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Livre septième.
Après le départ de Robert, qui avait déjeûné avec les trois jeunes gens la veille de son arrestation, la journée fut employee en visites dans les différens cantonnemens qui avaient été assignés à la petite troupe sous les ordres de Frédéric. Nous l'avons déjà dit, ce corps était en partie composé de volontaires maestrichtois, et ce n'était pas sans une intention bien marquéeque le général-en-chef de la division belge qui occupait tout le pays de Liége, avait choisi ce corps pour l'envoyer aLanaeken, afin de rapprocher ces jeunes soldats de leur ville natale. Malgré les soins du commandant militaire de la ville de Maestricht, qui redoublait
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de sévérité pour accorder des permissions de sortie comme d'entrée, la désertion s'opérait lous les jours dans des proportions assez graves, et Frédéric, depuis vingt-quatre heures seulement, avait vu grossir sa colonne de plus de cent braves échappés à la surveillance des autorités hollandaises.
Le plan de campagne était d'in vestir la place de tous les côtés, de mettre la garnison dans l'impossibilité de tenter un coup de main au dehors, et de la décourager au dedans, en lui suscitant autant d'ennemis à l'intérieur, qu'elle pouvait compter de families dans ces murs qu'elle était chargée de défendre. L'impartialité de l'histoire doit nous faire reconnaitre que le commandant supérieur était plus occupé de sesmoyens de défense contre une insurrection de la bourgeoisie, que des menaces des troupes qui bloquaient la ville; les vivres ne lui manquaient pas, il avait des munitions en abondance, etlessoldats de la garnison, réduits à cinq mille hommes environ, étaient tous ou du moins en majeure partie Hollandais, et par conséquent animés du désir de conser ver intact l'honneur du drapeau national. La citadellede Liége avait dû capituler, et l'on, espérait en Belgique, avec quelque raison peut-être, obtenir les mêmes résultats devant Maestricht. Mais
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la ville avait trop de moyens dedéfense, et était trop bien approvisionnée, peur ne pas résister longtemps et avec succes aux attaques d'une armee indisciplinée, manquant de ces généraux expérimentés qui doublent la force et le courage du soldat. La terreur inspirée aux habitans de la cité avait produit ces effets salutaires, au point de vue hollandais, que ces honnêtes citadins, qui tous avaient des biens, des propriétés à conserver, n'osaient lever les yeux, faire une réflexion, lire un journal, sans être exposés a se voir bannis de la ville immédiatement. Les ordres, à cet égard, étaient si sévères, que des femmes, arrivées à une époque de grossesse avancée, durent cacher leur position et dissimuler une délivrance qui devait être le signal de l'expulsion de toute la famille; et pourquoi! parcequ'un journal étranger avait été vu dans les mains de son chef! Il eût fallu aux Maestrichtois un courage surnaturel, une unité d'action qui leur manquait, parce que toujours l'intérêt personnel domine et absorbe l'intérêt général, et que tous les coeurs généreux, pour qui l'amour de la patrie est le feu sacré, le mobile de toute abnégation, avaient été chercher dans les rangs des Belges, la gloire qui les attendait, et l'espérance de délivrer leurpays du joug des Hollandais. Ainsi cet
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amour de combattre pour la patrie commune, qui chaque jour amenait des transfuges au camp ennemi, fut ce qui conserva Maestricht à la Hollande; en dégarnissant la ville de ces braves et hardis patriotes, qui, au dehors, éparpillés dans le rayon du blocus, lui don- naient des ennemis à combattre sans doute, mais pas en assez grand nombré pour avoir de l'influence en cas d'attaque sérieuse sur cette ville fortement mêtée et bêillonnée en la personne de ses habitans, on commit une grande faute; tandis que si ce nombre fut resté dans ses foyers, avec son influence directe sur le reste de la population, la garnison certes n'était pas assez puissante pour résister à une attaque simultanée des assiégeans et à une révolte des citoyens. Comme nous l'avons dit cependant, le plan des Belges était assis sur ces suppositions et c'est ce qui avaitdéterminé le général à donner l'ordre de rester sur la défensive en resserrant le blocus. Les heures de la journée furent donc employées en inspections et en règle- mens de service à diriger, pour ce petit corps d'armée qui étaitappelé à séjourner longtemps peut-être dans ce modeste village.
