Jeugdwerk 1884-1892
(1969)–Henriette Roland Holst-van der Schalk– Auteursrechtelijk beschermd
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Légende.aant.Qui de vous veut ouir ma chanson nouvelle?
Ce n'est ni un sonnet ni une ritournelle;
Ce n'est qu' une légende, écho du temps jadis;
Tel qu'on me la conta, telle je la redis.
Non loin d'ici, perdu au fonds d'une vallée,
Se dresse d'un vieux chateau la ruine delabrée,
Tout est rongé miné; seul une tour encore,
Résiste à la tempête et brave chaque effort:
C'est là qu'au temps jadis vécut un vieux seigneur,
Il était très méchant et laid à faire peur,
Mais eet affreux tyran avait pourtant une fille,
Jolie comme un coeur, qui plus est, fort gentille.
La fille, pauvre enfant, aimait un jeune page,
Les filles, paraît-il, ne furent jamais sages,
Et même au bon vieux temps il fallait les gronder.
Or, elle aimait son page et voulait l'épouser.
Il était rosé et blond, il avait bonne mine,
L'oeil éveillé, mutin; la taille souple et fine;
Il chantait à ravir la chanson de Roland;
Bref, un amour de page, un vrai prince charmant.
Le comte, plus que tout craignant la mésalliance
Interdit à jamais cette funeste alliance.
Il chassa l'amoureux à grands coups de bâton,
Et mit sa pauvre fille en un affreux dongeon.
Or, tout semblait fini et tout rentré dans l'ordre.
Mais ce que femme veut, qui l' en fera démordre?
La vierge sut toucher les coeur de ses gardiens,
Et s' évada, la nuit, par un des souterrains.
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Quand il trouva l'oiseau parti la cage vide,
La pâleur du vieux comte devint soudain livide,
Il trépigna, cria, déplora son malheur,
Voua sa fille au diable et rugit de fureur.
Alors grinçant des dents et frappant sur la dalle
‘Maudit soit ce château, maudit soit cette salle
Et maudit soit le seuil où ma fille a passé,
La porte y grincera en toute éternité.’
La fugitive, hélas, fut à jamais perdue.
Dans son pays au moins nul homme ne l' a revue;
Et voilà cinq cents ans que le vieux comte est mort;
Mais sur ces gonds rouillés la porte grince encore.
Octobre '88.
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