Dietsche Warande. Jaargang 8
(1869)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin périodique de la ‘Dietsche Warande’.
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Schotel répète les incriminations de ses devanciers, et se voit pourtant forcé de conclure que rien n'est prouvé au sujet de la dissolution des moeurs des dites religieusesGa naar voetnoot1! C'est un trait, stéréotypé en proverbe, que l'Empereur Charles-Quint, complimenté sur son passage, entre Harlem et La Haye, par ‘Noble Dame’ Marie Schenck de Tautembourg, abbesse de Rhynsbourg, mit non-seulement le pied, mais un genou en terre, devant elle, et lui baisant le bout des doigts, lui dit: ‘Salut à ma Puissante Dame de Rhynsbourg.’Ga naar voetnoot2 Rhynsbourg était, en effet, un monastère où non-seulement la charité, mais encore la courtoisie se pratiquait sur une large échelle, et la grille n'a pas joué un très grand rôle dans ce couvent: je parle de la grille du parloir, non pas de celles de l'officine culinaire. ‘Où en voulez-vous venir?’ - A établir quelques points de divergence entre les cloîtres d'alors et ceux d'aujourd'hui. Nous continuons à avoir (fort heureusement) des retraites austères et douces à la fois pour les mystérieux labeurs des âmes ascétiques, des coeurs pénitents, des volontés qui ont entièrement brisé avec le siècle; dans ce sens même que le siècle et le couvent s'ignorent réciproquement. Nous n'en avons plus de la nature de l'abbaye de Rhynsbourg, où les pratiques de la religion semblent s'être accordées assez bien avec des distractions qui de nos jours ne sembleraient par à leur place dans la vie d'une religieuse - même pas dans celle d'une chanoinesse, qualité que la communanté de Rhynsbourg assuma plus tard. Voici où je voulois en venir: que je félicite l'humanité de la tâche importante accomplie par des institutions comme celles dont vous faites partie (Mgr Dupanloup, qui est un français et un grand évêque en même temps, dirait nécessairement ‘dont vous êtes un ornement’). Vous ne pratiquez pas les banquets et les promenades à cheval, dont les Dames de Rhynsbourg ne s'interdisaient pas l'usage; mais vous connaissez tout cela, parce que l'esprit de votre fondateur a scruté les besoins d'une éducation catholique de nos jours, et qu'il a compris qu'il vous serait impossible de former le coeur et le caractère des enfants et des jeunes personnes qui vous sont confiées, si vous étiez étrangères aux notions qui gouvernent le monde pour lequel | |
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se destinent vos élèves. Il est impossible de combattre les penchants mondains (contre lesquels doivent se prémunir les chrétiennes qui sont dans le monde), si on n'est pas au fait de ce qui se passe dans cette sphère. Vous tenez, à nos sœurs et à nos filles, l'ichelle pour monter en paradis, mais c'est justement parce que vous savez qu'on n'y parvient pas d'un seul bond, que vous leur déroulez et expliquez prudemment le panorama qui se présentera à leurs yeux, à chaque échelon qu'elles auront à monter. C'est une belle forge que votre couvent - où l'acier se rétrempe et se polit de la bonne façon; mais les ouvriers sont des intelligences, ce ne sont pas des machines, et ils savent très bien à quoi doivent servir les armes, les outils, les ornements qui se découpent, se martèlent, se ploient et s'illuminent d'éclairs sous leurs mains. Il ne peut donc pas paraître étrange que je fasse droit à l'intérêt convenable que vous portez aux choses du dehors, et surtout si dans ces choses se meuvent des frères, des amis. J'ai une bonne nouvelle à vous communiquer. De l'aveu de l'organe des beaux-arts le plus compétent et le moins partial de la Belgique, notre Christ de Charles-Quint a pris rang parmi les productions les plus admirables du génie artistique de la civilisation moderne. Je dis notre Christ: ce que nous aimons d'un amour légitime sera bien indubitablement à nous, quoique nous ne le possédions, et c'est vous dire assez que, pour moi, la valeur de ‘la merveille’, comme le bon M. Michel se plait toujours à qualifier cet objet de notre vénération, ne saurait être rehaussé par une appréciation quelconque: mais il doit nous être doux d'entendre louer au point de vue de l'art non prévenu ce qui nous inspirait incessamment le désir de nous agenouiller par dévotion. Le Journal des Beaux-Arts n'a pas de termes assez forts (et son vocabulaire est bien pourvu) pour dire à ses lecteurs toute l'excellence de cette oeuvre de sculpture. Je suis heureux que M. Michel ait trouvé l'occasion de montrer sa ‘merveille’ dans différents établissements d'éducation. Je ne puis me dessaisir de l'idée qu'il est excessivement agréable au bon Dieu d'être honoré en de belles formes; et je crois que l'esthétique chrétienne, comme élément d'éducation, est un puissant allié du catéchisme. Du reste, voyez comme au grand age de la foi, au XIIIe siècle, l'art et la poêsie s'épanonissaient dans une floraison sans pareille et qui nous parfume toute la société de cette | |