Le temps passé vite lorsque les occupations se succèdent; aussiFrédéric, quoique tourmentée de l'idée de savoir Maria si pres de lui, sans
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pouvoir lui papier ni même la voir, Frédéric fut surpris par la nuit, que sa ronde était à peine terminëe! Mais enfin tout avait été disposé, pré vu avec cette précision et cet ordre que d'habitude l'expérience donne seule, et ce fut sans doute a cet esprit positif et ordonné du jeune capitaine qu'il dut le commandement, qui lui avait été conféré provisoirement, de cette partie des troupes du blocus.
Tout était tranquille, le service assuré pour plusieurs jours, les postes établis, aucune surprise ne pouvait être à craindre; le souper réunit nos trois amis, satisfaits également d'avoir fait leur devoir et de se retroüver ensemble; comme d'ordinaire, il fut gai; on paria beaucoup, mais chacun sentait la fatigue et le besoin de repos gagner ses paupières; on se sépara de bonne heure, et nn sommeil réparateur s'appesantit bientôt sur ces trois têtes que des rêves différens vinrent bercer agréablement pendant la nuit.
Frédérie s'endormit le dernier. Avec la tranquillité, l'inquiétude était revenue; il savait que Robert devait aller le lendemain à la ville, et l'idée de savoir Maria seule avec une faible femme dans cette maison isolée lui revint sans cesse a l'esprit, et le lint longtemps éveillé. De vagues pressentimens le tourmentèrerit loute
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la nuit, et il était déjà fort tard lorsqu'il commença à s'endormir; il fut cependant le premier sur pied. Un reste detimidité d'amoureux ne lui avait pas permis de communiquer ses craintes à ses amis; mais l'inspection des postes ayant été faite, et les ordres de la journée régies militairement, tous trois se trouvant à table, la conversation revint naturellement sur Robert et surses deux prisonnières. Curiosité d'un côté, tourmens d'amour de l'autre, une excursion à Smeermaas fut projetée et arrêtée. A midi, dans une nouvelle promenade aux avant-postes, nos jeunes gens convinrent de se rendre a la maisonnette de Robert, pour observer ce qui s'y passait. Le rendez-vous était pris, chacun fut exact à l'heure; midi sonnait à la paroisse, que nos jeunes gens, suivis seulement à distance de deux plantons, se mettaient en route. Conrad ne connaissait pas Maria, et n'était pas fâché de voir la jolie orpheline dont il avait tant entendu parler, Adalbert voulait connaître la folle de Saint-Pierre, et Frédéric..... Frédério était amoureux!
Ils avaient été foroés de prendre un long détour pour revenir ensuite a Smeermaas. La conversation était animée entre le lieutenant et l'artilleur, quant au capitaine il eût été difficile de lui arracher une parole; ses esprits, ses
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idéés, ses yeux mêrae étaient à la maisonnette; rien ne semblait pou voir le faire sortir de cette apathie apparente qui dominait tout son être, lorsque sur les bords de la Meuse, à deux portées de fusil du hanïBau, il aperçut une, voiture attelée de deux vigoureux chevaux, stationnant en debors de la route, derrière un rideau de peupliers qui paraissaient devoir lui prêler leurs feuillages épais pour la dérober aux regards des curieux.
- Cette voiture, dit aussitôt Frédéric!
- C'est élrange, dirent à la foisses deux amis! et tous trois s'en approchèrent pour questionner le conducteur; mais celui-ci dormait ou feignait de dormir sur le gazon; ét cependant, à la manière dont tout était disposé, il eut été facile de voir qu'il n'attendait qu'un signal pour monter sur le siége: les chevaux n'avaient point été dérênés, et le pocher, lenant le fouet et les guides en mains, pouvait en une seconde être à son poste et partir au galop.
