Dietsche Warande. Jaargang 2
(1856)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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‘Dietsche Warande’.
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‘Dietsche Warande’
Directeur: M. Jos.-Alb. Alberdingk Thijm, De l'ordre des chevaliers de S. Grégoire-le-grand. Amsterdam, C.L. van Langenhuysen. 1856. | |
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‘Je ne commencerai pas sans vous déclarer d'abord que je n'ai pas la moindre prétention d'écrire correctement le français... Tout ce que je demande, c'est de me faire comprendre. | |
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Amsterdam, le 20 Déc. 1855.
C'Est aujourd'hui la veille de la fête de S. Thomas, patron des architectes. Il y a donc déjà plus d'un an que nous formâmes le projet d'essayer dans notre pays la fondation d'une oeuvre périodique, s'occupant des intérêts de l'archéologie chrétienne, de l'architecture et des arts qui en dépendent, et enregistrant en général tous les phénomènes remarquables qui seraient en rapport avec l'art et la littératureGa naar voetnoot1) de la Néerlande. Par le concours sympathique de quelques amis pleins de zèle et de talent, nous avons réussi à fournir une première partie de la carrière que nous nous sommes tracée. De deux en deux mois une livraison a paru et la première année de la ‘Warande’ forme un volume de 600 pages in 8o accompagnées de dessins, facsimiles d'écriture, de musique, etc. Plus d'une fois les amis à l'étranger nous avaient témoigné le désir de trouver un moyen pour entrer ensemble en communication directe par la voie de la presse. ‘The curse that came from Babel’, comme | |
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le poëte Southey s'exprime, s'y opposait toujours; la différence des langues mettait un obstacle à l'échange incessant des idées. Hélas, que ne sommes-nous à la veille de cette grande Pentecôte, où le Saint Esprit remplira la grande ‘étable’ du bon Pasteur, et où il n'y aura plus qu'une seule langue, riche de tous les trésors des vocabulaires du monde entier, comme il n'y aura plus qu'une foi, qu'un baptême et qu'une Eglise! - Mais, puisque le monde chrétien en est encore toujours aux périodes de transition, et que l'époque de la stabilité majestueuse vers laquelle tendent nos voeux ne vient pas encore poindre à l'horizon, - mais puisque le Travail, le travail sérieux et énergique, est la condition de la Vie, dans le sens le plus élevé comme dans l'acception matérielle des mots, - et comme le bon Dieu a fait en sorte que certains partisans de l'art aient un système d'esthétique qu'ils aiment de toutes les forces de leur être et dont les intérêts évidents et le triomphe prochain leur imposent le devoir d'être assidus à l'ouvrage, quelque défectueux que soient les instruments qui se trouvent sous la main de l'ouvrier, - nous avons formé le projet de publier regulièrement tous les deux mois Un résumé ou une analyse en français du numéro de la revue, mis en cours de publication. Dieu aidant, nous comptons joindre à cette analyse quelque trait caractéristique de l'histoire de l'art et de la littérature néerlandaise, tant ancienne que contemporaine, des nouvelles, destinées à intéresser les amis à l'étranger et, en outre, bon nombre de communications que nous attendons de ceux-ci. Aujourd'hui nous commençons cette tâche, qui ne laisse pas de nous paraître un peu rude, eu égard à des moyens dont nous ne nous dissimulons aucunément l'extrême faiblesse, du moment que la ‘forme’ ne se prête pas avec une complaisance docile aux exigences de la ‘pensée’. Il n'est que trop vrai, que souvent, quand nous taillons notre ‘plume française’, l'idée frappe de son mieux les parois de l'esprit, sans qu'elle puisse réussir à trouver son expression, et à se frayer un passage. Toutefois, dussions-nous encourir le reproche, que nous méritons le sort du convié sans robe nuptiale, - nous nous hasarderons dans la grande salle de fête de nos coreligionnaires en fait d'esthétique; et nous espérons les suivre au champ-clos.
