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Résumé
L'auteur de ce présent travail a voulu donner une description de la notion ‘métaphore’. Il insiste: il s'agit de la notion non du phénomène métaphore. Sous ‘notion’ il faut comprendre ici la totalité de tous les jugements prononcés sur le phénomène en question, dès les temps pré-aristotéliens jusqu'à présent, et de toutes les conceptions énoncées à son égard. Pour écrire cette monographie d'une notion, le développement d'une science tâchant de décrire systématiquement les problèmes qui s'y présentent et de les résoudre si possible, se trouvait être nécessaire. Premièrement la notion ‘terme’ est regardé de plus près, à savoir par rapport à ‘mot’, ‘nom’, ‘notion’ et ‘objet’. Un terme est un mot scientifique, c.à.d. un mot qui désigne un objet observé et dénommé premièrement par la science. Comme mot c'est une unité à deux aspects, l'union d'un nom et d'une notion, à savoir d'un seul nom et d'une seule notion. Aussi nous touchons inopinément à un problème spécial de la théorie du mot, lequel sous une forme plus générale est le problème de l'identité même. La terminographie n'est possible comme science qu'en acceptant la compatibilité de la modification et du maintien de l'identité. Cependant le terminographe ne conclura pas à chaque nuance de différence à ‘et pourtant la même chose’. Quelque part il mettra une limite entre ‘et pourtant la même chose’ et ‘essentiellement autre’. Cette limite est-elle arbitraire? Cette question mène à une étude des éléments analytique et synthétique de la pensée, des représentants et des époques de la pensée analytique et de la pensée synthétique. L'auteur est d'opinion qu'il n'y a pas de norme objective ici, qu'une norme subjective est nécessaire. Un autre subjectivisme est également inévitable, à savoir la conception personnelle du phénomène dénommé par le terme.
La méthode appliquée par la terminographie historique ne diffère pas de celle de l'historiographie en général. L'heuristique recueille et classifie les sources. Des sources sont: tous les jugements prononcés sur l'objet: des définitions, des exemples, des classifications etc. qui doivent être élaborés ultérieurement, c.à.d. analysés, interprêtés et critiqués. L'interprétation n'est possible que par une critique immanente avec laquelle elle coïncide partiellement. Tandis qu'une critique transcendante compare la notion à l'objet (à la propre conception de l'objet), une critique immanente compare les différents éléments de cette conception entre eux.
Souvent on constate des illogicités, p.ex. les exemples ne correspondent pas avec la définition donnée de la notion, etc. Une critique immanente force à lire implicitement: quelles sont les conséquences d'une certaine définition, sont-elles encore plausibles du point de vue logique? Et surtout: sont-elles encore plausibles par rapport à tout ce qui a été dit de l'objet en dehors de la définition primordiale? Toutefois il ne faut pas seulement signaler les illogicités, il faut également les expliquer. Alors on voit souvent s'y révéler des problèmes de l'objet même. Ces problèmes implicites
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sont peut-être encore plus importants que les problèmes explicites (posés par les savants eux-mêmes comme problèmes). Des différences entre les phases de la notion (les conceptions) c.à.d. des modifications dans la notion, sont expliquées si possible dans de plus amples rapports: chaque conception est placée dans le mouvement scientifique, resp. dans le mouvement culturel de la période à laquelle elle appartient. Cette dernière remarque renferme déjà la transition de la description statique de chaque conception à part à la description génétique de la notion. Comme principes de classification sont employés: le temps, la personne, la communauté culturelle, le domaine scientifique, le point de vue, et l'aspect. Dans la partie systématique les trois premiers principes de classification sont supprimés et la matière est groupée autour des problèmes fondamentaux que la critique immanente a révélés.
Ainsi naît une toute autre description d'un terme quel'analyse d'un mot peut donner. En outre ‘l'intonation affective’ ne se perd pas dans la terminographie. C'est que fréquemment une conception est, outre la tentative d'une description scientifique d'un certain phénomène, en même temps l'expression d'une personnalité.