- Parbleu, dit Adalbert! ce gaillard là est un homme de précaution! voyons un peu s'il ne sera pas en défaut! Et il s'apprêlait à lancer quelques projectiles à la tête des chevaux pour les agiter quelque peu, lorsque tout a coup des cris affreux se firent entendre dn côté de la
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route qui conduisait chez Robert. Abandonner leur investigation, courir de ce côté, fut pour les jeunes gens l'affaire d'un moment! Mail Conrad, plus froidque ses compagnons, tout en les suivant de près, tournait de temps a autre lesyeux du côté de la voiture. Il vit bientôt le cocher remonter sur son siége, gagner la route, et les suivre au petit pas a une certaine distance. Diable! se dit-il en lui même, cette voiture pourrait fort bien ne pas être étrangère aux gémissemens que nous avons entendus; et sans communiquer ses réflexions, qui peut-être aussi avaient été faites mentalement par ses deux amis, il redoubla la rapidité de sa course pour les joindre; mais les cris avaient cessé et un profond silence régnait parlout. On voyait déjà la maison de Robert, lorsque sur la droite de la route, dans un fossé, Adalbert aper<;ut un corps qui se débattait dans la fange. Il s'élança vers lui, le sang coulait à gros flocons d'une blessure regue en pleine poitrine. Déchirer son mouchoir, bander cette plaie, fut pour le jeune chirurgien l'affaire d'une seconde. Pendant ce temps, Frédéric et Conrad étaient arrivés à la maison; elle était déserle, mais partout le plus grand désordre! Les carreaux desportes vitrées, brisés enplusieurs endroits, annonçaient une vive résistance et un enlèvement sans
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doute. Frédéric était au désespoir, il s'arrachait les cheveux.
- Cet homme! s'écria Conrad... sur la route... s'il n'est point mort..... nous saurons!..... etaussitôt ils revinrent vers Adalbert, après avoir toutefois ordonné aux deux plantons qui les avaient suivis de rester dans la maison jusqu'a nouvel ordre. Le jeune homme, à l'aide de son pansement et de quelques gouttes d'eau fraîche versées sur la figure, était parvenu à ranimer le moribond et l'accablait de questions.
- Abandonné... moi...blesséparla femme... la folle..... les traîtres..... ils m'ont jeté dans le fossé..... et puis..... sauvés en vous apercevant.....
C'en était assez, Adalberts'empara des armes du blessé, les jeunes gens reprirent leur course. La voiture était arrêtée non loin de la, mais le coeher resta aux aguets. Aleur tour ils entièrent dans les broussailles qui bordaient la route, mais sans perdre de vue cette voiture qui devait être l'instrument du raptetd'une fuite précipitée, et en longeant toujours le chemin pour s'en rapprocher. Ils étaient à peine à portée de la voix qu'ils virent deux hommes traînant violemment deux femmes fortement garrottées et le visage bâillonné. Le conducteur vint à leur aide, et déjà l'une de ces femmes
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était portée dans la voiture, loisque nos jeunes amis, paraissant subitement, firent d'un seul coup, et avec la rapidité de l'éclair’, trois cadavres de ces trois misérables.....
Frédéric avait reconnu Maria! Margueritta était évanouie! le sang ruisselait autour de ces deux femmes; chacun s'empressa de briser les liens qui les retenaient, et, pour les dérober à ce spectacle hideux etsanglant, elles furent replacées dans la voiture. aussitôt Adalbert, avec cette présence d'esprit dont parfois s'illuminait son imagination, examinant ces trois corps étendus sur la poussière:
- Morts..... bien morts..... Dieu les assiste... le quatrième, amis..... il ne faut pas l'abandonner ici.