Nous croyons utile d'ouvrir la partie française de la ‘Warande’ par un rapide coup-d'oeil, jeté sur les matières qui sont contenues dans notre premier volume. Avant que nous ne rendions compte des articles, dont l'amitié de savants compatriotes a bien voulu l'enrichir, nous devons à nos lecteurs, au-delà des frontières nationales de notre pays ‘thiois’, une petite explication du titre placé en tête de notre recueil. ‘Warande’ est un de ces mots de notre belle et bonne langue néerlandaiseGa naar voetnoot1), qui se plient à une grande variété de définitions. Le mot est en rapport direct avec waren, bewaren, qui signifie garder et garantir: ou plutôt garder et | |
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waren, gare et bewaar, garde et waard, bewaarder, sont des nuances de dialecte du même mot. Les Français et nous autres, semi-Saxons, nous avons de commun non-seulement les théories archéologiques chrétiennes d'aujourd'hui, mais encore des milliers de ‘vocables’ de tous les temps. Néanmoins il y a une identité sensible entre notre warande et le mot baranda des Espagnols. Balustrade, galerie, enceinte, voilà bien aussi la signification primitive de warande. Après on paraît y avoir attaché principalement le sens de ‘l'espace entourée par la balustrade ou par la cloison protectrice (sauvegardante)’. Il existe encore un autre mot pour cloison ou enceinte: c'est le mot tuin, qui signifie, originairement une haie ou clôture faite de joncs ou de branchages entrelacés; actuellement le mot tuin ne s'emploie guère que dans le sens de jardin (anglais: garden), et il se trouve que warande a environ la même signification. Warande est plus noble et, peut alterner avec hof, pour remplacer le mot tuin, qui ne s'emploie, en style élevé, que dans les composés, comme bloemtuin, jardin de fleurs, etc. Mais on ne dit pas seulement bloemwarande, jardin à fleurs, lustwarand, jardin de délices, mais encore warande der dieren ou diergaarde, qu'on appelle en français soit garenne, soit parc. C'est cette élasticité de l'expression ‘warande’, qui a plaidé en sa faveur pour nous la faire adopter. Dietsche signifie tout simplement thiois, c'est-à-dire néerlandais; et s'applique surtout à la langue des Clais Verbrechten, des Thierry d'Assenède, des Jacques de Maerlant, des Melis Stoke, des Jean de Helu, des Jean Boendale, des Dirc PotterGa naar voetnoot1) et d'autres auteurs flamingo-belges et hollandais des XIIIe, XIVe et XVe siècles. | |
De l'art plastique.
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et qui s'est fait un nom par d'importants travaux historiques, touchant la province qu'il habite, s'occupe en ce moment d'une histoire des couvents et abbayes de la Néerlande; déjà il a livré à la presse la première partie d'une ‘Historia ordinis Cruciferorum, maxime in Belgio et Neerlandia, ex monumentis authenticis’, et il demande, dans la ‘Warande’, s'il n'y a aucune bibliothèque qui pourrait lui prêter les deux ouvrages, intitulés: ‘Vie du Père Théodore de Celles, restaurateur du très ancien ordre de Ste Croix, appelé vulgairement des Croisiers, par Pierre Verduc.’ Périgueux, 1681, in 4o, 178 pag.; et ‘Antiquité de l'ordre de Ste Croix.’ Périgueux, 1683. Dans les études archéologiques, dont M. Hermans a confie la publication au directeur de la ‘Warande’, il a prouvé que déjà du temps de St Willibrord, apôtre de nos contrées, le Brabant avait sa division paroissiale regulière. M. Hermans nous signale deux églises, à Nederlangel et à Oirschot, qui semblent appartenir à la première période du style roman. Nous espérons trouver l'occasion de publier ces églises dans cette revue. Notre savant ami prépare, avec le concours de M. Louis Veneman, architecte à Bois-le-duc, les matériaux d'une carte topographique des églises du Nord-Brabant, comme celle de M. de Caumont, qui nous fait connaître les styles