Dietsche Warande. Jaargang 2
(1856)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
[pagina 9]
| |
‘Warande-gedachten’.UN ami de Bruxelles, M. Dautzenberg, vient, cette année, ouvrir la série des articles de nos collaborateurs, par des ‘Considérations jardinières’, si l'on veut bien nous permettre de traduire de cette façon le titre que s'est choisi M. Dautzenberg: ‘Warande-Gedachten’; Pensées sur les lois de l'horticulture.... serait-ce bien le mot: ‘horticulture - art de cultiver les jardins’? Je ne sais: M. Dautzenberg nous entretient de l'art du ‘jardinier’, jardinier dans cette noble acception flétrie par la qualification académique de ‘vieux’: ‘Celui qui entend bien l'ordonnance, la culture, l'embellissement des jardins, et qui en donne les dessins’. De nos jours, où la réaction du plus terrible, du plus pauvre et du plus doré de tous les classicismes, du classicisme de la république Robespierre et de l'Empire Napoléon I, a fait naître un mouvement impétueux en faveur du vrai, de la nature, de la nationalité, du Christianisme, mais où, en même temps, le naturalisme et le réalisme moderne ont envahi tant d'esprits jeunes et généreux, beaucoup de poëtes et d'artistes, de philosophes et de gens-du monde sont allés trop loin dans leur condemnation des époques antérieures à la nôtre. La haine de l'aristocratie a fait tomber en désuétude ses coutumes et ses étiquettes; nous y avons gagné un peu de franchise, nous y avons perdu beaucoup de politesse, bien des agréments de la vie sociale; nous y avons gagné le cigare, nous y avons perdu l'art de causer avec des femmes qui unissent l'esprit à la vertu et à la grâce. Nous avons porté notre ‘éducation’ en sacrifice à la liberté. Bien qu'avec les débris de la civilisation grecque et romaine on eût voulu réorganiser une société artificielle de grands seigneurs et d'honnêtes bourgeois, au commencement du siècle présent, on n'a pas pu étouffer l'espèce de libertinage modéré, qui s'était rendu maître des esprits, et qui s'exprimait dans la coiffure Brutus, comme il s'exprime dans nos pantalons de laboureur franc, dans le sarrau de roulier, prototype de nos paletots, et dans les ‘jardins anglais’. C'est à une nouvelle génération qu'incombe le devoir d'être médiateur entre les deux extrêmes, d'harmoniser la nature et l'art, de réaliser l'idéal du ‘jardinage’: l'union entre l'art grave de Le Nôtre et la libre allure des jardins modernes. C'est à quoi a songé M. Dautzenberg. Doué d'un coeur sensible aux beautés multiformes de la campagne, l'oreille ouverte aux frémissements mystérieux de la nature, l'oeil exercé aux effets de la lumière et de l'ombre, aux effets des couleurs fixes comme les axiomes de l'arithmétique et des tons dont la mutabilité semble se régler sur les pas incessants du Temps, - l'auteur | |
[pagina 10]
| |
a étudié son sujet en véritable connaisseur, et son opinion à toute l'autorité d'un érudit, dans sa spécialité. Il s'est trouvé que M. Dautzenberg, sous l'inspiration de la nature et de ses doctrines esthétiques, qu'il n'avait appliqué jusqu'ici qu'à la linguistique, à la poésie et à la peinture, en est venu aux conclusions que la philosophie était en droit de formuler a priori: que dans la ‘composition’ des paysages artificiels, dans l'ordonnance des jardins, on devait, à coup sûr, prendre la nature pour guide, mais sans rejeter les formes du style, et en ayant soin de ne pas faire une nature en miniature, qui pourrait, tout au plus, aller à une société de poupées; et en ne voulant pas imposer à des terrains exigus les propriétés des paysages sur grande échelle. M. Dautzenberg traite successivement: De l'étendue, de la situation, des ‘vues’, des fontaines, des pièces d'eau, des plantations, des vegétaux indigènes et exotiques. L'article de M. Dautzenberg ne peut tendre qu'à prouver de plus en plus cette vérité fondamentale de la véritable esthétique: Que là où l'homme, avec la