Sous les nombreux termes qui peuvent être décrits du point de vue historique ou systématique, le terme ‘métaphore’ prend une place unique. Ce caractère unique est situé dans le rapport avec le phénomène dénommé; le terme ‘métaphore’ est lui-même une métaphore, le phénomène ne peut être décrit qu'en métaphores; en outre, le rapport entre deux phases de la notion peut être indiqué comme ‘métaphorique’. Très nombreux sont les problèmes où mène une étude de la métaphore et par plus d'une voie elle mène au même problème (p.ex. c'est le cas du problème de l'identité et du problème de l'interprétation psychologique). Tout cela et maintes choses encore, e.a. la tension entre l'appréciation positive et négative, rend la notion extrêmement captivante, mais en même temps extrêmement compliquée. Un principe de classification important est le domaine scientifique où figure la notion. Successivement le développement de la notion est étudié dans la rhétorique (à laquelle ressortissent également la poétique, la stilistique, l'esthétique et même la grammaire), dans la linguistique et dans la philosophie; et nous avons pris soin que les lignes structurales quelque peu artificielles ne se font pas trop valoir. Tandis qu'aux deux premiers chapitres des deux Parties la métaphore occupe la place prépondérante et qu'à propos de celle-ci sont discutés les rapports implicites et explicites aux conceptions elles-mêmes, ce sont au chapitre philosophique les rapports eux-mêmes qui ont la plus grande importance. L'auteur a voulu donner dans ce chapitre la description historique et systématique de la critique négative de la langue et de la connaissance, plus spécialement de la critique de la langue par rapport à la métaphore. En même temps se pose la question suivante: telle ou telle expression, doit-elle être conçue comme métaphore oui ou non? Les différents genres de critique possible et (interprétées d'une maniére spéciale) les fonctions sémiologiques linguistiques de Bühler forment les principes de classification.
Celui qui veut donner un résumé des vicissitudes par lesquelles le terme ‘métaphore’ a passé pendant deux millénaires et demie, et qui, à cause du résumé, veut découvrir une seule grande ligne dans l'évolution du terme, se voit placé devant une tâche impossible. La notion renferme beaucoup d'éléments et sous les éléments il faut sans doute comprendre aussi cette (ces) qualité(s) qu'elle possède, à son tour, comme élément de différents rapports connexes. Des oscillations dans un des nom- | |
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breux
rapports amènent des oscillations dans la notion. Dans un résumé il ne reste guère de trace de ces variations de structure extrêmement compliquées. Et encore moins du fait que c'est une critique immanente qui les a relevées. Justement puisque la notion renferme tant d'éléments, l'évolution peut s'accomplir par beaucoup de voies; il y en a qui évoluent peu ou pas, d'autres évoluent très intensivement. En décrivant successivement les élements dans leur évolution, on suggère peu l'idée d'une seule entité en évolution. En outre, il y a quelques-unes des différentes phases importantes de la notion qui ne se laissent pas concevoir comme des phases d'une évolution, mais avant tout comme un tout complet et unique, puisqu'elles sont des ‘conceptions’ dans le vrai sens du mot, c.à.d. en même temps l'expression d'une personnalité. Le besoin de synthèse que le lecteur, de même que l'auteur, éprouve vis à vis d'un travail d'une telle envergure, ne peut mener qu'à un résumé où beaucoup de choses essentielles se perdent inévitablement.
Provenu de l'éristique, directement du point de vue psychologique et indirectement du point de vue scientifique, déjà avant Aristote, le terme ‘métaphore’ - autant que nous sachions - est expliqué pour la première fois en détail chez le Stagyrite et obtient une place définitive dans le système des sciences. On reconnaît beaucoup d'éléments de la conception aristotélienne, beaucoup de problèmes qu'une critique immanente y trouve, dans prèsque toutes les conceptions pendant plus de deux millénaires, soit-ce sous une forme qui varie; quelques-unes sont encore à présent nécessaires dans la notion. Il y a en premier lieu le langage figuré lui-même, auquel le phénomène doit son nom et qui est un élément véritable de sa définition: le transfert. La métaphore est non seulement le transfert d'un nom, mais le résultat de ce transfert. Comme telle elle est un mot nouveau, un mot avec une signification unique et nouvelle. La duosémie de ‘kurion’ comme ‘proprement (dit)’ et ‘usuel’ se fait tout de suite remarquer. La notion ‘proprement (dit)’ devient surtout problématique par rapport à l'appréciation d'Aristote du phénomène. Celle-ci est incidentelle ment négative dans sa rhétorique et sa poétique; dans ses autres