- Un misérable! reprit Conrad. Partons! l'émotion de ces dames demande un repos immédiat! Et Frédéric, tout entier au bonheur d'avoir retrouvé son amie, s'était assis sur le marche-pied de la voiture et contemplait Maria, inondant de ses larmes de joie, le beau visage de Margueritta, entièrement revenue à elle mais lellement effrayée encore de la scène qui venait de se passer, qu'il lui eût été impossible de proférer une seule parole.
- Messieurs et Mesdames, dit Adalbert avec une gravité comique, qui dans toute autre
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circonstance eût déridé tous les visages, moi, l'homme des motions, voici mon projet: Je monte sur le siége, nous retournons vers ce malheureux, blessé d'uncoup depoignard joliment appliqué, ma foi! et qui fêrait honneur a la main d'un des plus? braves Spadassiiis du beauciel de l'Italie (tous les yeux s'étaient tournés sur Margueritta); nous emmenons cet homme avec nous, Léon ne doit pas être étranger à cet événement, c'est un complice a confesser, et je m'en charge.!
- Adopté! s'écrièrent les deux au tres, et ce projet fût aussitôt mis à exécution.
Arrivés près du blessé, à qui le bandage de sa plaie avait tout à fait rendu l'usage de ses sens, Conrad voulait encore le questionner, mais Adalbert s'y opposa.
- De par toutes les facultés del'univers, mon malade n'est pas encore en état de répondre; qu'on lé laisse tranquille! et un regard du blessé sembla remercier le jeune homme de cette sortie.
- Allons! dit Frédéric sortant enfin de cette extase où l'avait plongé la présence de Maria; ces dames sont vraiment épuisées; hâlons-nous de regagner nos cantonnemens.
Et les cadavres, dit Conrad!
- Quatre hommes de corvée feront le service
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des pompes funèbres, reprit Frédéric, partons de grâce! On plaça le blessé sur le siége de derrière, Conrad se mit pres de lui pour le soigner en route, Frédéric prit place dans la voiture en face des deux dames et Adalbert monta gravement sur le siége; il fit partir les vigoureux coursiers, qui, impatients d'une si longue attente, commengaient à frapper du pied et à dresser les oreilles.
En moins d'un quart d'heure, l'équipage fut à Lanaeken, mais non sans attirerl'attention des paysans, et même des soldats tout surpris de revoir leurs chefs, qu'ils avaient vus partir à pied, revenir en voiture, l'un faisant les fonctions de cocher, l'autre de chasseur, et le troi- sième accompagnant deux femmes; des propos plus ou moins plaisants se succédèrent avec rapidité. Frédéric, en descendant à la porte de Fauberge, s'adressant à ses camarades: Silence, leur dit-il, sur tout ce qui s'est passé,avant d'avoir tenu conseil sur cet événement. Et aussitôt nos voyageurs donnèrent la main aux dames qu'ils introduisirent dans le salon. Adalbert fit transporter le blessé dans une chambre particuliere avec défense formelle de lui adresser aucune question, un factionnaire fut placé à sa porte et les cinq arrivans purent enfin causer un pen tranquillement.
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Maria raconta à ses amis que vers dix heures un homme de mauvaise mine au présenta dans la maison en demandant à parler a Robert; sur la réponse qui lui fut faite, que le propriétaire était absent depuis le matin, et ne reviendrait probablement pas avant la nuit, il fit signe à deux individus qui étaient restés à la porte; aussitôt ces trois hommes nous entourèrent en nous disant que nous étions leurs prisonnières, que toute résistance était inutile, et que sinous ne les suivions pas de bonne grace, ils seraient obligés d'employerla force: et en disant cela ils nous mon traient des liens dont ils s'étaient munis pour nous garrotter en cas de refus. Suivonsles'! me dit ma bonne amie en italien; cette maison est isolée, nous ne pouvons nous défendre ici, dehors nous avons plus de chances de salut. Je ne pouvais me décider à obéir, et luttai quelques minutes, en me cramponnant aux portes, mais voyant la détermination bien arrêtée de ces bandits, qui au surplus nous assuraient qu'il ne nous serait fait aucun mal, si nous obéissions, je dus céder pour éviter un malheur plus grand. Nous avions le matin pris fort à propos les vêtemens que nous avait apportés la baronne; nous sortîmes, des sanglots étouffaient nos voix et nous suivîmes ces misérables, qui nous placèrent au milieu d'eux.