conscience de ce qu'il veut et de ce qu'il peut, étend la main pour prêter une forme significative à sa pensée ou à son sentiment, L'art surgit. L'art domine tout le monde intellectuel s'exprimant dans la matière, et ce n'est nullement la faculté de faire, de préférence, des statues en marbre ou des tableaux à l'huile. Ce que M. Dautzenberg veut en ‘jardinage’, il le veut aussi dans la langue. Il sent le prix du rapprochement entre la langue écrite et la langue parlée; mais il ne veut pas que le style de l'écrivain se plaise à l'emploi des locutions tronquées et des formes usées, introduites par la négligence d'un peuple qui avait hâte de formuler ses marchés conclus. Il préfère que le langage journalier fasse un pas de plus vers la langue telle qu'il aime à l'écrire: c'est-à-dire en observant les exigences délicates de notre ancienne grammaire thioise. Comme un spécimen des formes grammaticales aussi riches et gracieuses que logiques du moyen âge, le travail de M. Dautzenberg mérite encore toute notre attention; et, il faut bien l'avouer, le XIIIe siècle triomphe dans la grammaire tout comme il triomphe dans l'architecture. | |
Un maître d'école de l'an 1590.PAr l'article néerlandais qui accompagne les petites images d'anciens pédagogues que nous joignons à cette livraison, nous avons voulu remplir une page de plus de cette histoire littéraire de la Néerlande, si incomplète jusqu'ici. Dirck Adriaensz Valcooch, maître d'école à Barsigherhorn, nous semblait mériter à plus d'un titre une appréciation plus favorable que les deux mots: ‘mérite comme poëte - aucun’, que nos historiens littéraires avaient copiés les uns des autres, sans que le second ni les suivants n'eussent eu en mains les deux ouvrages sur lesquels un jugement raisonnable devait nécessairement se baser. Valcooch a écrit, en vers ‘de rhétoricien’, une chronique du ‘Zijp’. Le Zijp est une partie de la Nord-Hollande, qui, pendant des siècles, a été en butte | |
[pagina 11]
| |
à des inondations fréquentes, par la disposition du terrain, lequel, comme la Hollande en général, se trouve placé au-dessous du niveau de la mer, et qui, malheureusement, n'est pas protégé par des dunes contre les invasions de ce formidable élément. Au XVIe siècle, par une amélioration du système des digues, on a mis fin aux irruptions continuelles de notre ennemi qui ne consent à nous servir qu'à condition que nous le muselions sévèrement. Valcooch commence sa chronique par quelques coups d'épopée populaire, et cette épisode, bien qu'au XVIIIe siècle on l'ait taxé d'‘enfantillage’, nous la préférerions à bien des tragédies aux trois unités, à bien des drames naturalistes, à des bibliothèques entières de romans modernes. Le reste de la chronique ne s'occupe que des désastres des inondations, qui sont décrits avec verve et couleur. L'ouvrage principal de Valcooch est aussi entièrement écrit en vers. Il l'intitule: ‘Regel der Duytsche Schoolmeesters, die Prochie-Kercken bedienen, seer nut ende profijtelijck.’ Amsterdam, chez Laurens Jacobsz. à ‘La bible d'or’, 1597 (Règle des maîtres d'école néerlandais, très utile et profitable à ceux qui [comme sacristains] desservent des églises paroissiales.) C'est le ‘Vade-mecum’ des maîtres d'école de la fin du XVIe siècle. L'auteur est un homme de bon sens et de plus de bon goût qu'on n'en chercherait dans la classe à laquelle il appartenait. Il a un profond sentiment de son devoir, et sans avoir des connaissances élevées ou étendues, il a non-seulement beaucoup d'aptitude aux différentes petites pratiques-qui étaient de la compétence d'un pédagogue de village de 1600, mais encore le principe surnaturel de l'autorité, et la responsabilité ainsi que les droits de l'instituteur sont toujours présents à son esprit et donnent à tout ce qu'il dit un caractère religieux: l'on sent que sa férule relève autant de la charité que de la justice et du désir de faire de bons citoyens. L'on ne saurait méconnaître, dans le maintien et l'entourage de nos anciens maîtres d'écoles, quoique placés dans un ordre inférieur, une analogie frappante avec les représentants de la royauté. Qu'on nous permette d'insérer ici quelques-uns des arguments que nous avons fait valoir à l'appui de cette thèse et comme explication de la planche, dont la figure no 1 est calquée sur une xylographie du temps de Valcooch; les deux autres sont empruntées également à des livres d'école, du XVIIe siècle. ‘Si l'on ne trouve pas, sur nos petits dessins, la ‘chaire’ académique (gr.