oeuvres elle est essentiellement négative, bienque le terme soit très souvent qualifié comme ‘poétique’. Cette appréciation négative n'est possible qu'en partant d'une autre définition (la définition philosophique, la définition de la critique de la langue) qui s'oppose à la définition originelle; le contraste ne s'explique pas en partant d'une synthèse. Elle diffère de celle de la critique de la langue postérieure, comme elle figure, quoique dans sa signification essentielle, dans une critique incidentelle de la langue et de la connaissance. La métaphore appartient au système des néologismes. Le transfert repose sur l'identité de quelques traits caractéristiques de deux notions (choses) ou sur l'identité de la relation entre deux fois deux choses (proportion). Comme les notions peuvent être ou toutes les deux des espèces, ou peuvent se trouver dans une relation de genre à espèce, et que, dans le dernier cas, le transfert peut avoir lieu dans deux directions, Aristote aboutit à quatre possibilités. Autant qu'il ne s'agit pas de la dénomination d'un anonymon, la définition primordiale implique la théorie de la ‘double expression’, c.à.d. de la double ‘Darstellung’; la métaphore a la même signification qu'un mot qui existe déjà et n'en diffère que dans le ‘nom’. Donc ‘la même chose’ peut s'exprimer de deux manières; la métaphore l'exprime d'une manière plus belle et plus expressive que l'expression propre. Comme la métaphore, ainsi que toute la
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poétique, est basée sur la théorie de l'imitation, la fonction expressive est négligée sauf peut-être dans la notion de l' ‘energeia’, de l'animation de la nature, qui cependant ne s'éclaircit pas en partant de la théorie de l'imitation.
Après Aristote la notion se retire dans un domaine beaucoup plus restreint, de sorte qu'elle perde temporellement plusieurs aspects; surtout dans les tropologies. La littérature a un caractère de simple compilation, de travail d'épigones, de pure analyse. Non seulement que plus de distinctions sont introduites, mais aussi les distinctions sont basées sur d'autres principes. La ‘proportion’ devient secondaire; ‘l'analogie’ ne couvre plus la relation entre l'espèce et le genre. Comme base de transfert est nommé aussi l'intention; elle sert en même temps de principe de classification. La métaphore esthétique est opposée à la métaphore ‘à défaut de l'expression propre’, mais en dehors de la définition, rien n'est plus visible de ce caractère esthétique. Très répandue est la classification basée sur l'animation ou l'inanimation des choses entre lesquelles le transfert de nom a lieu. Un problème implicite s'impose: où est la métaphore dans un rapport syntactique? - Tandis que dans cette littérature il ne reste de la notion guère plus qu'une définition, que quelques sous-divisions et quelques exemples stéréotypes et discutables, elle commence une nouvelle vie dans la rhétorique arabe. Les Romains, traitant de la métaphore dans une grammaire (et non dans une rhétorique), n'ajoutent rien à la notion. Au contraire, les Arabes savent approfondir la compréhension de la métaphore au moyen des aspects grammaticaux du mot métaphorique, de sa place dans la catégorie des espèces et des parties du discours; surtout par rapport au ‘complétif’, le corrélatif syntactique de la métaphore. Bienqu'ils conçoivent, eux aussi, la métaphore comme un mot qui n'admet pas la signification originelle, ils ont frayé le passage à la notion de ‘la double signification’. L'aspect philosophique se manifeste par rapport à la polémique exégétique du Coran. Le problème en question a été formulé auparavant par les exégètes de la Bible grecs: ‘Faut-il concevoir tel ou tel passage comme un passage métaphorique, oui ou non?’ Deux conceptions surtout sont possibles, coïncidant avec deux appréciations de la métaphore. L'interprétation métaphorique mène, soit à une vérité supérieure à la vérité propre (somatique), soit elle est impossible, puisque la métaphore est un mensonge et que la révélation n'en peut pas contenir. Dans la plupart des cas il s'agit ici de la métaphore comme mensonge dans sa conception ‘ordinaire’ (non pas métaphysique). Cette question est discutée par rapport à Philon, Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin et Pascal.
Ce n'est que chez Saint Augustin que le terme en question figure dans le sens négatif aristotélien, donc comme mot vide de sens. Il est vrai que plusieurs philosophèmes négatifs signalent des mots qui ne désignent pas de réalité; cependant sans les nommer ‘métaphore’. De grande importance est la lutte entre le nominalisme et le réalisme à cause des notions ‘réalité’, ‘signification propre’, ‘concret’ qui y figurent; c'est que le moment viendra où toutes les abstractions seront dénommées irréelles, métaphoriques, impropres.