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Chacun prit mie de nous sous sou bras, et le troisième marchait devant, sans doute pour éclairer la route. Nous avions à peine fait trente pas hors la maison, que je vis chanceler et tomber à mes pieds le brigand qui tenait le bras de Margueritta; cette courageuse amie, s'élangant vers moi plus prompte que la foudre, frappa rudement à la poitrine celui qui me retenait; malheureusement, lepoignard glissa dans ses vêtemens, et au cri qu'avait jeté le blessé en s'affaissant, l'autre s'était retourné, et ma pauvre amie fut bientôt garrottée et mise hors d'état de se défendre. Pareille mesure fut suivie à mon égard, et nos deux ravisseurs, après avoir traîné dans le fossé celui qui ne pouvait plusles aider, et qu'ils croyaient mort, nous entraînèrent de force; c'est alors que nous vous aperiçumes au détour de la route, je poussai des cris d'alarme, Margueritta en fit autant, mais bientôt ils nous bâillonnèrent le visage, et nous poussant dans la bruyère, nous ne vîmes plus rien! Sans doute vous ne nous aviez point vues, car vous passâtes tout pres de nous et vous étiez déjà bieu loin, lorsque ces bandits, nous traînant vers la voiture, voulurent nous forcer à y monter. C'était notre perte, nous le sentions, aussi nous résistâmes longtemps! Mais déjà mon amie avait été enlevée etplacée dans cette
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maison roulante, j'allais succomber à mon tour lorsque votre courageuse apparition nous a délivrées de ces monstres! Ah! Frédéric, ah! Messieurs, comment vous exprimer notre reconnaissance!!!
- Et rien n'a pu vous faire supposer, Mademoiselle, s'écria Adalbert! le motif de cet enlèvement extraordinaire?
- Oh si! s'écria Margueritta, c'est à moi seule qu'ils en voulaient; mais Jes larmes de l'enfaut les ont épouvantés et pour ne pas laisser des tracés de leur forfait, ils l'emmenaient avec moi.
- Eh! qui peut, Madame, vous faire soupàonner.....
- Qnelques mots détachés surpris au hasard, oui..... le nom de van Buren a été prononcé plusieurs fois par nos assassins.....
- Léon! fit Frédéric, ah! c'était bien contre Maria!
- Vous vous trompez, mon ami, reprit celle-ci; oh! c'est que vous ne savez pas tont... vous..... cet homme.....
- C'est le secret de Robert! fit Margueritta vivement en lui mettant la main sur la bouche.
- Allons, dit Adalbert! voila encore mon horame mêlé à tout cela... Mais c'est donc le
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juif errant que ce Robert pour connaître ainsi tout le monde!
- Eh bien, s'écria Conrad! ce sera un beau roman que l'histoire de cet homme. Pardonnez, Madame, dit-il en s'adressant à Margueritta; mais ce Robert a aussi des secrets à mes amis, et tout ce qui se passé autour de moi est tellementétrange..... enfin n'importe..... comme dit ce brave serviteur, respectons ses secrets.
- Après les émotions de ces dames, se hâta de dire Frédéric, elles doivent avoir besoin de repos. J'ai fait monter un lit pour moi dans ta chambre, Adalbert, la mienne va leur servir de boudoir et de chambre à coucher commune, car ici nous n'avons pas le droit d'être difficiles!
- Ah! répondit Margueritta, avec l'enfant je serai bien partout.
Aussitôt la servante de l'auberge fut appelée et eut ordre de conduire les deux voyageuses dans la chambre qui avait été préparéepour elles. Les jeunes gens restèrent au salon, et dès que les dames furent sorties, Frédéric allait prendre la parole lorsqu'on vint lui annoncer qu'un domestique arrivant à cheval demandait à lui parler.