-néerl. katheder), chaire, qui comme les cathèdres et les faldistoriaGa naar voetnoot1) des premiers siècles s'est converti en une tribune à balustradeGa naar voetnoot2), - et que l'évêque morave Jean Comène, dans son ‘Vestibulum rerum et linguarum’ introduit dans son école moyenne (no 224,1) - il y a l'image du siège des anciens, le trône des Princes spirituels et temporels. ‘De tout temps on a parlé du ‘siége’ du pouvoir. L'idée de s'asseoir implique la fixité; c'est ainsi qu'une personne de considération ‘fixe | |
[pagina 12]
| |
sa résidence’; ce qui dit bien plus que choisir un ‘séjour’, ce qui peut s'entendre d'une place où l'on ne passe qu'un petit laps de temps. Il est vrai qu'en français on dit aussi ‘assiéger une ville’; le néerlandais, au contraire, dit et, à mon avis, moins improprement, ‘eene stad beleggen of belegeren’, ce qui correspond à l'expression ‘jeter des troupes devant une ville’. Le mot ‘siége’, dans le sens de lieu où l'on réside, présente aussi plus de fixité, se dit plutôt d'une force bien établie, que le mot ‘poste’. Une sentinelle, un employé, un ministre est à son poste, ils sont ‘postés’ quelque part; le gouvernement a son ‘siége’ parce qu'on le suppose être inamovible. C'est ainsi que des tribus nomades, des brigands, des chasseurs, et, tout au plus, des soldats vont ‘camper’ dans un endroit: ce sont des gens qui, dans leurs campagnes, ‘battent la campagne’; ce ne sont pas des ‘fermiers’ (qui demeurent sur les fermes de leurs ancêtres); ce ne sont pas des membres d'un mesnage (dérivé de maison, formé, comme manoir, de manere, rester). Le roi, l'évêque, le juge occupent un siége. Séance, session, voilà le nom de toute assemblée sérieuse. Le Saint-Siége c'est le lieu ou réside et domine la plus haute autorité dans l'ordre spirituel. Les ‘assises’ ne sont-ce pas des assemblées solemnelles convoquées pour juger les causes les plus importantes? - Notre Seigneur J.-C. est ‘assis’ à la droite de Dieu le Père, d'où il viendra pour juger. Quand les peintres chrétiens voulaient représenter l'exaltation de la bienheureuse Vierge Marie, ils la peignaient assise, à côté de J.-C.; souvent aussi elle est assise, aussi bien que son divin Fils, pendant qu'Il la couronne. C'est là le symbole de la glorification de toute l'Eglise, après le triomphe de Jésus-Christ. Dans la scène de l'Annonciation, au contraire, Marie est presque toujours agenouillée; elle est alors l'humble Vierge de Nazareth. ‘Notre estimable collaborateur, M. Henri van Berkel, a démontré le symbolisme du ‘bâton’Ga naar voetnoot1) ou de la ‘verge’; qui souvent est l'attribut de l'autorité. Ce signe distinctif caractérise surtout le maître d'école. Sur nos planches 1 et 2 il le tient en main, comme un roi tient son sceptre. Mais avec celui ci le roi tient encore le glaive de justice. Le sceptre est d'une nature plus élevée, est moins matériel; il ne règne que par sa présence; le glaive de justice par son action. C'est la mème chose à l'école. La férule, voilà le symbole de l'autorité; elle n'est pas une maîtresse à la mine renfrognée; ses coups font moins de mal physique, qu'ils ne donnent d'impression morale: cela ressort d'une foule de passages, dans les raisonnements de Valcooch. En enumérant les attributs et instruments du maître d'école, il dit: ‘D'abord il aura une belle férule.’ Ne pensez pas qu'une férule n'est qu'un rude morceau de bois, un manche de balai, pour torturer les enfants; c'est un symbole: il faut, pour cela, que la férule soit ‘belle’. Les doux mouvements de ce sceptre dans la main du maître, soit qu'il la relève, qu'elle s'incline, qu'elle se jette en arrière, qu'elle fasse un petit tour dans l'air, qu'elle se tienne en repos ou qu'elle ait de légers frémissements, ces mouvements régissent tout l'orchestre scolaire; la férule indique la mesure du travail des enfants, et, mieux que le bâton du chef d'orchestre, elle ne se borne pas à commander, elle ne surveille pas seulement, et n'a pas seulement recours à des moyens préventifs et répressifs, elle se charge | |
[pagina 13]
| |
aussi de combattre et de punir. Mais la véritable punition, la punition vengeresse est confiée à ‘une bonne verge de branches de saule’. ‘Le frontispice de certain livre de classe intitulé ‘Gemeene Zendbrieven’ ne cache pas cette verge, quoique sur les petites estampes, qui accompagnent notre article, on ne puisse le voir. Notre no 3 est même si ‘libéral’, si peu symbolique, il proclame des théories si avancées, il est tellement pénétré des idées républicaines de la Hollande du XVIIe siècle, que le moindre bout de la férule ne s'y montre même pas. Dans le petit volume du poëte et graveur Jean Luyken (né en 1649, † 1712), intitulé ‘Occupations humaines’, le maître d'école n'a pas la férule en main, mais elle pend derrière lui. C'est un petit instrument ciselé avec élégance, orné de différentes moulures, et le maître semble le montrer du doigt au disciple qui vient dire sa leçon. C'est ainsi qu'on ne couronne les rois constitutionnels et que le peuple ne prête son serment de fidélité, que ‘corona praesenti’. Nos rois ne la portent plus. Mais chez Luyken le maître d'école a, tout près de lui, un jonc, d'une longueur démésurée, avec lequel il peut atteindre tous les enfants, même à grande distance: c'est, sur le domaine de l'État, la police aux cent bras. Ce que la force du sceptre et de la férule a perdu d'intensité doit être compensée par l'extension matérielle. ‘Voyez, à notre no 2, comme le monarque a fermé l'enceinte de son siége en homme qui sent sa dignité: ces pentures datent de 1568 (voir: Josse Amman, le Serrurier, no LXI). Et si maintenant le no 3 n'a pas sa férule, on fait quelque chose pour l'en dédommager. Aucun de ses collègues n'a un siège comme le sien. Je ne parle pas de la sculpture à la rampe, ni de la décoration de son pupitre, mais en vérité, on a voulu lui donner un trône. Le ‘trône’ ce n'est pas, proprement dit, le siège, mais le dais, le baldaquin. Au moyen âge on appelait en néerlandais, le ciel, le firmament, du nom de trône; on disait aussi ‘tendre le trône’, tout comme on disait ‘tendre sa tente’ (den throon spannen, zijne tent spannen). Ces deux piliers ou pieds droits derrière notre maître no 3, qui en haut s'amortissent en forme de crosses, correspondent à la tablette ou corniche, qui en fait, effectivement, un dais; de sorte que la chaise devient une ‘stalle’. ‘L'idée d'‘abri’ qui est inséparable d'un dais ou baldaquin, dût bien porter avec lui, près des peuples nomades, la signification de ‘veille’, sollicitude, de respect, d'amour. L'Arche était une tente; le Temple était une tente. Ce qui nous est cher, nous le voulons naturellement garantir de l'injure des saisons. Ajoutez à cela le mystère qui se rattache à l'ombre, le souvenir de vertus de famille et de précieux rapports entre les âmes, d'autorité du maître et d'indépendance, qui accompagne notre idée d'un ‘eigen dak’ (‘maison à nous’, le ‘chez-moi’), - et l'on comprendra aisément que dans l'Europe germanique du moyen âge, pas moins qu'en Orient, l'idée du ‘tabernacle’ se liait intimement à celle d'‘objet de culte’. Au-dessus de nos autels une voûte polygonale ou semi-circulaire abrite le sacrifice. Dans les lieux où ceci n'est pas le cas, on a souvent tendu un dais au-dessus de l'autel. L'usage existe en quelques endroits, quand on apporte le S. Sacrement à un malade, que l'acolyte soutient un tabernacle en forme d'ombrelle au-dessus de la tête du prêtre. Dans les images de Josse Amman, avec texte de Jean | |