Dans les siècles ultérieurs du Moyen Age la littérature concernant la métaphore a un caractère de travail d'épigones. Il ne s'annonce du nouveau que du côté de la doctrine de la supposition. La métaphore est une certaine supposition, un certain mode d'emploi du mot qui maintient dans cet emploi son identité, donc sa signification.
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Cependant le terme impropre comme déterminatif de la supposition n'est pas plus clair que comme déterminatif du mot, du nom ou de la signification. La relation entre la supposition et la signification ne s'éclaircit pas complètement. La naissance du terme germanique ‘Bild’ qui est tantôt identique à ‘métaphore’ et tantôt en diffère, est importante.
Les hommes de la Renaissance et les Humanistes continuent la tradition classique. La classification est logique, mais une tendance synthétique est perceptible. Les tropes sont ramenés à des groupes principaux (Scaliger, Vossius; Marcianus Capella était un prédécesseur). La base de classification forment les relations entre les deux notions (choses). Des types principaux sont: la métaphore, la métonymie, la synecdoque et l'ironie. Vossius déjà base sa classification sur la relation entre l'image et l'objet; le jeu de mot est un genre à part. La theorie de l'imitation se maintient, de même que la théorie du mensonge et celle de la double expression. La métaphore est conçue comme ornement (extérieur). Quelques voix s'élèvent contre cette conception, e.a. au 18ième siècle celle de Du Marsais. Peu à peu le sentiment n'est plus considéré comme un élément inférieur de l'âme humaine.
Ce mépris séculaire est surcompensé dans le Romantisme où le sentiment est estimé largement au dessus de la raison. Par conséquent la métaphore est avant tout compris comme expression. Étant de caractère synthétique, affectif et intuitif, la philosophie romantique voit dans la métaphore l'expression de la structure binaire de l'homme, de l'union mystique du corps et de l'âme. Pascal a déjà préparé la voie à cette conception, de même que Vico (quoique dans un autre sens), qui pose la nécessité universelle du phénomène. Biese consacre une oeuvre entière à cette matière et Jean Paul en devient le prophète le plus génial. Il glorifie la métaphore en termes lyriques. Mais tout en la plaçant au centre de sa philosophie, il tâche d'anéantir la métaphysique en montrant qu'elle n'est que métaphorique. Ainsi la notion est replacée dans l'évolution de la critique de la langue et de la connaissance. La lutte contre les substances, l'hypostase, l'abstraction, la métaphysique, le système, la pensée, est continuée après la Renaissance par des écoles mystiques, sceptiques, empiriques et sensualistes. Parfois cette critique devient une critique directe de la langue (Bacon, Hobbes, Locke). L'anthropomorphisme symbolique de Kant s'oppose surtout à la connaissance métaphysique, mais par sa conception de la connaissance au moyen de l'analogie, il s'approche de la métaphore proportionnelle et par là d'une critique de la langue. Pourtant ce n'est que la réaction romantique à sa Kritik (la méta-critique de Hamann, Herder, Jean Paul) qui crée le terme ‘critique de la langue’. La glorification et le mésestime simultanés de la métaphore comme expression, resp. comme ‘Darstellung’ métaphysique, s'explique du point de vue de l'âme romantique. L'appréciation négative est soutenue par l'interprétation étymologique (déjà chez Locke, surtout chez Horne Tooke et plus tard e.a. chez Max Müller) où la métaphore ne peut signifier autre chose que le kurion et où le kurion est l'étymon.
L'aspect linguistique de la notion métaphore se perd dans toutes les conceptions de ce genre. Ce n'est que dans les monographies et les oeuvres de linguistique générale du 19ième siècle que les problèmes qui s'y rapportent, surgissent de nouveau, p. ex.
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chez Brinkmann. Son but est avant tout un but stilistique. Il veut interpréter la métaphore comme miroir de l'homme, c.à.d. d'un poète, d'un peuple, de l'humanité entière. Voilà pourquoi il cherche le système naturel des métaphores, tâche de les classifier d'après la nature de l'image et d'après la nature de la chose qui est métaphoriquement dénommée et se pose la question: qu'est ce que c'est qu'une métaphore, resp. comment est-elle présente à la conscience? Dans ses idées la psychologie de la langue et la théorie de la langue s'entremêlent. Par conséquent (sinon du point de vue historique, du moins du point de vue systématique) il s'approche de l'antithèse ‘fantaisie-intelligence’ de Vico et des recherches des Arabes sur la relation entre la métaphore et le complétif. La métaphore n'est pas bi-sémantique, mais la phrase dans laquelle elle figure est bi-sémantique. La fantaisie de même que l'intelligence peuvent interpréter une telle phrase, mais d'une autre manière, partiellement propre, partiellement impropre. D'autres difficultés proviennent de sa conception de la naissance de la métaphore (comme forme) et (comp. Vico) de la polysémie de ‘poète’ et de ‘poésie’.
