Rembrandt Harmens van Rijn. Deel 2. Sa vie et ses oeuvres
(1868)–Carel Vosmaer– Auteursrechtvrij
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XXXI.
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molenspoort, het Blaauwhoofd, de Weteringspoort, - dont les noms rappellent les beaux dessins, exécutés probablement dans cette période de sa vie. Son travail ne languit pas. Il est vrai qu'il n'était plus si prodigieusement fertile que dans la force de l'âge, mais il n'en discontinuait pas moins ses tableaux et ses portraits, et quelles oeuvres! Le vieux maître se vit entouré encore d'une quantité d'amis et d'admirateurs. De ses anciens disciples, maintenant ses confrères, plusieurs demeuraient à Amsterdam; Bol, marié en 1653, Flinck qui convola en secondes noces en 1656, vivaient dans l'aisance. Rembrandt n'était pas homme à leur envier leurs richesses ou les succès qui les appelaient là où l'on semblait oublier un peu le vieil artiste. Rien n'autorise à penser que ceux là, que Ph. Koninck et d'autres se soient éloignés de lui. Bol paraît encore avoir fait le portrait du vieux RembrandtGa naar voetnoot1. Eeckhout, qui emprunta des motifs à l'eau-forte de Rembrandt pour son triomphe de Mardochée, peint en 1665, et Roghman restèrent ses amis dévoués. Simon de Vlieger, Cappelle, Griffier, plus jeunes, appartenaient aux admirateurs du maître. Enfin, Coppenol, les Lutma, Heyblocq, de Decker (qui mourut en 1666), Francen, se rencontrent toujours autour du vieux maître. Parmi eux nous trouvons encore Jan Pietersz. Zomer, qui était courtier faisant un grand commerce de tableaux et d'estampes et possédant lui même une collection renommée de tableaux et d'estampes, parmi lesquelles se distingua l'oeuvre de Rembrandt. Quoique de beaucoup plus jeune que Rembrandt (il était né en 1641 et avait donc l'âge de Titus), il se nomme son ‘ami spécial’, au dos de la superbe épreuve de la pièce de cent | |
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florins, que Rembrandt échangea pour la Peste de Marc Antoine. On voit que le goût de posséder de belles choses n'était pas éteint chez Rembrandt, puisque ceci a dû se passer dans les dernières années de sa vieGa naar voetnoot1. Rembrandt eut encore deux disciples, Godfiried Kneller et Arnout de Gelder. Kneller, né en 1648 n'aura fréquenté son atelier que vers 1668, car on dit qu'il reçut aussi l'enseignement de Bol, ce qui eut lieu probablement à la mort de Rembrandt en 1669. Aart ou Arnout de Gelder apprit les éléments de l'art chez Hoogstraten à Dordrecht, où il naquit en 1645. Je place son entrée chez Rembrandt vers 1665. Il resta chez lui deux ans et s'attacha entièrement au faire et au sentiment de son maître. Dans son oeuvre, on retrouve les mêmes sujets qui nous sont familiers, le Siméon, l'Ecce Homo, la fiancée juive, Esther, Mardochée, la prédication de Saint-Jean Baptiste, Isaac bénissant Jacob, enfin des portraits pittoresquement costumés. Il vise à la couleur, aux effets pittoresques, à une exécution large et magistrale. Il est bien visible qu'il s'inspira de Rembrandt à la dernière période. Son Ecce Homo, à Dresde, de 1671, reproduit | |
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l'ordonnance de l'eau-forte de Rembrandt de 1656; c'est un de ses meilleurs ouvrages. Il y a de lui encore à Dresde un assez bon portrait d'un guerrier avec sa pertuisane, d'une couleur chaude. Ordinairement les compositions de de Gelder sont trop vides, sa touche et son dessin trop lâchés. Le procédé l'occupe beaucoup. Houbraken a conservé un curieux témoignage de lui. ‘Il avait, dit-il, un tas de toutes espèces d'habillements, d'oripeaux, d'armes, d'étoffes brodées, de voiles déchirés, comme les drapeaux conquis, dont les lambeaux décorent la Grande Salle au Binnenhof à la Haye; des souliers et des mules, et de tout cela les murs de son atelier étaient encombrés. Cela lui servit à orner ses figures et son mannequin. Il peignit non seulement avec son pinceau, mais aussi avec le pouce et les doigts. Quelquefois il pose la pâte avec son couteau à palette, par exemple s'il doit peindre des houppes ou des broderies et y figure le dessin de la broderie ou des houppes avec la hampe de son pinceau; il ne dédaigne aucune manière de faire, si elle lui peut servir et il est étonnant comme cela fait un bon effet à distance.’ Il est bien curieux ce Houbraken, qui admire cela dans de Gelder, lors qu'il en fait un crime chez Rembrandt! Cette description de la manière de faire du disciple nous révèle en même temps celle de Rembrandt, surtout dans ses derniers temps. C'est ainsi que les dernières années du grand maître se passèrent dans le travail, l'étude et la contemplation des belles gravures, dans le commerce de ses amis et de sa famille. Nous avons vu qu'il s'était refait un ménage; une épouse et deux ou trois jeunes enfants charmèrent ses derniers jours. Son fils Titus avança en âge et | |
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suivit la carrière des arts. L'inventaire de 1656 mentionne de lui une élude de trois chiens d'après nature, une étude de lièvre et une figure de Marie. Malheureusement aucune des oeuvres de Titus ne nous apprend s'il avait du talent. En juin 1665, Titus demanda et acquit sa majorité (veniam aetatis). Il avait vingt-quatre ans alors. Dans la requête, par laquelle il demanda l'appui du magistrat, il se nomme bourgeois né d'AmsterdamGa naar voetnoot1, (donc Rembrandt fut bourgeois), et dit que sa minorité l'entrave dans la gestion et la continuation de ses affaires et pourrait lui devenir encore plus nuisible; pourquoi, avec le consentement de son père, qui signa avec lui cette requête, veut-il demander sa majorité. Sur l'avis favorable du magistrat il s'adressa aux États de Hollande ‘afin de pouvoir faire ses propres affaires et gérer ses propres biens.’ La requête au magistrat d'Amsterdam porte en dessous la déclaration d'Abraham Francen et de deux autres, se disant ‘bourgeois, amis et marchands dans cette ville, qui connaissent Titus et déclarent que ses connaissances et sa bonne conduite le rendent parfaitement capable de gérer ses affaires.’ Il paraît de toutes ces expressions que Titus s'occupa du commerce, peut-être du commerce d'objets d'artGa naar voetnoot2. En 1668 Titus, âgé de vingt-six ans, épousa sa cousine Magdalena van Loo, fille d'Albertus van Loo et de Cornelia van Uilenburg. Il alla demeurer sur le Singel, un des trois grands quais qui entourent le côté oriental de la ville, en face du marché aux pommes, dans une maison qui | |
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portait pour emblême la balance d'or. Mais en septembre de cette même année, Rembrandt perdit ce dernier enfant de Saskia. En mars 1669, la veuve de Titus eut une fille, qui au baptême, où Rembrandt fut présent, reçut le nom de Titia. Sa mère ne survécut que peu de mois à sa naissance, car elle aussi mourut le 21 octobre 1669. Mais Rembrandt ne vivait plus alors. Aux premiers jours d'octobre, l'homme, qui dans ses derniers portraits a l'air encore si robuste, s'éteignit, âgé seulement de soixante deux ans, laissant, ainsi que porte la notice mortuaire, deux enfants. Quels étaient ces enfants? Cornelia, l'enfant de Hendrickie Stoffels, y comptait-elle? Ou étaient-ce des enfants de Catharina van Wijck? Voilà ce qui reste encore incertain. Le livre mortuaire de la Westerkerk porte ce simple récit de son enterrement: ‘Mardi, 8 octobre 1669, Rembrant van Rijn, peintre, sur le Roozegraft, vis-à-vis le Doolhof. Laisse deux enfants.’Ga naar voetnoot1 C'est ainsi que s'éteignit le plus grand artiste que la Hollande ait possédé et qui prend également rang parmi les plus illustres dans toute l'histoire de la peinture. Lorsque van Mander mourut à Amsterdam en 1607, on posa une couronne de lauriers sur la tête du défunt. Mais la fin de Rembrandt van Rijn fut simple comme sa vie; - comme celle de Vondel et de Spinoza. |
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