Rembrandt Harmens van Rijn. Deel 2. Sa vie et ses oeuvres
(1868)–Carel Vosmaer– Auteursrechtvrij
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genre. Jan Asselijn, connu sous le sobriquet de Crabbetje, fut de retour d'Italle en 1646, et il avait trente-six ans alors. Il s'était attaché à Rome à Claude et Pieter de Laer. L'influence de l'Italle se montre dans ses sujets, et quoiqu'il conserve un coloris clair et une touche earessée, il a été apprécié par Rembrandt, qui le représenta avec son chapeau pointu et son air un peu étranger, près de son chevalet portant une toile où l'on voit une de ces belles ruines romaines qu'Asselijn affectionnait et qu'il aimait à placer dans ses paysagesGa naar voetnoot1. C'est dans la sérle de portraits de 1647 à 1650 qu'il faut ranger celui de Johannes Antonides van der Linden. Né en 1609, il étudia à Franeker en 1629. Pratiquant la médecine à Amsterdam, où en 1637 il était inspecteur du collège de médecine, il fut nommé professeur à Franeker en 1639, et en 1651 à Leiden. Rembrandt peut l'avoir connu dans toutes ces villes, mais je suppose qu'il fit son portrait lors de son professorat à Franeker. Il a représenté le savant docteur, un livre à la main, dans un jardin, au fond duquel se voit une porte. Or c'est lui qui agrandit le jardin botanique de l'académle de Franeker et l'on connaît l'habitude de Rembrandt de représenter ses personnages au milieu des affaires qui les caractérisent. Le portrait de van der Linden est très beau et plein d'expression.
Le Louvre nous présente deux peintures de 1648, le bon Samaritain et les pélerins d'Emmaüs. On trouvera dans mon catalogue diverses compositions du Samaritain; l'inventaire de Rembrandt en contenait une qu'il n'avait fait que retoucher. | |
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Le tableau du Louvre diffère entièrement de l'eau-forte de 1633. A droite, tout à fait au premier plan on voit le perron de l'hôtellerie, où apparaissent à moitié les figures du Samaritain et de l'hôtesse. Toute la partle droite est occupée par les bâtiments; dans une fenêtre trois figures regardant; au bas deux chevaux vus sur la croupe. Dans la perspective se montrent deux figures portant le blessé; plus loin son cheval, tenu par un garçon qui se dresse sur la pointe des pieds pour regarder. Le paysage du fond se compose d'une ville et de montagnes. Ce tableau, réprésentant un effet de soir, est dans une gamme de brun sombre et de rouge, qu'on remarque souvent chez Maes. Quoiqu'il contienne des parties remarquables, l'ensemble, dans la composition comme dans la couleur, n'est pas aussi heureux qu'ordinairement. Le perron avec les deux grandes figures n'est pas d'un effet agréable. Rembrandt a fait un très beau dessin (musée Boymans), qui rappelle cette composition, dont elle me semble la première idée. On y voit le cheval sur la croupe; le flanc, ainsi que le blessé, porté par quelques hommes, est vivement éclairé; à droite l'auberge avec des figures à la porte et à la fenêtre; à gauche les ombres nocturnes, où sont visibles quelques figures, des arbres etc. C'est un dessin superbe, hardiment fait à grands coups de pinceau à l'encre brune et à gros traits de plume. Les pèlerins d'Emmaüs, tel est fcncore un sujet diversement traité par Rembrandt. En 1634 il grava la petite pièce où la scène est rendue avec beaucoup de sentiment. Dans une première pensée esquissée à l'encre brune il exprima l'idée pleine de mystère et de poésie, de la disparition de Jésus, ne laissant après lui qu'une lueur. Dans le tableau du Louvre, Jésus rompant le pain est vu de face, un des disciples à droite; l'autre, vu de dos, | |
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le reconnaît et joint les mains; un domestique apporte un plat. Au fond, qui ge compose d'une niche et d'un mur en grandes pierres de taille, est un porte-manteau où pend un vêtement. Dans cette peinture on remarque encore la couleur rouge prédominante, surtout dans l'architecture. Dans Jésus, le rouge est accompagné de gris; l'homme à droite est brun. Mais les bruns et les rouges n'ont rien de fort ni de vif; au contraire tout est vaporeux, doux, enveloppé dans une chaude lueur, qui répand sur la scène un grand charme. La touche est ample et grasse.