Dans la conception de Wundt la notion subit un changement profond. Selon lui le phénomène doit être interprété sur une base psychologique. D'autres conceptions de la notion se sont servies également de cette interprétation, mais inconsciemment et en même temps que d'une interprétation logique, de sorte que des illogicités se produisirent (e.a. chez Vico, Rousseau, Jean Paul; puis, dans l'opposition entre la métaphore et le mythe). Wundt ne peut pas maintenir l'immanentisme psychologique. Chez lui la métaphore est un transfert entre deux sphères disparates, mais la notion ‘sphère’ manque de base. Du reste, tout l' ‘appareil’ des notions reste fort problématique. Auprès de ‘transfert’ paraissent successivement cinq mots différents comme complément direct (d'autres phases de la notion connaissent également cette variation, bienque cela ne se manifeste qu'à une critique immanente). Ceci prouve que dans tous les siècles écoulés, les termes primordiaux de la langue servant à la description de la métaphore, ne sont toujours pas ramenés à des principes fondamentaux.
On le constate encore chez Stählin qui donne en premier lieu de la psychologie de l' ‘Erlebnis’. Il s'adresse à la nature de la compréhension métaphorique. Celle-ci se produit quand l'image et la chose se fondent dans la conscience. Il est partiellement d'accord avec Brinkmann. Mais il s'oppose au contraste ‘fantaisie-intelligence’, de même qu'à l'idée que la métaphore provoque une vision plus nette de l'objet. Il y a un rapport direct avec les conceptions de la linguistique psychologique, sur laquelle se base sa monographie. Suivant ces conceptions les ‘représentations’ sont complètement sans valeur pour la compréhension des mots (comp. la différence avec p. ex. ‘la conscience des sphères’, ‘Sphärenbewusztsein’) et p.c. pour la compréhension des métaphores. La métaphore ne provoque pas une vision, mais fait vivre ce que le kurion nomme seulement.
Werner se pose la question de la naissance de la métaphore comme forme. Son interprétation repose aussi sur une base fondamentalement psychologique. Le trait caractéristique de la métaphore est selon lui la conscience subjective d'une désignation inadequate, d'une équivalence fictive, d'une signification double. C'est la metaphore comme mensonge, comme déguisement. Comme telle elle provient du tabou et peut devenir l'objet d'une interprétation psycho-analytique. Werner non plus ne peut
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maintenir l'immanentisme psychologique et chez lui aussi on voit qu'à plusieurs reprises l'acceptation des termes primordiaux comme données non-problématiques se venge. De quelle manière la métaphore-tabou peut changer en métaphore poétique, tout en conservant le trait caractéristique posé comme essentiel, ne se laisse pas entrevoir.
Dans la conception de Pongs se présentent plus d'aspects; la métaphore entre dans beaucoup plus de rapports scientifiques que dans toutes les autres conceptions. Il rejette l'anthropomorphisme, voit l'homme comme cosmomorphe et apprécie positivement la fonction de la métaphore dans la métaphysique. Sa thèse la plus importante est: la métaphore est l'expression d'un sentiment cosmique. Sa méthode est dialectique, ontique et génétique en même temps. Dans de différents niveaux la métaphore (comp. Werner) évolue (dans un double sens) selon la structure de ces niveaux. Au plus haut niveau elle est une unité complexe née de ‘la fusion’ de plusieurs antithèses à des unités supérieures. Les deux significations aussi se confondent en formant une nouvelle unité supérieure. L'image poétique comprise dans et provenant d'un sentiment profond, appartient comme expression de l'individu créateur à la langue comme création qui diffère essentiellement de la langue comme développement. Pongs, de même que beaucoup de ses prédécesseurs, attaque la notion de l'ornement extérieur; en rendant le propre impropre, le poète dit exactement le propre. Mais il ne réussit pas non plus à expliquer comment le mot ‘propre’ conserve ici son identité. Il voit clairement qu'une théorie de la métaphore comme phénomène esthétique doit se baser sur une théorie de l'art (‘illusion’, ‘Kunstschein’). Ainsi il tâche de lever la métaphore au-dessus de la problématique de l'interprétation logique et psychologique. Il est remarquable qu'il estime parfois (comme Brinkmann e.a.) la métaphore inférieure à l'expression propre; celle-ci serait plus belle et plus noble étant l'expression de sentiments estimés de plus haute valeur. Mais alors la grande distance entre cette expression propre et celle à laquelle il compare la métaphore de prime abord, reste inexpliquée.