[pagina 14]
| |
Sachs, le prêtre porte le S. Sacrement dans un ciboire, à couvercle pyramidal, qui est entouré d'un long rideau flottant. Les rideaux sont aussi prescrits par la liturgie dans nos tabernacles actuels, et l'ancien ‘ciboire’, comme on appelait le tabernacle de la basilique et des églises romanes (c'est à dire, le dais qui surmontait le maître-autel) était entouré de rideaux, qu'on fermait pendant la consécration: symboles du mystère dans lequel Dieu, le Deus absconditus, se révélait aux Israëlites. ‘Quant à l'habit de l'instituteur, sur les trois petites estampes, que nous reproduisons ici, et qui appartiennent à la fin du XVIe et au commencement du XVIIe siècle, les vêtements du maître sont encore en harmonie avec la dignité de la science et de l'autorité, qu'il représente: C'est la robe, la toge; laquelle, chez Luyken (1700), est déjà remplacé par l'éternelle robe de chambre du XVIIIe siècle; pour la Hollande, siècle paresseux, s'il en fut jamais. Naturellement le bonnet de nuit n'y manque non plus; heureusement il a gardé quelque ressemblance avec le béret du docteur.’ | |
Place honorable de la Néerlande à la Cathédrale de Cologne.M. Léopold Eltester vient de faire une découverte dans la cathédrale de Cologne, qui n'est pas sans intérêt pour la Néerlande. Dans l'estimable revue ‘Organ für Christliche Kunst’ dirigée par le peintre verrier M. Baudri à Cologne, M. Eltester donne une description des vitraux du choeur et de la nef septentrionale, dans la St Pierre du Nord. La verrière qui, d'au-dessus du maître-autel, domine toute l'église, représente ‘l'Adoration des Trois-Rois’ et porte les insignes héraldiques de l'archidiocèse de Cologne et de l'archevêque, sous le règne duquel cette verrière, ainsi que quatre autres, dont elle est flanquée, fut fondée: c'était le comte Henri de Virneburg, lequel, au commencement du treizième siècle, contribua beaucoup à la décoration de la merveilleuse église. L'un de ses arrière-neveux, le comte Philippe III de Virneburg, imita son exemple, et M. Eltester dépose le témoignage que les deux familles auxquelles la grande cathédrale germanique a le plus d'obligation, sont les familles de Virneburg et d'Hollande. Le Roi des Romains, notre comte vaillant et bien-aimé, Guillaume II, assista et contribua à la fondation de l'église en 1248 sous l'archevêque Conrad de Hochstaden; la même année, si je ne me trompe, où la dernière pierre fut apportée à la bâtisse de la plus belle des églises romanes que possède l'illustre métropole. Vers 1322 notre comte Guillaume le Bon (troisième du nom), en partie peut-être par affection pour son célèbre homonyme, s'entendit avec l'archevêque Henri et avec le comte de Juliers, pour décorer l'apside de ces brillants tapis diaphanes, dont nous tendons les baies de fenêtre de nos églises, pour ne laisser pénétrer dans le sanctuaire que ce que le ciel a de plus beau, sa Lumière, sa lumière prête à revêtir de son éclat les pensées religieuses et émouvantes des artistes chrétiens, prête à parler le langage de l'évangile et de l'épopée légendaire à la population qui remplit la maison de Dieu. C'était à l'occasion des fiançailles de sa fille Jeanne de Hollande avec le jeune comte Guillaume de Juliers que notre pieux prince portait | |
[pagina 15]
| |
