Rembrandt Harmens van Rijn. Deel 2. Sa vie et ses oeuvres
(1868)–Carel Vosmaer– Auteursrechtvrij
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Ils observèrent les ressources infinies de sa palette et de sa brosse; ses combinaisons savantes de couleurs et de ton, son coup d'oeil profond dans la vie même des objets. De plus en plus le maître avait laissé de côté certaines recherches pour s'élever surtout à des vues plus générales et une exécution plus profonde. C'est dans ce temps que Maes reçut l'impression forte et première dans l'atelier de son maître. La jeune fille dans l'embrasure d'une fenêtre, au musée d'Amsterdam, paraît de cette époque. Maes peignuit presque exclusivement le genre et le portrait. Pour le premier, ce sont des scènes prises dans le salon, dans le boudoir ou le vestibule, parfois même à la cave et à la cuisine. Il excelle non seulement par un coup d'oeil sûr et plein d'esprit, mais aussi par son coloris chaud, l'harmonie de ses couleurs, qui sont souvent dans la gamme rouge, par sa lumière éblouissante et en même temps moelleuse. La femme qui achète du lait (collection van Loon); la fileuse de van der Hoop; la vieille qui prie, à Felix Meritis, la Diane de la collection Goldsmid sont ses chefs-d'oeuvre. Dans ses portraits il n'est pas égal; il a lâché un peu sa manière à un âge plus avancé; mais quand il veut faire bien, il est presque aussi fort que Rem brandt. Son portrait de Jacob de Wit est digne du maître. Par les qualités qu'il déploya dans la peinture de genre, il touche à deux autres grands peintres, qui, s'ils n'ont pas étudié dans l'atelier de Rembrandt, appartiennent aux esprits de même trempe. Je veux parler de Pieter de Hooch et de Jan van der Meer. Ils s'occupent des mêmes sujets de genre. De Hooch affectionne la gamme rouge et même les tons franchement rouges, que nous remarquons chez Maes et chez Rembrandt et à cette époque. Je crois que de Hooch est l'ainé de Macs. Dans certaines oeuvres ils sont si près l'un de l'autre qu'on | |
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pourrait supposer que peut-être Maes a collaboré avec de HoochGa naar voetnoot1. Jan van der MeerGa naar voetnoot2 a été élève de Carel Fabritius peu avant 1654. Je ne pense pas qu'il ait eu l'enseignement de Rembrandt, mais il a été certainement grand admirateur de ce maître. Quelle originalité puissante encore dans cet artiste! Mais je dépasserais mes limites si je me laissais entrainer à son égard. Nous avons un autre élève direct qui a droit à sa place en ce lieu. C. RenesseGa naar voetnoot3 est un artiste à peu près inconnu. Les dates de ses oeuvres se trouvent entre 1649 et 69. Je connais de lui deux dessins très remarquables. L'un, au musée Teyler, à la plume et au lavis de brun et de rouge, d'un bel effet. C'est St. Jérôme dans une grotte. Le saint est assis presque nu près d'une table couverte de livres, d'un crucifix, d'une tête de mort et d'un rouleau ouvert, sur lequel repose sa main | |
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gauche. Il laisse pendre la droite tenant une plume et médite sur ce qu'il va écrire. A côté de lui un lion debout, à la manière de ceux de Rembrandt. La lumière frappe le mur et le saint assis auprès. La facture et le sentiment sont de l'élève de Rembrandt. Cette pièce est signée: C. Renesse Mais voici un autre morceau bien plus curieux et qui porte une révélation inattendue. C'est un dessin, également à la plume et fortement lavé de brun et de rouge. Il représente Daniel agenouillé dans la fosse au milieu de sept lions, dessinés dans le genre de Rembrandt; la lumière frappe le visage de Daniel. Cette pièce porte aussi la signature: C. Renesse inventor Mais en tournant cette feuille, lorsque je la vis lors de la vente de la collection de M. Leembruggen en 1866, j'y trouvai l'inscription suivante: C. Renesse De eerste tijckening getoont bij Rem Bramt (sic) in jaer 1649 den 1 October het waert voor de tweede mael dat ick bij Rembrant (sic) geweest bin. C'est à dire: Le premier dessin montré à Rem Bramt (sic) l'année 1649 le 1er octobre c'était la seconde fois que je fus chez Rembrant. Cette inscription de la main de Renesse démontre qu'il a été chez Rembrandt en 1649, soit comme élève, soit qu'il ne l'ait fréquenté que pour lui montrer ses dessins. Il a fait aussi des eaux fortes dans le goût de RembrandtGa naar voetnoot1. | |