Hedwig Konrad veut que la métaphore soit conçue et décrite en premier lieu comme phénomène linguistique. L'abstraction métaphorique est d'un tout autre caractère que celle d'autres usages du mot. En outre, la métaphore est une forme importante du changement de signification. La signification d'un mot change quand un mot désigne un autre objet. Hedwig Konrad conçoit cet objet (autrement que G. Stern) comme une structure identique; par conséquent elle peut parler d'une identité de signification là où d'autres voient un changement de signification. Sa conception coïncide dans un certain sens entièrement avec celle de la rhétorique ancienne. Chez elle aussi nous trouvons implicitement la contradiction que le mot perd complètement son sens dans l'emploi métaphorique. La relation entre ‘dénommer’ et ‘signifier’ ne devient pas de problème pour elle.
Il en est autre chez Reichling qui conçoit la métaphore également comme phénomène linguistique, c.à.d. comme mot. Le mot est pour lui une unité de forme (‘Gestalt’) et de signification. Dans l'usage le mot garde son identité, c.à.d. il ne cesse d'être sa signification. La signification est une unité pour l'identité de laquelle les distinctions actualisées sont disjonctivement nécessaires. La métaphore est une certaine manière de l'emploi du mot, où les distinctions actualisées sont appliquées disjonctivement. Ainsi Reichling nous procure e.a. la possibilité d'ex- | |
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primer
en des termes fondamentalement déterminés pourquoi dans un contexte syntactique un certain mot est ‘métaphore’ et que le reste est complétif. De grande importance est la distinction qu'il fait entre ‘signifier’ et ‘nommer’, bienqu'à cet égard tous les problèmes ne soient pas encore résolus. Le terme ‘transfert’ a disparu chez lui, de même que le terme ‘propre’, bienqu'il reste perceptible derrière la notion ‘nom’.
En attendant la critique de la langue et de la connaissance s'est développé davantage. Une crise des évidences a commencé. Dans la philosophie et prèsque dans toutes les sciences la métaphore est souvent critiquée avec beaucoup de violence comme mot vide de sens. Nietzsche et surtout Mauthner prétendent, chacun à sa manière, que penser, parler et métaphoriser représentent, par rapport à la réalité, la même action impuissante. En outre on lui assume la responsabilité des erreurs de la pensée discursive. Elle embarrasse la communication spirituelle entre les hommes et elle a même causé des révolutions et des guerres.
Chez Victoria Welby la critique stilistique de la catachrèse est mêlée de philosophie; des théories vides de sens ne résultent que d'un langage figuré vide de sens. Malgré tout, l'appréciation positive du ‘métaphorique’ ne manque pas entièrement.
Dans toutes ces conceptions et ces rapports scientifiques où figure la métaphore, énumérés ici en raccourci, elle est en opposition avec plusieurs autres termes; avec plusieurs de ces termes elle est même tantôt entièrement en tantôt partiellement synonyme. En premier lieu il faut nommer l'expression propre.
Puis dans la rhétorique: la métonymie, la synecdoque, l'ironie, l'euphémie, l'hyperbole, la périphrase, la comparaison, l'allégorie, la synesthésie. Dans la linguistique: plusieurs changements et modifications de signification, tels que: la complication, l'assimilation, l'extension, la restriction. Dans la philosophie: le mensonge, la fiction, l'illusion, le mythe, l'abstraction, l'hypostase, la personnification. Dans une description de la notion ‘métaphore’ ces termes-ci doivent également être étudiés et analysés.
