Verzamelde gedichten. Deel 2(1947)–J. Slauerhoff– Auteursrecht onbekend Vorige Volgende [pagina 97] [p. 97] Élégie Africaine Il est assis sur la plate-forme de sa cabane. Au-dessous, le Congo jaune passe, interminablement, Et fait une rumeur désespérante. À travers les fentes de sa chaise de rotin Il voit flotter des arbres noirs et des caïmans. Il médite amèrement: ‘C'est mon idylle. En Europe, à présent, il fait dimanche partout, À Brest, à Bordeaux, dans tous les ports, Les rues sont pleines d'un doux soleil et vides de trafic, Les charrettes bruyantes n'y roulent pas, Dans les églises les choeurs chantent, Même dehors on entend le chant consolateur. Ce soir le matelot ivre-mort Danse avec la fille jusqu'à ce qu'il tombe dans un coin. Moi j'ai un tête-à-tête avec mon verre de toddy, Lassitude de six années de tropiques dans mon corps. Depuis une semaine les étreintes de ma négresse me répugnent; Elle doit satisfaire mon amour, mon appétit, Et une nuit elle m'étranglera. - Quel plat nouveau pour son frère, le chef de tribu! - Elle l'a promis, quand je l'ai achetée, En criant un mot que j'ai oublié, Mais qui m'obsède dans mes nuits de fièvre.’ [pagina 98] [p. 98] Il décharge son revolver trois fois: Un singe tombe de son cocotier dans le tombeau Qui s'ouvre au moment propice dans la boue jaune, Où un crocodile dormait - qui se rendort bientôt. Après il fait sonner un gramophone antédiluvien: Un two-step monotone résonne. Des arbres du rivage une flèche vole: Un moment il espère sa mort, son salut; Comme un enfant qui voit tomber une étoile, Il fait un voeu, vite. Mais le coup a manqué. La flèche vibre dans la paroi. Un nègre fuit dans les bois. ‘Ce sera pour une autre fois.’ Vorige Volgende