- Faites entrer! et aussitôt le cocher de la baronne se présenta devant lui.
- Ah c'est toi, Baptiste! quelle nouvelle?
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- Mon Dieu, Monsieur, un graad malheur est arrivé!
- Qu'est-ce donc?
Mademoisellé Maria n'est plus à Smeermaas où je croyais la trouver! Madame la baronne m'avait ordonné de lui remettre une lettre, et je n'ai plus trouvé personne!
- Comment! Personne!
- Ah si fait! Deux Flamands qui n'ont voulu rien m'expliquer, mais qui seulement m'ont dit que la demoiselle avait été enlevée.
- N'est-ce que cela! dit Adalbert en riant.
- Mais il me semble que.....
- Rassure-toi, mon ami, tout est sauvé!
- Mais, Monsieur..... je voudrais..... et il regardait autour de lui comme un homme qui craint de parler en présence de témoins.
- Parle, parle, mon ami! il n'y a ici personne de trop.
- Ah dam! enfin Monsieur, Madame la baronne m'a aussi remis une lettre pour vous.
- Eh bien, donne! et va te rafraîchir aà la cuisine en attendant ma réponse!
Frédéric rompit vivement le cachet et lut avidement ce qui suit:
‘Monsieur Frédéric,
‘Malgré votre conduite, et les raisons que je devrais avoir pour rompre toute relation avec n.
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vous, je ne puis m'empêcher cependant de vous faire connaître un grand malheur, dont vous ne comprendrez peut-être pas toute la portée, endurci que vous êtes dans vos erreurs politiqués, mais qui, à mon point de vue et à celui de Maria que vous aimez, peut avoir les plus graves conséquences pour l'avenir de cette jeune fille que j'aime déjà plus que vous même. Le pauvre Robert, il y a une heure, a été arrêté et conduit en prison sous l'accusation d'éspionnage.....
- Le malheureux! s'écria Frédéric, interrompant sa lecture.
- Qu'est-ce donc? firent les deux jeunes gens.
- Robert! mes amis, le brave, le généreux Robert, en prison!!!
- Oh! fit Adalbert, il y à la dedans du van Buren, ou je me tromperais fort.
- Oh! malheur à lui sfil en est ainsi..... tenez mes amis, et il lut à haute voix le commencement de la lettre.
- Diable, dit Conrad, c'est sérieux! la rage des Hollandais est à son comble, et nous avons tont à craindre.....
- Est-ce là tout ce que dit ta charmante baronne, avec ses grands airs de protection que je n'aime pas du tout, moi! fit Adalbert.
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- Non..... écoutez.....
‘Comme je sais que Maria est chezlui, car je l'ai vue hier, avec une espèce de femme, que l'on dit veuve d'un général de l'Empire, mais qui m'inspire plus de défiance que d'intérêt, je m'empresse de vous prévenir de cette arrestation, afin que vous puissiez veiller à la sûreté de cette enfant, sur qui, moi aussi, j'ai des projets, mais qui ne vous seront peut-être pas odieux, comme ceux de ce pauvre M. van Buren que vous haïssez tant, Monsieur le mauvais sujet! Nous avions encore besoin deRobert, et cet accident va aggraver notre position. Adieu, Monsieur le révolutionnaire! soyez un peu gènéreux en souvenir de Maria pour la pauvre baronne
de Rostang’
- Ainsi soit-il! fit Adalbert. La baronne s'amende un peu; la revévolution aura fait des prodiges de toute nature.
- Tu plaisantes, Adalbert, et notre pauvre Robert est peut-être à la veille d'être passé par les armes comme espion.
- Infâmie, reprit alors le jeune étudiant... non..... c'est impossible... Robert est trop adroit pour ne pas retarder longtemps sa condamnation... et d'ici la..... tenez..... une idee... quand je vous le disais..... Frédéric, reliens encore le
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messager de la baronne..... attendez-moi..... et aussitôt il monta dans la chambre du blessé. Après lui avoir fait prendre un cordial qui ranima ses forces, et lui permit de se tenir surson séant.
