Chants de réveil (onder ps. Charles Donald)
(1832)–Theodoor Weustenraad–
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Chant quatrième.Entendez-vous au loin ce vent lourd et sonore
Houler, en les tordant, par les chênes osseuxGa naar eind(6)
Du grand bois qui blanchit sous le givre que dore
L'oeil rouge de la lune aux ironiques feux?
Entendez-vous, dans la plaine écumante,
Le fleuve, en rut, crevant sous le poids de ses eaux,
Secouer à grand bruit sa crinière ondoyante
Sur le front consterné des livides hameaux,
Et jusqu'aux vieux remparts de la ville tremblante
Souffler la mort, de ses fauves naseaux?
Entendez-vous la hurlante rafale
S'abattre sur nos toits qu'elle emporte en débris,
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Saisir et mordre aux flancs la vaste cathédrale
Dont le vieux clocher sonne et jette les hauts cris,
Et s'engouffrer, d'un bond, dans la rue inégale
Où son pied lourd brise l'homme surpris?
C'est le Ciel tonnant en colère
Contre l'homme riche et puissant
Qui ferme l'aile tutélaire
Et s'envole au fond de son aire,
Au bruit d'un pied nu sur la pierre
Qui le poursuit en haletant,
Et trompant son oeil sanguinaire,
L'écrasera dans la poussière,
S'il brave toujours le grand vent.
C'est le vieux Globe qui chancèle
Sous l'iniquité de nos lois,
Et pleure à voir son sein rebelle
Se transformer par leur tutelle
En une vallée éternelle
De pleurs, de grincemens, d'abois,
Où dans une étreinte cruelle,
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Vers l'abîme qui les appelle,
Roulent les peuples sous les rois.
O qui les refondra ces voix dévastatrices,
Ce lugubre soupir de la Terre et du Ciel,
En suaves accords, en hymnes de délices,
Purs comme la lumière et doux comme le miel?
C'est celui dont le nom flamboie,
En lettres d'or et de saphir,
A travers un voile de soie,
Au firmament de l'Avenir,
Et répand des éclairs de joie
Dans mon coeur près de refleurir,
Même sous le vil joug qui ploie
Ma sombre tête de martyr.
C'est le Nouveau Messie à la voix qui féconde,
C'est le Christ, complété par Moïse et Platon,
Le Fils chéri de Dieu que salua le monde
Du nom de Saint-Simon.
Oui, le bras droit de son Génic,
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Sous la hache de l'Industrie,
Fera descendre du côteau
Ces vastes bois d'où ne s'élance,
Sur les ordres de l'opulence,
Que le palais ou le château,
Et dont le luxe solitaire
Ne prête, hélas! à notre bière
Rien qu'une planche de bouleau.
Oui, sa main qui sème et qui plante
Domptera la croupe géante
Du fleuve aux flots tumultueux,
Et l'empoignant par la crinière
Le jettera loin en arrière
Au lit d'un canal somptueux,
Où s'apaisera son délire
Sous deux cents poupes de navire
Voguant par un soleil joyeux.
Oui, sa Force qui civilise,
Au sein de la Cité promise
Posera d'un bras ferme et fier,
Non loin du Temple pacifique,
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Plus haut que l'Église gothique,
Plus fort que la Mosquée en fer,
Les fondemens d'une demeure
Que l'ouragan qui hurle et pleure
Ne fera point sauter en l'air.
Et du sommet doré des collines fécondes
Que le bois féodal torturait dans leur sol,
Et du sein des vallons où sur le dos des ondes
La Terreur et la Mort entrechoquaient leur vol,
Et du fond des cités par les arts revêtues
D'un éternel manteau de fête et de splendeur,
Et du coin des foyers rayonnans par les nues
D'un feu serein et bienfaiteur,
S'élèvera sans cesse un sublime cantique,
Un concert éclatant de bénédiction,
Plus glorieux, plus fort que le chant homérique
Qui nous est arrivé des débris d'Illion,
Plus suave, plus doux que la voix amoureuse,
Qui de la belle Armide enchantait les jardins,
Et non moins immortel que l'ame harmonieuse,
Qui palpite, Hugo, dans tes hymnes divins!
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