regnant aux environs de Caen et celle de M. Lübke qui se rapporte à la Westphalie. Dans le même article, M. Hermans décrit et décalque, pour les lecteurs de la ‘Warande’, les fonts baptismaux du XIe ou XIIe siècle de Herpen et de Deurzen et les fonts gothiques de Ravestein. Dans l'ancienne chapelle de Notre-Dame, attenante à l'église S Jean, on a découvert une peinture murale du XVIe siècle, qui n'était pas trop mal; mais un examen consciencieux a fait trouver, sous ces couleurs de la Renaissance, une peinture de la période gothique, et, comme de droit, on a enlevé la superfétation pour rendre à la vie l'oeuvre primitive. M. Hermans nous signale en outre, dans la province qui est l'objet de ses investigations actives, diffèrents monuments ecclésiologiques remarquables, tels que lustres, chandeliers, calices, rétables d'autels, buffets d'orgue, chaires, lutrins, crosses, ainsi qu'un grand nombre de pierres tombales, lesquelles malheureusement, sous les pas des fidèles (et des infidèles), perdent annuellement de leur valeur artistique. En songeant à tout cela, il nous semble plus que temps que des comités diocésains se constituent dans notre patrie comme partout ailleurs dans le monde chrétien, pour veiller à la conservation des monuments ecclésiologiques et pour aiguillonner l'esprit public en leur faveur.
Les lecteurs des ‘Annales Archéologiques’ ont appris quelle était notre opinion, relativement au degré d'indifférence qui continuait d'exister dans l'esprit public en Hollande, au sujet de l'archéologie et des vrais | |
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principes de l'art régénéré. M. le Dr Leemans a réclamé contre cette appréciation, en effet peu flatteuse, et nous emprunterons prochainement aux ‘Annales’ le petit mot que nous nous sommes permis d'opposer au point de vue sous lequel M. Leemans envisage la question. M. le Dr Leemans est tout aussi patriotique que nous: mais il s'y prend d'une maniére différente, pour défendre les intérêts de l'art national. M. Leemans plaide la cause des artistes, des savants, du public d'aujourd'hui: en effet, il semble difficile pour un académicien bien-veillant de sortir de cette ornière, quelque indépendant que soit du reste le caractère de M. Leemans. Pour nous, nous avons pris la liberté de défendre les absents; les ancêtres, dont les oeuvres inimitables sont en proie à des mutilations journalières.
Dans une série d'articles nous avons fait justice de quelques-uns des actes de ‘Vandalisme’ qui sont parvenus à notre connaissance; et nous avons pu nous prévaloir de l'assentiment de M. Rose, architecte, et de M. van Lennep, littérateur, autorités puissantes qui tous les deux ont fourni à notre public un peu arriéré des matériaux pour une sentence ‘olographe’, que sa conscience ne peut manquer de lui dicter.
Un ancien ami du Directeur, se signant ‘Pauwels Foreestier’, rentier propriétaire à Buiksloot, s'est occupé de l'Exposition de tableaux de 1854, à Amsterdam, et il s'est permis de révoquer en doute l'excellence du tableau de notre compatriote M. Ary Scheffer, intitulé: ‘Espérance et plaisir’, qui semblait plaider, avec des couleurs et des contours un peu libertins, en faveur du ‘plaisir’; tandis que notre ami a rendu hommage aux tableaux allemands des ‘paysagistes’ Leu et Lindlar et des ‘peintres d'intérieurs’ Wieschebrink, Siegert, Jordan, Gesellshap, Böttcher et Vautier. A cette occasion M. Foreestier a donné divers détails sur la célèbre école de Dusseldorf. A en croire l'honnête habitant de Buiksloot, il n'y a eu à l'exposition d'Amsterdam que les peintres hollandais Lieste (le Claude de la Hollande moderne) et Bles (le Hogarth de notre temps) qui pussent rivaliser avec les étrangers. Cependant M. Foreestier n'appartient à aucune école exclusive ou rigoriste - car il a salué avec considération MM. Chavet et Coulon.