- Ta blessure est en bon état, lui dit-il, mais sais-lu bien que ta tête ne tient plus sur tes épaules?
- Et pourquoi? reprit le patiënt.
- Parce que lu vas être jugé demain et exécuté militairement.
- Oh! Monsieur, pourquoi alors m'avoir ramassé sur la route!
- Pour procurer au peuple la satisfaction de voir fusiller un émissaire hollandais.
- Oh, mon Dieu, mon Dieu! je l'avais bien dit à M. Léon!
- Léon!..... ah bast..... Il se moque bien de ta carcasse à présent! tu vois bien que tes camarades t'avaient abandonné et que sans moi.....
- C'est vrai, hélas! mais me sauver pour me faire fusiller.....
- Les lois de la guerre.....que veux-tu...... Cependant..... il y aurait peut-être..... un moyen.....
- Oh! parlez, parlez! dit cet homme qui se cramponnait à la vie, a mesure qu'elle semblait vouloir lui échapper.
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- Tu sais écrire?
- Un peu, puisque c'est pour cela que j'ai fait partie de l'expédition! car je ne suis pas un criminel endurci..... moi..... et si je pouvais seuleinent vivre encore assez pour réparer le mal que j'ai fait!
- Quels étaient les ordres?
- Aussitôt que nous aurions la vieille en notre pouvoir, car nous ne pensions pas a la jeune, qui nedevait point connaître notre enlèvement si tout eût marché selon nos prévisions..... la voiture que vous avez vue devait nous emmener a travers la route de la bruyère jusqu'à Nymègue, et là.....
- Oui, oui..... et là..... ou plutôt..... enfin?
- Aussitôt l'alfaire faite, je devais envoyer une lettre par Louis pour annoncer la réussite de notre entreprise.
- Eh bien, tu vas écrire cette lettre! Lóon connaît-il ton écriture?
- Je crois bien, il m'a fait écrire de va ut lui pour s'assurer de.....
- Oh, c'est un homme de précaution!
- Oui, et l'argent que vous trouverez dans la voiture vous prouvera ce qui en est. Il avait toulprévu, encre, papier, plume, tout y est!
- Diable, fit Adalbert! j'allais faire un pas de clere! Repose-toi une minute, Il descendit, et
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remonta bientôt après avec tous les instrumens désignés par le blessé.
- Avais-tu une manière particuliere d'écrire? ne me trompe pas, car je ne te promets 3a vie qu'autant que j'aurai réussi!
- Non! je vous jure!
- Eh bien! écris, et si je ne te dicte pas bien, reprends-moi!
- J'y suis!
‘Monsieur,
‘L'affaire a réussi, mais le pauvre Louis a reçu un coup de poignard de la folle qui l'a étendu mort sur le carreau; nous ne sommes plus que deux et le cocher, et je vous réponds que ce n'est pas trop pour pouvoir retenir ces deux femmes, car nous avons été forcés de les enlever toutes deux. Nous partons. Vous nous ferez connaître, où vous savez, ce que nous devons faire de la je une fille. Adieu, Monsieur, la besogne a été rude, vous ne l'oublierez pas, je l'espère; la folle n'avait pas de papiers sur elle, et c'est dans la voiture seulement, qu'elle nous a priés de la laisser descendre pour prendre, disait-élle, son livre de prières et sa bourse qu'elle avait caebée sous les matelas avec d'autres petites choses; ellea aussi parlé de pièces importantes, mais la crainte d'être surpris nousa enipêchés de l'eouler,et voila...
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- Signe maintenant!
- Oui! le nom qu'il m'a donné:
‘Pierre l'Ermite.’
- L'impie! rien ne m'étonne de lui! Maintenant l'adresse.
- Pour Monsieur, si Louis eût été le messager, et en cas d'erapêchement, car tout a été prévu: à Monsieur C. Vorstorck! avec une croix en travers..... là, comme cela.
