Rembrandt Harmens van Rijn. Deel 2. Sa vie et ses oeuvres
(1868)–Carel Vosmaer– Auteursrechtvrij
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VI.
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très distinguée et fortunée, se trouva-t-elle l'épouse d'un peintre, de famille bourgeoise, ni beau, ni homme du monde? A Leeuwarden, la capitale de la Frise, demeurait Rombertus Ulenburgh, Jurisconsulte, jusqu'en 1596 conseiller et bourgmestre de sa ville, plusieurs fois chargé par ses concitoyens de missions politiques. Dans une de ces missions, en 1584, il fut envoyé au prince Guillaume le Taciturne. Il manda aux magistrats de sa ville, sa réception par le prince, l'affabilité de ce dernier qui l'avait retenu à diner avec quelques grands personnages et comment le prince, s'étant levé de table, avait été assassiné, comme il descendait l'escalier, par un ‘Bourgoingnon.’ Dans les dernières années de sa vie il était membre de la cour de Frise. De sa femme, Sjukje Osinga, il avait trois fils et six fillesGa naar voetnoot1. Rombertus mourut en 1624; sa femme l'avait précédé en 1619. Leurs enfants furent bientôt établis et mariés. Les deux fils, Rombertus et Ulricus, étaient dans le barreau; Idsert dans l'armée; quatre filles épousèrent Johannes MaccoviusGa naar voetnoot2 (Makowski), professeur à Franeker, Gerrit van Loo, secrétaire de la commune het Bildt, en Frise, le commissaire François Copal et Doede Ockama. Une cinqième, Hendrikje, donna en 1622 sa main à un homme de talent, le peintre Wybrand de GeestGa naar voetnoot3. Ce de Geest était un bel-esprit dans le genre de son temps; on le nomma: ‘doué des grâces de Pallas et | |
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d'Apelles’; il voyagea par l'Europe, resta quelque temps à Rome, où la bande le surnomma l'Aigle frison, et retourna à Leeuwarden, l'esprit mûri par l'étude. Il y acquit une grande renommée comme portraitiste et devint riche et estimé. Si la famille a pu avoir des préjugés contre la profession d'artiste, un homme comme Wybrand de Geest était bien propre à écarter les scrupules, qui auraient pu surgir quand le peintre van Rijn se présenta. Seule la jeune Saske, qui à la mort de son père n'avait encore que douze ans, n'avait point de home, mais il est probable qu'elle aura été recueillie chez l'une de ses soeursGa naar voetnoot1. Un des frères du vieux Rombertus, nommé Pieter Ulenburgh, avait une fille Aaltje, qui devint l'épouse de Jan Cornelis Sylvius, vers 1609 ministre dans quelque village de la Frise, et appelé en 1610 à Amsterdam. Là se rendit encore un autre Ulenburgh, Hendrik, fils d'un autre frère de Rombertus; il y fonda avec succès un commerce d'objets d'artGa naar voetnoot2, qui passa à son fils Gérard. Un troisième Ulenburgh, nommé Rombertus, qui s'était aussi établi à Amsterdam, cultivait la peinture de portrait et d'histoireGa naar voetnoot3. Plusieurs membres de cette famille avaient donc des relations dans le monde artistique et intellectuel. Soit par le peintre Wybrand de Geest, soit par le peintre Rombertus Ulenburgh ou le marchand Hendrik Ulenburgh, Rembrandt trouva un accès facile dans la famille. Il n'y a pas lieu de s'étonner qu'ils aient dès | |
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l'abord connu ce dernier. Quoiqu'il n'eût que 26 ans, le peintre du Siméon, de la leçon d'anatomie, d'une vingtaine de superbes portraits, jouissait déjà d'une grande renommée. Ses eaux fortes n'étaient pas dans le commerce, ordinairement, mais la grande planche, la descente de croix, paraît avoir attiré l'attention de l'éditeur Hendrik Ulenburgh, qui la publia avec son adresse. Chez Hendrik, chez Wybrand, Rembrandt a sans doute rencontré la jeune Saske, qui, orpheline, passa ses jours chez divers membres de sa famille et qui paraît avoir été accueillie surtout chez son neveu Sylvius. Bientôt l'intimité du peintre et du ministre se fit jour; le beau portrait de Sylvius en résulta et dans cette même année les deux portraits peints de Saske. Le portrait de Sylvius est une belle planche. Le vieux prédicateur est assis devant ses livres, sur l'un desquels ses mains reposent. Il a levé la tête et médite sa lecture. La tête est pleine de vie et d'expression. Rembrandt offrit au ministre quatre épreuves de sa planche et sur l'une d'elles il mit de sa main: Aan Jan Cornelis Sylvius dese vier printenGa naar voetnoot1. La famille, nous l'avons vu, était disposée à bien recevoir un artiste. Saske était jeune, elle se sentit sans doute attirée par le talent extraordinaire de Rembrandt et lui donna certainement son coeurGa naar voetnoot2. Dans les derniers mois de 1633 Saske résidait à Franeker, apparemment chez sa soeur Antje, mariée au professeur de théologie MaccoviusGa naar voetnoot3. Peut-être elle assista sa soeur dans sa maladie, | |
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et à sa mort, qui arriva en Novembre, dirigea-t-elle le ménage de son beau-frère. Après cela elle se rendit vers le milieu de 1634 à Anna-kerk ou Anna-parochie, une des trois paroisses du Bildt, chez sa soeur Hiskia, mariée á Gerrit van Loo, secrétaire de ce bailliage. Rembrandt s'en fut à Leiden, pour chercher le consentement de sa mère, son père étant déjà mort. Le 10 Juin 1634 il fut noté dans le registre extraordinaire des mariages, que ‘Rembrandt Harmens van Rijn, de Leyden, âgé de 26 ans, demeurant dans la Breedstraat, dont la mère consentira, comparut devant commissaires, ainsi que Saskia van Vuylenburgh, de Leeuwarden, demeurant au Bil(dt) à St. Annenkerck, pour laquelle a comparu Jan Cornelis (Sylvius), prédicateur, comme cousin de la dite Saskia, se proposant de fournir l'inscription légale de la dite Saskia, avant la troisième publication.’ L'acte qui en fut dressé est signé: Rembrandt Harmensz. van Rijn, et porte en marge: ‘le consentement de la mère a été apporté, par acte de notaire’Ga naar voetnoot1. Rembrandt se rendit en Frise au mois de Juin et rejoignit sa fiancée à Sint Anna-parochie chez les van Loo. Le mariage fut contracté dans la maison communale et consacré dans l'église paroissale du Bildt par le ministre Rodolphus Hermanni LuingaGa naar voetnoot2. | |
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Le jeune ménage s'établit à Amsterdam dans la maison que Rembrandt avait louée dans la Breedstraat, grande rue spacieuse, construite lors du dernier agrandissement de la ville, où Lastman aussi avait acheté en 1631 une maisonGa naar voetnoot1. |
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