En 1648 la paix de Westphalie mit fin à la lutte mémorable que les Provinces Unies avaient soutenue contre l'Espagne. Cet evenement fut célébré à Amsterdam par des fêtes splendides, des feux d'artifices, des tableaux allégoriques et des vers, arrangés par Coster, Brandt et Jan Vos. Vondel écrivit à cette occasion son drame pastoral nommé les Leeuwendalers; Flinck peignit une grande toile commémorative, la compagnie de Huydecoper; Terburg le congrès de Munster; van der Helst son fameux banquet de la compagnie de Witsen; Lutma grava ses médailles. C'est ainsi qu'artistes et poètes furent sollicités à fêter ‘l'année de paix.’ Nul ne paraît avoir pensó alors au génie de Rembrandt. Cependant celui-ci s'occupait dans cette même année d'un tableau allégorique qui semble avoir pour sujet ce même événement. Ce tableau, désigné sous le nom de la Concorde du pays (de Eendracht van 't land), est resté chez le peintre jusqu'en 1656, lorsqu'il fut compris dans l'inventaire de ses effets. Le musée Boymans a eu la chance d'acquérir cette peinture doublement remarquable pour nous. En voici le sujet: Tout le premier plan et jusqu'à une partle du second | |
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plan représente une enceinte, formée au second plan à droite par des murs et des fortifications où l'on voit le feu des pièces de canon. Hors de cette enceinte, au fond un peu à gauche se voit une foule de soldats combattant. De notre côté, celui des Provinces Unies, le coin gauche du tableau est occupé par la figure de la Justice, toute la partle droite par une masse de cavalerie, le milieu, qui est en lumière, par un lion couché. Ces trois groupes posés, en voici les détails. D'abord à gauche, contre le cadre une haute colonne, sur le piédestal duquel sont posés les privileges à sceaux pendants. Au pied de la colonne sont deux siéges, et des coffres forts. Derrière un de ces siéges, sur lequel est une couronne, se tient la Justice, appuyant sur son glaive les mains jointes avec un geste de supplication. Le groupe du milieu se compose du lion couché, relevant la tête en rugissant, la patte sur le faisceau de flèches des Provinces Unies, dont les armes se voient contre le rebord de l'enceinte, alternant avec des mains jointes telles que les Gueux les avaient eues pour emblême. Le lion est attaché à deux chatnes, l'une qui va jusqu'aux trônes, l'autre qui le lle à une espèce d'élévation portant un écusson aux armes d'Amsterdam, entouré des mots Soli Deo gloria, et d'où s'élève un arbre dépouillé de feuilles. Le groupe de droite se compose d'une série de cavaliers, commençant au premier plan avec un cavalier qui descend de son cheval qu'on voit sur la croupeGa naar voetnoot1 et qui est tenu par un gargon; puis un cavalier tout bardé de fer tenant une grande lance, puis un autre qui monte à cheval, plus loin deux autres, dont l'un tire un pistolet, et le second arme le sien. Le groupe de chevaliers avec piques et étendards se masse alors et tourne derrière l'élévation avec | |
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l'arbre, où l'on voit s'élancer un cavalier au galop. Voilà cette composition qui exigeait quelque explication. La couleur se compose de trois notes, le ciel bleu et gris foncé, le groupe du milieu qui est en lumière, de couleur brun-jaune et clair, le reste couleur brun-rouge (Sienne brulée). Ces cavaliers sont d'une grande et fière tournure, d'une justesse de mouvement et de geste remarquable. L'homme qui descend de cheval, les têtes de chevaux à droite, dont l'un mange son mors, et l'autre baisse la tête en hennissant, le mouvement de l'homme qui arme son pistolet, tout cela est rendu avec une perfection admirable. L'exécution est magistrale, en pleine pâte. Les cavaliers sont massés par grands coups de brosse de couleur brun-rouge, la hampe du pinceau sculptant les formes comme l'ébauchoir, tandis que des touches d'un brun plus foncé les achèvent. Dans quelques uns, par exemple le beau chevalier avec sa lance, le pinceau imbibé de jaune dessine et rehausse, d'un trait fin, ferme et clair, l'armure qui le recouvre de pied