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admirable période. Voyez, comme l'extase et l'entrain poétique allaient souvent ensemble. Il n'est nullement vrai que le Stabat Mater ne soit pas du bon Latin. Ce n'est pas le Latin qu'on nous fait accroire que les grands orateurs auraient adressé au peuple romain; mais les savants les mieux renseignés, les savants du progrès s'accordent aujourd'hui à dire que cette basse latinité est une très belle manifestation du génie des peuples de l'Europe du moyen âge: c'est, dit-on, la grammaire des peuples modernes qui puise dans le dictionnaire des anciens. Longtemps on a cru que l'architecture gothique était très laide; au XVIIe et XVIIIe siècles on l'a excessivement décriée; mais le progrès des derniers trente ans a prouvé que ce gothique n'était nullement gothique, c'est à dire rabattu, décrépit, échiné. Au contraire, c'est tellement beau, que Napoleon III fait réparer et achever Notre-Dame de Paris et l'immense château de Pierrefonds - surtout comme échantillons de cet art superbe du moyen âge. Tout le monde se courbe devant tout cela, et il n'y a que le diable qui aujourd'hui recommence à travailler les esprits et fait dire aux savants libres-penseurs que le gothique est bien assez beau, mais qu'il n'est pas justement si beau! Dans la petite sphère de mon activité je fais de mon mieux pour que les bons principes ne rebroussent pas chemin. Je n'aime ni les retardataires, ni les rétrogrades. Dans les derniers temps je me suis (dans ma Revue) surtout occupé de questions d'histoire intime et de littérature de famille; pour rebatir de petit en petit (historiquement parlant) la modeste société catholique de la Néerlande, depuis la Réforme du XVIe siècle, période qui jusqu'ici avait échappé aux investigations des des gens-de-lettres. Dans la dernière livraison de ma petite oeuvre M. le vicaire Wessels, mon excellent voisin, pendant notre villeggiatura de la belle saison, nous raconte l'histoire du roman, son passé et son présent; dans l'espoir que cela réagisse salutairement sur son avenir. M. l'abbé Habets me donne un article d'administration archéologique touchant une ancienne possession féodale d'un de nos beaux-esprits du XVIIe siècle, Constantin Huygens. M. le bibliothécaire P.A. Tiele, un loyal protestant, me gratifie de quelques charmantes chansons du bon vieux temps. Moi-même j'ai donné quelques notes sur l'histoire de la scène néerlandaise, | |
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et (à ce qu'on assure, malgré l'anonymité de l'article) une opinion sur un monument qu'on va ériger à Heiligerlee, le terrain d'un couvent dévasté dans la province de Groningue. Ce monument ne doit pas immortaliser l'ex-population de ce couvent, mais la bataille que les Catholiques et les Protestants se sont livrés en 1568 - sous le commandement du Duc d'Aremberg et des Comtes de Nassau, Louis et Adolphe. On nous a demandé de l'argent pour ce monument; mais nous avons répondu, avec feu mon illustre ami Jacob van Lennep (qui pourtant n'était pas un détestable ultramontain, comme moi, - il était grand-maître des francs-maçons, mais il aimait mieux croquer des huîtres que des béats!), nous avons répondu, que, comme on voulait glorifier les capitaines protestants au détriment du héros catholique, nous aimions mieux ne pas nous mêler de cette affaireGa naar voetnoot1. On a trouvé cela incompréhensible et très anti-national. J'ignore si le bon goût est national en Hollande, mais le fait est qu'ils font à Heiligerlee un très mauvais monument. Et voilà, chère cousine, ce qui a rempli mes loisirs, pendant les derniers deux mois et comment je fais un effort de justifier mon long silence - impardonnable surtout après votre dernière bonne lettre. Veuillez présenter mes respectueux hommage à Madame la supérieure. Je vous jure que, si j'étais Charles-Quint, je ferais devant cette digne personne ce que l'Empereur a fait devant Madame Marie de Tautembourg, abbesse de Rhynsbourg. En attendant je vous propose d'unir mes faibles prières aux vôtres, pour qu'il plaise à la bonne Providence de prolonger les jours de votre digne mère à toutes, et de garder dans la bonne voie certain petit auteur de la Hollande, qui se dit, avec une inaltérable amitié, Votre cousin et frère en J.-C. J.A.A.Th. |
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