Rembrandt Harmens van Rijn. Deel 2. Sa vie et ses oeuvres
(1868)–Carel Vosmaer– Auteursrechtvrij
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VIII.
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être venu dans son atelier. Ses premières oeuvres reflètent fortement le type rembranesque des premiers temps. Bol était sur un pied d'amitié avec Rembrandt; il fit son portrait et celui de Saske. Le beau portrait qui se trouve au musée de Bruxelles, la représente dans la toilette que nous lui connaissons; robe rouge, chemisette plissée, voile noir à franges d'or; les cheveux, le cou, les bras ornés déchaînes et de perles. Comme son maître, Bol mania la pointe du graveur avec un talent très remarquable. Dans son oeuvre on distingue une femme se montrant à l'ouverture d'une fenêtre; elle s'appuie du bras gauche sur l'embrasure et avance la droite qui tient une poire. Cette superbe eau-forte est datée 1651. L'idée est de Rembrandt, qui l'exécuta à diverses reprises et elle se retrouve chez plusieurs de ses élèves, Dou, Ph. Koninck, Victor, Maes etc. La plus belle pièce de l'oeuvre gravé de Bol, est une sainte famille, dans le goût de Rembrandt et qui ne le cède pas en beauté aux morceaux de ce maître. Jacob Backer et Govaert Flinck, après leur apprentis sage chez Lambert Jacobs à Leeuwarden, sont entrés ensemble à l'atelier de Rembrandt; apparemment vers 1632 à 34, car le premier est né en 1609 et Flinck en 1615. Sandrart, qui était à Amsterdam vers 1637, assure que Flinck demeurait alors chez Hendrik Ulenburgh. Des relations amicales ont existé entre lui et son maître; en 1637 Flinck fit son portrait et Rembrandt à son tour fit ceux de Flinck et de sa femme. Flinck, plus jeune que Backer, sera resté plus longtemps chez son maître. Son tableau, la bénédiction d' Isaac, est daté 1638 et on en a conclu qu'il le fit dans l'atelier de van Rijn en concours avec d'autres disciples, car Bol a fait un tableau identique. Cependant Lievens (mus. de Berlin) et Eeckhout | |
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aussi ont fait ce même tableau; ce qui me porte à croire qu'ils n'ont pas été exécutés en concours, puisque Lievens, Bol, Eeckhout et Flinck n'ont pas été à la même époque chez van Rijn. Même Aart de Gelder, qui est venu beaucoup plus tard, a peint le même sujetGa naar voetnoot1. Rembrandt donnait donc successivement à ses disciples le même sujet à peindre. Le fait se répète pour d'autres compositions: la fille à la fenêtre est peinte par Bol, Ph. Koninck, Victor et Maes; les Tobie presque par tous les élèves de Rembrandt; le philosophe étudiant est peint identiquement par Bol (Musée de Berlin) et Ph. Koninck (Musée de Brunswick); enfin Mathieu appelé par Jésus dans la maison du publicain, est peint par le P.M. (attribué à Moyaert au mus. de Brunswick), par Ph. Koninck (chez M. Ruhl à Cologne) et par Salomon Koninck (Musée de Berlin). Flinck n'était plus chez Rembrandt en 1638, puisqu'il avait alors 23 ans et qu'il a signé cette oeuvre. Ordinairement les élèves ne signaient pas leurs tableaux. Dans l'acte constitutif de la gilde des peintres à la Haye (1656), un article portaitGa naar voetnoot2: Tout disciple, assez fort pour mettre son nom sous son oeuvre, sera tenu de payer contribution comme maître. On n'était donc plus considéré comme disciple dès qu'on signait sa peinture. Cette oeuvre de Flinck, bien qu'elle ne soit donc pas peinte dans l'atelier de Rembrandt, est cependant entièrement dans son goût, ainsi que toutes celles de sa première période. Plus tard il a changé son style, lors- | |
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que le goût italien reprit le dessus et que les amateurs (!) se récriant contre Rembrandt prônaient la peinture ‘noble’. Il en est de même avec Backer. Dans le commencement il est près de Rembrandt, comme dans son propre portrait (à Brunswick), et encore dans ses régents au musée van der Hoop. Plus tard, en faisant de grandes toiles civiques ou des figures mythologiques de grandeur naturelle, il chercha la tournure de la ‘grande peinture.’ Ainsi dans ses deux tableaux avec des nymphes surprises pendant le sommeil ou au bain, sujets qu'il aima beaucoup, (à Brunswick). Dans l'une de ces toiles, le berger qui épie ces dames offre le portrait du peintre. Dans les grandes toiles, Bol a surpassé, à mon avis, et Flinck et Backer. Il a beaucoup plus de profondeur, plus de franchise et plus d'âme dans ses oeuvres. Rien qu'à comparer leurs physionomies, on voit la différence entre Flinck et Bol. Flinck, un homme qui a plus de distinction extérieure, Bol avec sa figure simple et plus grossière, mais qui aussi a plus de naturel, plus de naïveté, plus de franchise. Dans sa superbe toile du Leprozenhuis à Amsterdam (de 1649), Bol a laissé une oeuvre plus digne de son maître qu'aucune de celles des élèves de la première période. Les années 1635-40 amenaient de nouveaux disciples à Rembrandt, dont nous parlerons après avoir considéré quelques oeuvres du peintre. Chaque groupe d'élèves correspond à une nuance dans l'oeuvre du maître. Dou, Lievens, Bol, Backer, Flinck, ces quatre derniers avant d'avoir modifié leur style, ont un caractère qui appartient aux premiers temps du maître, caractère souvent plus sensible que visible, mais qui se révèle pourtant souvent dans le choix des costumes et des types, dans le dessin | |
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et la composition, dans la préférence même accordée à certaines couleurs. Parmi les disciples, on cite encore Jan de Wet ou de Weth. Autour de ce dernier tout est encore mystère. D'abord il y a quatre de Wet. Il y a Jacob de Wet, senior, reçu maître peintre en 1637 à Alkmaar; en 1644 et 45 vinder (un des régents) de la gilde à Haarlem, y vivant encore en 1670; Jacob de Wet, junior, né à Haarlem, son fils probablement, mort à Amsterdam en 1697; Gerrit ou Gerard de Wet, vivant en 1643 à Haarlem; Enfin Jan de Wet. Hoet et Terwesten mentionnent 31 tableaux, sous les noms de de Wett, Jacob de Weth, de Wet le vieux, J. de Wedt. Le seul qui nous intéresse ici est le disciple de Rembrandt. Je pense que ce n'est ni un des Jacob, ni Gerard. Je ne connais qu'un seul tableau signé J. de Wet, que j'ai vu au musée de BrunswickGa naar voetnoot1: Jésus disputant avec les docteurs dans le temple, tandis que sa mère s'approche pour le chercher. Ce tableau est tellement rembranesque sous le rapport de la composition, des costumes, des types, de la couleur, que dans son auteur nous tenons assurément le disciple de van Rijn. Mais est-il de Jan? Voilà ce que je pense, puisque dans la vente du Dr. Tak, à Soeterwoude en 1781, se trouvait un tableau qui pourrait bien être le même que celui de BrunswickGa naar voetnoot2. Il y est attribué à jan de Wet et décrit comme ‘d'un grand effet, les caractères exprimés avec un naturel remarquable, très achevé, tout à fait dans le genre de Rembrandt.’ | |
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M. Kramm fait mention de deux grands dessins lavés et à la pierre noire: le miracle des pains el des poissons, signés Jan de Wet 1635. Voilà ce que nous savons de Jan. Parmi les tableaux cités par Hoet il y en a probablement de lui; il s'y trouve des sujets familiers à la pléïade rembranesque, tels que la femme adultère, Assuère, Ṣiméon dans le temple, l'adoration des mages, la résurrection de Lazare. Ce dernier sujet se retrouve à la vente Onderdewijngaart Canzius, 1806Ga naar voetnoot1, signé J. de Wet 1633, et (le même peut-être) au musée de Darmstadt, signé aussi J. de Wet 1633. Si nous osions l'attribuer à Jan, nous aurions là une date précieuse, puisque c'est justement vers ce temps que Rembrandt aussi fit ses Lazare. Parmi ces élèves de la première période je range encore Willem de Poorter. Il paraît originaire de HaarlemGa naar voetnoot2, où il fut membre de la gilde. En 1635 Casteleyn se présenta comme son élève; il était donc déjà maître. C'est dans l'atelier de van Rijn qu'il a dû faire la femme adultére et la copie du Siméon, (au musée de Dresde), peintures vides et faibles dans un ton vert. Deux objets inanimés se trouvent à Brunswick et au musée Boymans, ce dernier daté 1630 ou 36. Plus tard il a peint des tableaux d'histoire biblique et de mythologie payenne dans le goût de son maître; en 1643 Salomon offrant aux faux dieux, en 1645 la reine de Saba, tableau peu intéressant que j'ai vu au musée de Dresde. Mais j'ai trouvé de lui une jolie eau-forte, entièrement dans la manière de Rembrandt; c'est un paysage avec chaumières entourées | |
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d'arbres, et une digue, derrière laquelle est un chemin où marche un troupeau de brebis au milieu de la poussière qu'elle soulève. Cette pièce rappelle le paysage gravé de Rembrandt de 1636, dont il reproduit tous les élémentsGa naar voetnoot1. |
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