en cap. Rembrandt a assurément rêvé une grande toile lorsqu'il esquissa cette superbe grisaille, qui en certaines parties semble un tableau fini. Mais il a du garder sa peinture dans sa salle ou chambre de derrière, jusqu'à sa déconfiture. Il s'est occupé d'une autre allégorle en cette même année: l'eau-forte nommée le tombeau allégorique, mais qui devrait reprendre son nom hollandais: le Phénix. En effet, dans cette pièce Rembrandt me semble avoir voulu symboliser le relèvement des Provinces Unies et la défaite de l'oppresseur, qui tombe à la renverse prés de l'autel où s'élève un Phénix. L'année est fertile encore en très belles eaux-fortes. Nous avons déjà remarqué le mariage de Jason. Les metidiants est une des très belles pièces, qui attestent toute | |
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la finesse et toute la sûreté de sa pointe. Quelques études de gueux, qui se distinguent par une touche fort grasse et des tailles chargées de barbes, appartiennent au style de cette époque. Le portrait de Rembrandt dessinant près de la fenêtre nous a déjà occupé. Comme gravure cependant il mérite encore notre attention. La pointe y procédé à la manière du portrait de Six. Ainsi que ce portrait et le Rembrandt dessinant le modèle de femme, qui me paraît encore appartenir à cette année, cette oeuvre représente une manière spéciale dont la pièce de cent florins est le chefd'oeuvre. Cette manière consiste en un réseau fort dense de tailles, croisées étroitement et exécutées en grande partie à la pointe sèche. Ebarbées, ces tailles forment des ombres fines assourdies; chargées de barbes elles produisent les beaux tons veloutés. Le Rembrandt près de la fenétre est d'une couleur, d'une finesse superbes, la tête d'un modelé exemplaire. Le graveur y a poursuivi son effet voulu jusque dans neuf états différents, tirant des épreuves à mesure qu'il travaillait sa planche. Le peintre dessinant le modéle de femme est resté inachevé, mais il est intéressant sous un doublé aspect. D'abord il présente l'atelier du maître; à droite la cheminée que nous revoyons dans l'eau-forte avec les deux académies d'hommes et la femme avec l'enfant; au fond son chevalet avec une toile; à gauche, suspendus au mur, quelques costumes, un bouclier, un sabre et la toque à plume bien connue. Devant le maître pose un modèle de femme nue. Cette gravure nous révèle d'une façon évidente la manière de procéder du peintre graveur. D'abord il a esquissé sur le cuivre à traits libres les contours, mais seulement à peu-près et comme indication. Peut-être il en avait d'abord esquissé un dessin, mais il ne l'a pas calqué. Nous avons déjà vu | |
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qu'il n'avait pas coutume d'arrêter préalablement son dessin sur le cuivre. De cette manière on comprend comment le gravenr resta aussi libre d'obéir à toute l'inspiration du moment. C'est pour cela que ces pièces conservent tant de fraîcheur et leur caractère prime-sautier. Alors il a attaqué la planche en commençant par les fonds et conservant ses figures et ses objets clairs. C'est ainsi qu'il en a tiré des épreuves. Tous les objets du premier plan, y compris le peintre et la femme, sont laissés en blanc. Il n'a pas poussé plus loin cette planche; s'il l'avait fait, il aurait poursuivi en modelant ses figures contre le fond noir. Cette planche encore contient beaucoup de travaux à la pointe sèche. La même espèce de gravure distingue le docteur Fanstus, superbe pièce de cette même période. Je ne connais aucune représentation de Faust dans son cabinet d'étude, qui rende ainsi le caractère magique et surnaturel de ce sujet. Le docteur thaumaturge, ayant fait quelques incantations, une vision se présente à lui, entourée de lettres cabalistiques dans un foyer de lumière. Il s'est levé de son fauteuil, s'appuyant sur les deux mains et contemple l'apparition, qui projète ses rayons lumineux jusque sur son visage. Tous les clairs sont ménages par grandes parties, les noirs sont du plus beau velouté. L'eftet est neuf, surprenant, mystérieux; l'expression de l'homme supérieurement saisie.