cette offrande au Seigneur. Pour nous, il y a plus que coïncidence dans le choix du sujet (l'‘Adoration des Rois’) avec la pieuse action de nos comtes de la basse-Germanie; il y a, pour le moins, analogie et symbolisme; dans les quatre verrières (a dextre et a senestre du vitrail principal) des figures princières, plutôt typiques qu'individuelles, sont représentées au-dessus des armoiries des deux maisons. Ce sont ces armoiries qui ont fait arriver M. Eltester à la conclusion que les cinq verrières, dont nous parlons, sont fondées en commémoration de l'alliance, par voie de mariages, entre les principaux seigneurs du bas-Rhin et de la Néerlande. Par le mariage de Dame Jeanne, qui en 1324 eut lieu simultanément avec les noces de Marguerite de Hollande et du roi des Romains, Louis de Bavière, il s'établit une nouvelle union entre les comtés de Hollande, Zélande et Hainaut, avec le duché de Brabant et les comtés de Juliers et de Clèves. Ce qui est curieux c'est que la tradition populaire s'était dejà chargé depuis longtemps du soin de maintenir les droits de la Néerlande à l'honneur d'avoir fondé les verrières en question: seulement la tradition, qui en vrai poëte ne s'attaque qu'aux faits éclatants, avait attribué un de nos vitraux au fameux duc Jean de Brabant, le premier chevalier de son temps, vainqueur en 70 tournois, vainqueur dans la grande bataille de Woeringen, chantée par un témoin oculaire notre poëte du XIIIe siècle Jean van HeluGa naar voetnoot1). | |
Fonts baptismaux be Noordpeene.A Noordpeene, petit village situé au pied du Mont-Cassel (France), se trouvent des fonts baptismanx que nous allons essayer de décrire. Ils consistent en un monolithe carré d'un mêtre ou environ de longueur sur chacune de ses faces et de 0,40m de hauteur. Il a été creusé dans sa partie supérieure, de manière a recevoir un bassin circulaire en plomb destiné à contenir l'eau nécessaire au baptême. Ce monolithe repose sur un dé de pierre brunâtre et tendre, dont les angles sont taillés en fûts de colonnes cylindriques et annelés par le milieu. Ces fûts sont reçus à leur sommet dans un quart de rond. Ils ont pour base un filet et un gros tore lisse, garni aux coins de la plinthe d'une large feuille découpée. L'espace compris entre les colonnettes est légèrement arrondi. La cuve des fonts est couverte de sculptures en méplat. La face antérieure est divisée en trois compartiments par des colonnes jumelles dont le tailloir est en coeur. Dans le compartiment du milieu sont deux enfants voguant dans une nacelle; dans ceux de côté sont accroupis deux dragons aîlés dont un semble prêt a mordre la tête du Christ. La face opposée est parsemée d'une série de chevrons fermés par des ares de cercle. Sur les faces latérales, on voit d'une part, deux monstres chimériques à figures humaines, separés par un oiseau qui prend son vol: de | |
[pagina 16]
| |
l'autre, deux dragons; leurs queues se touchent, leurs têtes se retournent et se regardent et de leurs gueules béantes sortent des spirales. Enfin dans le même plan est figuré un personnage qui a le tronc privé de la tête et la tient dans la main droite. Le bassin est entouré d'un double encadrement circulaire taillé dans la pierre et parsemé de huit fleurons à cinq pétales. Autour de ces lignes se développe et circule une riche arabesque d'où se dégagent des cornes d'abondance qui versent des grappes de raisin. Toute cette ornementation se rencontre fréquemment dans les monuments du XIe au XIIe siècle. A cette époque les artistes ont répandu sur les faces des chapiteaux toutes les richesses de leur imagination, puisant les motifs de leur décoration dans le monde réel, comme dans le monde imaginaire, les empruntant aux légendes, aux traditions, aux livres saints, et les tirant des règnes de la nature. Les détails artistiques qui décorent les fonts baptismaux de Noordpeene ne sont point, pensons-nous, dépourvus de signification. Les grappes de raisin, dans la symbolique chrétienne, sont un emblême de la régénération spirituelle. Les enfants dans la nacelle ne font-ils pas pressentir que l'homme, avant de se hasarder sur la mer orageuse du monde, doit être fortifié par le sacrement du baptême? La figurine qui porte, comme saint Denys, sa tête dans la main, ne veut-elle pas dire que la vie est un long martyre?
