Poèmes
(1895)–Emile Verhaeren– Auteursrecht onbekendLes bords de la route. Les Flamandes. Les moines
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Haute allure, maintien cruel,
Orgueil rigide et textuel:
Barons, docteurs et capitaines.
Leurs doigts sont maigres et fluets:
Ils fignoleraient des jouets
Et détraqueraient des empires.
Ils cachent sous leurs fronts chétifs
Les fiers vouloirs rebarbatifs
Et les vices des tyrannies;
Et les ennuis de leurs cerveaux,
Scellés comme d'obscurs caveaux
Aux banals soleils de la vie;
Et le caprice renaissant
De voir du sang rosir le sang
Séché trop vite aux coins des ongles!
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IISur le bloc de granit ancien, mordu de fer,
Une idole est debout - le mystèrela masque:
Un diamant se mêle à la nuit de son casque;
Sur le bloc de grandit ancien, mordu de fer,
Elle impose, là-bas, son dardement de pierre,
Sans que depuis mille ans ait bougé sa paupière;
Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer,
Le chef qui se prolonge, ainsi que des murailles,
Redresse immensément un front de funérailles;
Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer,
Les deux seins noirs, pareils à deux lunes funébres,
Laissent deux baisers froids tomber en des ténèbres;
Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer,
Les hauts bras étendus dont les mains sont coupées,
Tendaient pour les vaincus l'orgueil droit des épées;
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Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer,
Le ventre, enguirlandé d'une toison virile,
Reluit lividement, magnifique et stérile,
Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer.
(1888)
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