Un grand tableau est rangé dans l'année 1649 par M. Blanc, mais Smith le dit peint vers 1650; c'est le portrait équestre de Turenne, de grandeur naturelle; tableau unique dans l'oeuvre du maître. Voici ce que M. Blanc et Smith nous apprennent sur cette toile remarquable qui se trouve au château de Panshanger de lord Cowper. Le personnage paraît avoir un peu moins de 40 ans. | |
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Il a les joues pleines, le nez gros, des moustaches, de longs cheveux chatains, le teint coloré, la mine sévère, l'oeil assez dur. Il porte un chapeau élégamment orné d'une plume légère qui suit la ligne horizontale. Son costume se compose d'une fraise tombante, à grands plis et d'un juste au-corps de buffle, qui laisse voir des manches de sole brodées d'or et sur lequel passé une écharpe, formant sur la hanche gauche un bouffant. De sa botte éperonnée il presse le flanc d'un cheval gris de fer, à crins pendants, qui se cabre. Le fond, devenu tres sombre, paraît être une rue de ville hollandaise. Dans le fond on distingue encore trois gentilhommes dans un carosse, avec trois laquais derrière et dont on voit les têtes par dessus l'impériale; au côté opposé, une dame à pied. Tout cela a l'air d'une description d'un tableau de Velasquez. M. Blanc ayant comparé la tête du cavalier avec le portrait de Turenne par Nanteuil, lui a trouvé de la ressemblance. Turenne demeura un mois en Hollande en 1649 et il se peut que Rembrandt ait fait alors son portrait. Au soleil du midi, dit M. Blanc, la peinture doit être superbe, à l'heure où il la voyait alors (dans l'après-midi) elle était imposante. La grande toile au musée de Darmstadt, représentant une femme au jupon rouge qui peigne son enfant, accroupi devant elle et mangeant une pomme, est de cette mème année 1649Ga naar voetnoot1. L'année suivante, le peintre acheva une autre grande toile, Samuel instruit par sa mère, et un petit panneau, Anne la prophélesse, écoutant la prière d'un enfant; dans le fond de ce tableau se trouve une présentation au temple. Précieux tableau, dit Smith, qui se distingue par la simplicité de | |
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la composition, l'onction des personnages et la richesse des couleurs qui ressemblent à des rubis, des perles et des éméraudes. Je regrette de ne pouvoir que citer ces oeuvres, ainsi que le tableau représentant une femme de grandeur naturelle se levant de son lit, dont elle écarte les rideaux. (A l'Ermitage). La National Gallery, à Londres, acquit en 1866 une grande toile, Jésus bénissant les enfants. Les raisons de M. BurgerGa naar voetnoot1 qui le range vers 1650, me paraissent fort acceptables. Le style et le sentiment surtout semblent lui assigner une date qui ne peut s'étendre au-delà de 1650 à 55. Rembrandt n'a pas fait beaucoup de compositions à figures entières de grandeur naturelle, - le Manoé de 1641, la Sortie en 1642, le Jésus bénissant les enfants, vers 1650, la femme au lit de 1650, le Turenne encore vers 1650, Vénus apparaissant à Énée, et la Bethsabée de M. Lacaze, 1654. La composition du Jésus bénissant les enfants n'est pas seulement d'un bel effet, mais encore remplle de finesse et d'observation. La tête de Jésus, pleine de mélancolie et d'amour, s'enlève en clair et de profil contre les figures qui l'entourent. Il est assis au premier plan sur un banc de gazon au pied d'un grand arbre, et d'un mouvement paternel pose la main droite sur la tête d'une petite fille, que de la gauche il ramène vers lui. Celle-ci, intimidée, met le doigt dans sa bouche et se tourne vers sa mère, qui d'un geste bien senti la dirige de la main du côté de Jésus. Les figures qui forment le fond du tableau sont toutes expressives, l'une qui léve un enfant, l'autre qui se retourne un peu comme légèrement incommodée par eet empressement, la tête curieuse et narquoise de quelque pharisien sceptique etc. Un jour d'un effet | |