Dans la partie systématique tous ces aspects, rapports et problèmes sont regardés de plus près, détachés autant que possible des phases de la notion concrètes. Dans cette partie il s'agit des notions: ‘propre, usuel, originel, image, chose’, du système tropologique, de la notion ‘ornement’, de la relation entre la métaphore et la comparaison, des interprétations psychologique et logique, des notions ‘conscient’ et ‘inconscient’, de la notion ‘sphère’, des termes ‘nom, signification, transfert’, des fonctions de la langue, du problème des universaux, de la notion ‘concret’, de la notion ‘déviation de la réalité’ et de la notion ‘réalité’ elle-même, du caractère illusoire de la métaphore, de la métaphore dans la pensée discursive, de la métaphore comme l'expression d'un peuple, d'un poète, de l'homme etc.
Quoique l'auteur ait voulu donner en premier lieu la description d'une notion, les principes terminographiques appliqués par lui, c.à.d. la critique immanente appliquée, l'ont pourtant mené à des conclusions dont les principales, formulées en thèses, d'une manière concise, suivent ci-dessous:
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I. | Une théorie de la métaphore doit être précédée d'une théorie du mot, c.à.d. d'un exposé sur les termes primordiaux tels que ‘mot’, ‘nom’, ‘objet’, ‘signification’, ‘chose’ etc. |
II. | Il en est de même d'une critique philosophique de la métaphore ou de la langue en général. |
III. | La preuve, donnée par Vaihinger et Mauthner, que la pensée est une ‘déviation de la réalité’, est fausse, puisqu'elle se base sur la confusion entre une réalité psychique et une réalité métaphysique. |
IV. | La critique de la langue ne distingue pas assez clairement entre les différentes fonctions de la langue et, par conséquent, elle ne critique pas les fonctions dans leur rapports mutuels logiques. |
V. | Ceux qui nomment certains mots ‘seulement des métaphores’ se servent souvent inconsciemment de l'expression ‘seulement une métaphore’ dans trois sens, à savoir comme:
1. | mot qui désigne une réalité dont l'homme n'a qu'une connaissance inadéquate (basée sur l'analogie). |
2. | mot qui désigne une réalité dont l'homme ne sait rien. |
3. | mot qui ne désigne pas de réalité (rien). |
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VI. | Dans l'interprétation des phénomènes de la langue un immanentisme psychologique ne peut pas se maintenir. |
VII. | Nul savant n'a rendu clair jusqu'à présent comment le mot ‘propre’ doit être conçu pour garder son identité dans l'expression: ‘en se servant du mot d'une manière im-propre le poète exprime le propre’. |
VIII. | On constate que ‘proprement (dit)’ signifie ‘originellement’, ‘usuellement’ et ‘réellement’; la cause n'en est pas éclaircie dans la littérature concernant la métaphore. |
IX. | Seule la théorie de Reichling explique pourquoi dans ‘le voile de la vérité’ ‘voile’ est la métaphore et ‘vérité’ la personnification. |
X. | Il n'est pas clair pourquoi une division des sphères des objets denommés metaphoriquement différât d'une division des sphères des objets en général. |
XI. | Le terme ‘sphère’ (d'un mot) manque de précision scientifique étant interprété tantôt du point de vue logique, tantôt du point de vue psychologique, étant tantôt ‘contenu’, tantôt ‘étendue’, et coïncidant parfois avec ce que K.O. Erdmann comprend sous la ‘signification’ d'un mot. |
XII. | Pour différentes causes une théorie de la métaphore doit être précédée d'une étude sur le problème de l'identité. |
XIII. | L'interprétation de la notion ‘métaphore’ est l'interprétation de métaphores. |
La divergence de ces thèses ne donne qu'une vague notion de la grande complicité de la notion métaphore. La structure bi-polaire, qui lui confère non seulement une ‘tension’ logique, mais également une tension affective, ne se manifeste pas. ‘Métaphore’ est un terme de la rhétorique, mais en même temps le centre d'une conception de monde. La métaphore est conçue comme ornement extérieur mais également comme expression créatrice d'une personnalité; comme mot vide de sens, mais aussi comme le pont unique qui mène à l'énigme de la réalité; comme mensonge de l'homme,
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mais aussi comme révélation de Dieu. Elle connaît l'amour et la haine de centaines de poètes et de savants. Et là, où la critique immanente rencontre dans la même conception un des contrastes nommés comme ‘illogicités’, un homme a lutté non seulement avec la métaphore mais aussi avec l'énigme de l'existence et avec soi-même.
Dans cette tension bi-polaire, l'auteur a tâché de décrire la notion ‘métaphore’ comme une notion par laquelle nous nous sentons unis au passé lointain et qui, par ses nombreux problèmes non-résolus, s'engage profondément dans l'avenir.
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