va épurer l'Église. Il serait à plaindre et je ne m'en moquerais pas, s'il ne crevait de vanité.... Mais trève de philosophie.... Il est pardonnable, peut-être, que je me suis laissé glisser sur cette pente... Nous parlons de ce qui nous entoure et de son pendant ou contraste... Or si vous voulez que je parle art néerlandais - où faut-il aller le trouver? Tout se trouve toujours à la même hauteur. Il n'y a qu'un peu de relief dans le roman et dans l'architecture des églises. Le roman se fait naturellement de plus en plus réaliste et tout dépend de la main qui guide le pinceau. Klaasje Zevenster est déjà à moitié oubliée. Lidewyde de C. Busken Huet est peu digne de son auteur: les détails rappellent trop une étude assidue des maîtres de l'art français moderne - c'est-à-dire de l'art boudoir. L'alcove y joue un rôle horriblement parfumé. Même on n'a pas à demander, là-propos des objets de toilette que M. Huet n'aura trouvé ni à Harlem, ni à Bloemendaal, et qu'il ne trouvera non plus à Java: ‘Waer haelt de [vent] dien brui quae woorden tog van daen?’ - Il les emprunte à Gustave Droz - ce qui n'empêche pas que dans ‘M. Mme et Bébé’ il n'y ait des pages très émouvantes, nobles, belles et dont on regrette qu'on ne puisse les détacher du livre... lequel du reste n'est immoral ni de tendance, ni d'intention; mais il ne fera que peu de bien; il ne fera pas d'un roué un honnête père de famille. C'est aussi un peu le cas avec Lidewyde. Le livre, il est vrai, ne vous réconcilie pas avec l'impudeur, au contraire; mais il refuse une satisfaction entière au sens moral. Il est - sur une échelle plus modeste - en cela du genre des drames de Shake- | |
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spere: cela vous choque, cela vous tord le coeur, les nerfs, cela ne vous élève pas. Cependant il y a dans Lidewyde quelque chose comme une teinte rose à l'horizon; derrière la nuit on voit poindre un commencement d'aurore, et quelque singulier que cela paraisse, c'est une aurore catholique. Une autre fois je me permettrai de vous centretenir du livre de poésie de M. Potgieter. Cela émane plutôt d'une spéculation dantesque que d'une manière commune d'envisager les choses. M. De Veer aussi a fait un livre, et dans le genre des nouveautés; je ne l'ai pas lu encore. M. Cuypers, notre architecte, continue ardemment sa tâche. Il prend au sérieux le commandement ‘Donec templa refeceris.’ Et il refait véritablement. Il ne reproduit du moyen âge que les principes éternels; il accommode tout au gré des besoins modernes et il exploite avec une fécondité merveilleuse l'influence que doit avoir sur l'architecture le culte si tendre et si significatif de la Vieige immaculée, ainsi que la vénération du S. Sacrement des Autels, la protestation la plus éloquente contre l'esprit moderne. Le symbolisme des deux tours que j'ai développé dans mon livre sur la ‘Ligne sacrée’ est dorénavant acquis à l'architecture des églises et annonce, déjà de loin, dans la silhouette des villes, la grande vérité de l'existence des deux ordres: L'ordre spirituel et l'ordre matériel, la thèse fondamentale du Christianisme. Et au côté opposé, au chevet de l'Église, M. Cuypers ne proclame pas moins éloquemment le dogme de la transubstantiation. Il a adopté avec amour le système du baldaquin. Depuis longtemps il avait introduit les courtines: tant in natura qu'en efsigie. Aujourd'hui il achève résolument la projetation de l'ombre du mystère et de la vénération au-dessus du prodige quotidien de nos saints autels. J'ai développé la principe de ce système dans la ‘Dietsche WarandeGa naar voetnoot1)’. Je suis heureux que M. Cuypers de son côté prêche par l'exemple bien plus énergiquement que ma parole ne l'a pu. En effet je crois avoir eu tort d'incommoder le public par tant de tintamarre typographique. J'aurais eu moins d'épreuves à corriger et moins de passions malsaines à combattre, si j'avais étendu davantage mes correspondances particulières et resséré considérablement mes | |
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publications. Mais il est trop tard; et tout ce que je puis faire c'est de tâcher de me corriger. En attendant j'ai encore jeté dans la mêlée deux livraisons de ma revue, qui contiennent les matières que voici: Notice historique sur la plus ancienne famille catholique de notre capitale (les Dommer), 2e partie. Une histoire et appréciation du Roman, dans son passé et son présent, par M. le vicaire Wessels. Une revue des oeuvres d'architecture des derniers temps (1r article). Quelques arguments contre les fêtes soi-disant nationales, où l'on invite les Catholiques néerlandais à adopter le ‘cry’: Vive le Gueux. Un chroniqueur de la fin du XVIe siècle, enregistrant des faits, qui se sont passés sous ses yeux dans la ville d'Amsterdam. Notice littéraire sur l'histoire de la saga d'Alexandre le grand, par M. le professeur Moltzer. Détails sur l'entourage de notre épigrammatiste Constantin Huygens, le même auquel le grand Corneille a dédié son ‘Don Sanche’. Les pièces à l'appui m'ont été fournies par M. le docteur Van Vloten, le fameux Spinoziste, que je ne convertirai jamais, mais qui, malgré les intentions que je pourrais avoir à son égard(!), m'est un collaborateur fidèle. Nécrologie de M.M.J.-M. Dautzenberg et W. Smits, et une série de Mélanges. Pardon, Madame, de vous entretenir si longtemps de ce que je fais et de ce que j'ai en vue. Vous vous intéressez aux hommes et aux choses que votre excellent époux honore de sa sympathie, - voilà l'excuse que je produis en hésitant, tout en me prévalant de l'avantage de Vous offrir à tous deux l'expression de ma plus franche amitié. Jos.-Alb. Alb. Th. |
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