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piquant illumine Jésus, après avoir effleuré de côté les têtes des deux femmes. Un clair-obscur riche de tons règne dans toute la pièce. Si dans le costume de Jésus le peintre a conservé celui qu'il lui prêta ordinairement, il a plus qu'à l'ordinaire habillé les autres personnages dans le costume de son temps, comme pour mieux rendre le caractère populaire et familier de cette scèneGa naar voetnoot1. C'est vers cette époque que le paysage prit une place de plus en plus considérable dans l'oeuvre de Rembrandt. Les grands paysages de Cassel, de Dresde et de M. Bürger paraissent se ranger entre 1643 et 1650. Dans les dessins nous rencontrons une vue sur le boulevard hors la porte Saint Antoine; dans les eaux-fortes, la tour carrée en ruine, entourée de cabanes. C'est un croquis pittoresque d'un très bel effet, aux ombres veloutées. Il représente le village de Ransdorp dans la Hollande septentrionale, au moins il y ressemble beaucoupGa naar voetnoot2. Il en existe deux études dessinées. D'autres jolies eaux-fortes sont, le canal aux cygues, le paysage au bateau et le paysage aux trois chaumières. Ce dernier est largement traité. L'encre s'accrochant aux barbes des tailles, a produit ces belles ombres veloutées qui font l'effet de la gravure en maniere noire. Comme gravure et comme effet de couleur obtenu par la pointe, la coquille, datée encore 1650, est de toute beauté, surtout dans la rarissime épreuve au fond blane. | |
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Je ne. sais si le portrait ‘d'une beauté supérieure’, que Rembrandt a peint en 1651, représente véritablement le célèbre amiral Tromp, ainsi que Smith l'affirme. Les eaux-fortes de cette année nous présentent deux fois le vieux Tobie aveugle cherchant la porte en tâtonnant, expression et mouvement saisis au vif, et une jolle fuile en Egypte, effet de nuit, dont il a essayé plusieurs manières d'impression, obscurcissant la planche chaque fois davantage, mais à la fin la chargeant trop de noir. Puis un superbe portrait, celui de Clement de Jonghe, artiste et éditeur d'estampes, dont le nom est associé aux plus belles productions du burin hollandais et qui avait son commerce de planches et de cartes dans la CalverstraatGa naar voetnoot1. Ce beau portrait, si plein de vie, si largement compris, a beaucoup occupé Rembrandt, qui en a fait plu sieurs états différents. La campagne de Uyttenboogaert, grand paysage daté 1651, nous atteste que les relations amicales subsistaient encore entre le peintre et le receveur. Ce joli paysage panoramique représente un grand espace avec une ville et la mer à l'horizon; au milieu un village dans une touffe de bois et la maison de campagne, et des terrains où sont occupés des moissonneurs. Cette plaine, c'est la bruyère dans le Gooiland, cette contrée de la Hollande qui longe la Zuiderzee, à deux lieues de Muiden et à quatre lieues environ d'Amsterdam; et cette ville au lointain, c'est Naarden. C'est là que le receveur avait sa campagne et qu'il avait défriché le terrain aride et planté des bois. Huygens nous apprend ces particularités dans une petite pièce de poésle qu'il fit en l'honneur des efforts de Uytten- | |
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boogaert pour y convertir le terrain aride en bois et en champs fertilesGa naar voetnoot1. On peut supposer que Rembrandt, qui dessina une quantité de vues aux environs de cette contrée, ait fréquenté la campagne du receveur. Celui-ci se maria en juin 1642. ‘J'ai changé mon projet d'aller à l'armée, écrit le poète Barlaeus à son ami Wickevoort à la Haye. ‘Trois jours après la Pentecôte je dois assister aux noces du receveur Uyttenboogaert et je ne dois pas manquer une fête si solennelle. Il y aura des matrones distinguées d'air et de costume, dont je préfère l'aspect aux visages des soldats; il y aura des veuves pacifiques dont j'aime mieux le caquet spirituel que les éclats des trompettes; il s'y trouvera des jeunes filles, dont les rires joyeux me plairont mieux que le hennissement des cheveaux’Ga naar voetnoot2. La muse latine de Barlaeus célébra ces noces par une élégie, qui nous apprend le nom de la fiancée, Lucretia van Hoorn. Ces vers curieux sont un jeu continuel sur l'emploi du receveurGa naar voetnoot3. Johannes Uyttenboogaert, le rece- | |
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veur, était comme on le voit sympathique aux littérateurs et aux artistes. Lievens aussi fit un superbe portrait de lui à la pierre noire, signé I L 1650Ga naar voetnoot1. Il nous importe donc de connaître un peú mieux cette personnalité liée au nom de Rembrandt. |
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