Parmi les manifestations rassurantes de la vie de l'art et de la science archéologiques dans nos contrées, nous avons eu le bonheur d'enregistrer des preuves nombreuses du ‘bon train’ que vont les savants, les artistes et les tectoniciens du duché de Limbourg, province de notre royaume. L'atelier religieux de MM. Cuypers et Stoltzenberg, architectes, sculpteurs, et fabricants de parements et d'habits religieux, ‘qui ont eu un succès réel à l'Exposition de Paris’, comme le témoignent des organes qui sont au-dessus de nos éloges, tels que les ‘Annales’ et la revue anglaise ‘The Ecclesiologist’, a fait l'objet d'une mention particulière dans notre ‘Warande’. Nous devons à l'obligeance de M. Cuypers d'avoir pu donner le plan et le dessin perspectif de l'intérieur de l'admirable crypte de Rolduc. Nous ajoutons au présent numéro de notre publication française un exemplaire de ce plan, pensant être agréable à ceux de nos lecteurs qui s'occupent de la généalogie des églises: cette crypte porte la date certaine de 1108.
Nous nous sommes empressé de relever dans notre revue ce qui, à l'étranger, nous a paru digne avant tout d'éveiller l'attention de nos | |
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compatriotes: tel que la bonne découverte de M. Didron: ‘l'ogive en Italie’, ‘Rome, ville plus gothique que Rouen’, ‘Bruges moins gothique que Siene’; l'adhésion du Saint-Père aux principes de l'art chrétien: distinctions accordées à M. l'abbé Gaume, à M. Didron Aîné et à M. De Coussemaker. Nous pouvons y ajouter aujourd'hui: bénédiction apostolique accordée à tous les membres de l'excellent ‘Verein für die Verbreitung religiöser Bilder’ à Dusseldorf (Société pour la propagation d'images religieuses, dont une branche vient de prendre racine dans le sol parisien: entreprise qui mérite l'entière sympathie et le conconrs de tous les amis de l'art chrétien). Nous nous sommes occupé aussi du mouvement archéologique en Angleterre et nous avons parlé à nos lecteurs de l'‘architectural Museum’. Prochainement nous nous occuperons des magnifiques publications de la ‘Late Camden Cambridge Society’, qui marche d'un pas résolu vers un bel avenir sous l'inspiration de l'honorable M. Beresford Hope et de MM. Webb et Neale, que nos lecteurs connaissent par le ‘Symbolisme dans les églises du moyen âge’, dont notre ami M. l'abbé Bourassée a donné une traduction adaptée aux besoins des lecteurs français. Nous avons aussi tâché de donner à nos lecteurs une idée des travaux remarquables de M. Aug. Reichensperger, en faveur de la cause archéologique en Allemagne, et nous avons pu leur faire entrevoir la probabilité que notre illustre frère d'armes s'occuperait sous peu du caractère ‘pittoresque’ de notre peuple et de notre pays, ainsi que de l'état de nos idées, relativement à des questions d'art. Il nous a été agréable de rencontrer dans l'‘Organ für christliche Kunst’, qui se publie à Cologne sous la rédaction de M. Baudri, un allié aussi intelligent que dévoué. M. Baudri a même promis à ses lecteurs la traduction du discours de M. Rose sur le vandalisme moderne. Des oeuvres d'art néerlandais achevés dans le courant de l'année 1855, et dignes d'être remarqués, nous avons mentionné avec quelque satisfaction l'église de N.-Dame à Amsterdam, oeuvre gothique, qui tout en étant loin d'être irréprochable, mérite des louanges, parce qu'elle fait le premier pas dans une meilleure voie. En second lieu, nous avons décrit une statue en marbre, qui fait grandement honneur au ciseau de M. Royer, 1r Directeur de notre ‘Académie des Beaux-Arts’. C'est l'opinion des artistes, et nous nous bornons à la rendre textuellement, parce qu'il existe des raisons pour lesquelles il semblerait moins convenable que M. Royer reçut de nos mains une couronne que l'opinion publique lui a décernée.
A. Th. La suite au prochain numéro. |
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