Louis de Baecker. | |
Mélanges.TRanssepts semi-circulaires. - M. le baron F. de Roisin à Trèves nous fait l'honneur de nous écrire: ‘Quant à votre envoi (de la description de la crypte de Rolduc), vous jugerez s'il a été bien reçu, quand je vous dirai qu'il m'a trouvé plongé dans un travail auquel il est venu en aide. - J'ai publié plusieurs articles sur notre cathédrale de Trèves dans les ‘Annales’; il en reste deux à faire paraître; l'un sous presse. A propos d'influence byzantine, je me suis trouvé amené à traiter la question des églises à transsepts semicirculaires, dont la crypte de Rolduc offre un spécimen. - Je crois pouvoir démontrer que le type de cette forme est Ste Marie du Capitole de Cologne; je suis convaincu que Tournai, Noyon, etc. en descendent; mais quel a été le prototype de Sste Marie? - M. de Quast croit que ce type remonte bien au delà de la première fondation de Ste Marie (par Plectrude). Il en donne de bonnes raisons, et conclut que Ste Marie a imité une ancienne église, de Cologne, ou un monument de la décadence romaine aujourd'hui disparu. - Moi je pense que le premier édifice de ce genre qui ait existé à Cologne a été imité des ruines des bains romains de Trèves, qui présentent l'analogie la plus frappante avec Ste Marie du Capitole. Vous avez l'ouvrage de Schayes, ‘de l'Architecture en Belgique’; comparez les deux plans, et vous jugerez. Notez qu'une tradition formelle dit: ‘Eo tempore (CCCXXVIII) jussu Helenae Ecclesia maximi ornatus, in honorem sanctae crucis est aedificata etiam in modum crucis’. Ne prenons pas à la lettre le jussu Helenae, mais admettons le fait de l'église destinée à renfermer la relique de la vraie croix, probablement première imitation de nos thermes, et qui aura passé à Cologne.’ | |
[pagina 17]
| |
CHanson de Renaud. - Nous empruntons a une lettre de M. De Baecker à Bergues ce qui suit. Inutile de rappeler à nos lecteurs que l'histoire de Renaud de Montauban forme une des plus belles épopées que le génie humain ait jamais brodé sur le canevas de l'histoire. Dans aucun pays les ‘Quatre fils Aymon’ ne peuvent avoir joui, pendant sept ou huit siècles, d'une popularité plus générale que dans la Néerlande. Il n'y a presque pas de ville dont quelque monument n'en garde le souvenir, et encore aujourd'hui on fait à l'occasion de la S. Nicolas des plaques de pain d'épices dorées représentant, entre autres, les quatre frères sur leur cheval ‘Beyaert’. Voici ce que nous écrit M. de Baecker. ‘Lorsque vous alliez publier vos romans carlovingiens vous me fites le plaisir de me demander des renseignements sur un de leurs héros, Renaud de Montauban. Je vous ai transmis à cette époque le peu que j'ai pu me procurer sur ce sujet et vous avez eu la bonté de le consigner dans votre beau livre. ....................... ‘Je viens vous signaler une chanson française populaire dans les environs de Blois et qui a été publiée dans les ‘Instructions sur les chansons populaires de France’ par M. Ampère. Ces ‘Instructions’ ne sont pas dans le commerce. | |
‘Complainte de Renaud.1.
Quand Renaud de la guerre vint,
Portant ses tripes dans ses mains,
Sa mère, à la fenêtre, en haut,
Dit: voici v'nir mon fils Renaud.
2.
La Mère:
Renaud, Renaud, réjouis-toi,
Ta femme est accouchée d'un roi.
Renaud:
Ni d'ma femme, ni de mon fils
Mon coeur ne peut se réjoui!
3.
Qu'on me fasse vite un lit blanc
Pour que je m'y couche dedans.