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Heiman Dullaert, né en 1636 à Rotterdam, aurait été chez Rembrandt avec S. van Hoochstraten, selon la préface ajoutée à ses poésies. Cependant il doit y avoir erreur, car ce dernier y étant venu en 1640, Dullaert n'avait que quatre ans alors. Dullaert était lié d'amitié avec François, frère de Samuel van Hoogstraten, qui était libraire et éditeur à Rotterdam, et il aura connu Samuel, mais pas dans l'atelier de Rembrandt. Il était d'une santé faible, mais d'un esprit vif, bon musicien, doué d'une belle voix, poète de talent. Il a laissé plusieurs poésies, où une expression mâle se joint à beaucoup d'esprit. Comme Decker, il était de l'école de Vondel. Lorsque Samuel van Hoogstraten partit pour Londres, Dullaert lui consacra quelques jolis vers. La Théorie de l'art de la Serre fut traduite par lui. Mais, chose curieuse, nous ne rencontrons chez ce poète, élève de Rembrandt, aucune mention de ce peintre! Peut-être ses sonnets sur la résurrection de Lazare et sur la femme adultère regardent-ils les tableaux de Rembrandt, mais il ne le dit pas. Nous lisons dans la préface de ses oeuvresGa naar voetnoot1, qu'il sut copier son maître à tel point, qu'un tableau de lui d'après Rembrandt fut vendu comme étant du maître. Il cultiva le portrait, les figures de genre, les intérieursGa naar voetnoot2 Il fixa sa demeure à | |
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Rotterdam et selon Campo Weyerman il conserva par écrit ses relations amicales avec van Rijn et Ph. Koninck, qui fit son portrait. Vers cette époque un artiste allemand, Michiel Willemans, né en 1630, vint demeurer en Hollande. On le vit ordinairement dans la société de Rembrandt et de Backer, dont il suivit les principes dans ses portraits et sujets historiques. La renommée de van Rijn attira plusieurs artistes allemands. Nous avons déjà rencontré chez lui Paudiss. Johann Ulrich Mayr, d'Augsburg, y alla également chercher l'enseignement; comme il naquit en 1630, on peut admettre que ce fut encore vers 1650. Sandrart le nomme un jeune homme plein d'enthousiasme et qui, dans la peinture d'histoire et surtout dans le portrait, s'est distingué par la vérité et l'harmonie de son coloris. Enfin Franz Wulfhagen, de Brème, est cité comme un bon disciple de van RijnGa naar voetnoot1. Parmi les élèves de Rembrandt, on nomme encore Gerard, fils de Hendrik Ulenburgh. Il a peint le paysage, et Houbraken raconte qu'il a décoré une grande salle dans une maison à Amsterdam. Une toile de sa main, représentant Adonis blessé par le sanglier, est célébrée par un poète de ce temps, qui fit encore des vers à ses noces en 1666Ga naar voetnoot2. Gérard s'occupa aussi du commerce d'objets d'arts. Sa salle | |
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‘spacieuse’, célébrée par Vondel et par Antonides van der Goes, contenait une collection remarquable d'oeuvres italiennes; c'est chez lui que les amateurs allaient chercher alors les tableaux italiens dont le goût se répandait de plus en plus. L'authenticité de oes peintures fut contestée, mais les deux poètes que je viens de nommer le défendirent à cet égard. En 1675 cependant, son commerce finit par une déconfiture et ses meubles furent vendus par la Chambre des insolvables. Dans le curieux inventaire de ses tableaux on trouve des Hollandais, des Flamands, des Italiens. De Rembrandt, il s'y trouve une Juive, une Petite Danaé et un portrait de femme commencé. On y retrouve aussi plusieurs tableaux, entre autres de Brouwer, Parcelles, Hercules Seghers etc., qui paraissent provenir de la vente de Rembrandt qui eut lieu en 1656. On peut supposer que le commerce de Hendrik et Gerard ait fourni à Rembrandt une partie de ses collectionsGa naar voetnoot1. |
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