Et quand il fut mis dans le lit,
Pauvre Renaud rendit l'esprit.
(Les cloches sonnent le trépas).
4.
La Reine:
Or, dites-moi, mère, m'amie,
Qu'est-c' que j'entends sonner ici?
La Mère:
Ma fille, c'sont des Processions
Qui sortent pour les Rogations.
(On cloue le cercueil.)
5.
La Reine:
Or, dites-moi, mère, m'amie,
Qu'est-c' que j'entends cogner ici?
La Mère:
Ma fille c'sont les charpentiers
Qui raccommodent nos greniers.
(Les prêtres enlèvent le corps.)
6.
La Reine:
Or, dites-moi, mère m'amie,
Qu'est-c' que j'entends chanter ici?
La Mère:
Ma fille, c'sont les processions
Qu'on fait autour de nos maisons.
7.
La Reine:
Or, dites-moi, mère, m'amie,
Quell' robe prendrai-je aujourd'hui.
La Mère:
Quittez le ros', quittez le gris,
Prenez le noir, pour mieux choisi.
| |
[pagina 18]
| |
8.
La Reine:
Or, dites-moi, mère, m'amie,
Qu'ai-je donc à pleurer ici?
La Mère:
Ma fill', je n' puis plus vous l'cacher:
Renaud est mort et enterré.
9.
La Reine:
Terre ouvre-toi, terre, fends-toi,
Que j'rejoigne Renaud, mon roi!
Terre s'ouvrit, terre fendit,
Et la belle fut engloutie.’
Nous croyons qu'il est superflu d'insister sur la haute beauté de cette ballade dramatique: les émotions de la plus noble nature et les catastrophes se suivent de si près, et cependant les couleurs qui ont servi le poëte sont si vraies, qu'il est presque impossible de s'imaginer, dans un cadre aussi resserré, un effet esthétique plus frappant. Si la supposition de notre ami, M. De Baecker, se trouve être fondée et que le ‘Roi Renaud’ n'est autre que le héros de ‘Montauban’, il sera bien agréable, surtout pour ceux qui ont fait une étude du cycle des aventures des ‘Quatre fils Aymon’, de trouver ici un élément qui est assez rare dans le roman de ‘Renault’: l'amour conjugal.
A. Th. | |
Bibliographie.LA 1re livraison de la ‘Warande’ pour 1856 contient une série de notices bibliographiques. 1o Quelques renseignements de M. Nieuwenhuyzen sur les différentes éditions d'un drame néerlandais du XVIe siècle, intitulé ‘Homulus’. 2o Une annonce et recommandation des ‘Grundzüge der kirchlichen Kunst-archaeologie des deutschen Mittelalters, von Heinrich Otte’ (Principes de l'Ecclésiologie allemande, par Henri Otte - à Leipsick, chez T.O. Weigel - prix fl. 4 d'Holl.). M. Otte, ministre protestant dans une petite ville de l'Allemagne, décrit, principalement, l'église complète du moyen âge dans toutes ses parties; voulant joindre l'‘image’ à la ‘parole’, l'auteur ajoute, à la définition claire et précise des formes ecclésiologiques primitives et modifiées, une illustration xylographique modeste mais suffisante. Rarement un livre d'art se publie d'un fonds aussi solide et d'une forme aussi simple. Sans le moindre ‘fracas’ l'auteur vous donne, en deux lignes quelquefois, les opinions les plus récentes et en même temps les mieux établies sur le ‘pourquoi’ et le ‘comment’ des diverses parties d'une église catholique. Cependant l'auteur fait ressortir avec tant d'évidence les qualités éminemment logiques et esthétiques de l'objet de ses études, que le piétisme, au sein même de la communauté nombreuse des ‘évangéliques’, s'en est alarmé et en a fait un reproche a M. Otte, comme ministre protestant. M. Otte a répondu que, bien certainement, le seul avenir de l'art chrétien se trouvait dans un retour sincère ‘aux chastes formes du XIIIe siècle’ et qu'il ne fallait reprendre le fil d'art que dans les mains des traditions artistiques du moyen âge.
La suite du compte-rendu des notices bibliographiques au suivant numéro. |
|