- Le cachet!
- Oh! un cents, mais le doublé W retourné.
- Allons, allons! c'est un gaillard qui n'oublie rien! Maintenant sois tranquille, etsi nous réussissons, compte sur moi!
Il descendit aussitôt au salon, la lettre à la main.
- Victoire! s'écria-t-il en entrant.
- Qu'est-ce donc! firent les deux au tres.
- Ecoutez et jugez!
- Le domestique de la fière baronne va portel cette lettre à Maestricht, il la remettra à un homme sur, qui la rendra en mains propres à l'adresse indiquée, et il lut la suscription. Il paraît que maître Léon a un intérêt tout particulier à faire disparaàtre la dame qui accompagne Mlle Maria, et plus encore, à s'empasrer de certains papiers..... Pour l'intelligence de la chose, comme dirait Robert, voici ce que
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jelui ai fait écrire, et il lut la lettre du blessé. Nul doute qu'aussitôt la réception de cette lettre il ne s'empresse de venir à Smeermaas pour fouiller la maison; nous allons nous y rendrede notre côté, nos plantons y sont restés, il ne faut pas tant de monde pour s'emparer du misérable. On a arrêté Robert comme espion beige, nous arrêterons le van Buren comme espion hollandais; hein..... qu'en dites-vous?
- Ma foi, bien joué! dit Conrad.
- Enfin! reprit Frécléric, je vais donc pouvoir me venger!
- Oh! ce serait une vengeance nationale! Nous deyrons cependant y renoncer, et laisser à Dieu le soin de la punition. Le général aime ce Léon, qui est son âme damnée, nous le proposerons en échange dé notre vieux Robert.
- En vérité, Messieurs, je ne sais si j'aurai le courage d'attendre jusque la, dit Frédéric.
- D'abord, mon cher, toi tu vas rester ici avec ces dames!
- Ah oui, crois cela!
- Tu vas rester-ici! le général en chef t'a confié le commandement de notre petite division, et si par hasard les chosesne tournaient pas tont à fait comme je l'espère, tu ne peux compromettre notre cause, en paraissant l'a- | |
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bandonner pour une veiigeance particulière. Ainsi, c',est dit, tu resteras au camp.
- Mais, Messieurs.....
- Adalbert a raison, dit Conrad! le capitaine de Castaens nous envoie en reconnaissance, allons partons!
- C'est au nom du devoir que je cède, reprit Frédéric, mais croyez qu'il m'en coûte.....
- Bast! tu te dédommageras, en nous attendant, à faire ta cour, le temps passé vite en amour! Et il appelale cocher de la baronne.
- Baptiste, lui dit-il, vous allez remonter à cheval. Votre attachement à votre maîtresse est connu, il y va de sa vie si vous dites un mot de ce que vous avez su, ici et à Smeermaas, à d'autres qu'à votre maîtresse, et encore que ce ne soit que ce soir bien tard; des raisons majeures le commandent, qu'il vous suffise de savoir que ces dames sont ici en sûreté. Aussitôt votre arrivée, et vous allez partir sur la bonne jambe, entendez-vous! vous ferez remettre cetle lettre à son adresse; mais si l'on demande au commissionnaire, qui la lui a remise..... un paysan qui arrivé de Smeermaas, répondra-t-ü. Allez, et suivez de point en point mes instruclions; voila pour vous rafraîchir ce soir, et il lui mit dans lamain une pièce d'or.
- Oh, Monsieur, c'était inutile, des l'instant
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qu'il s'agit de Mme la baronne, et en inêine temps la pièce passait de sa main dans son gousset. Au revoir, dans un quart-d'heure je suis à Maestricht.
En effet, deux minutes après, cet homme galoppait sur la route; et Adalbert et Conrad, armés jusques aux dents, se rendaient à la petite maisonnette de Robert.
Arrivés à la maison ils trouvàrent les deux hommes qu'ils y avaient laissés, occupés à remettre un peu d'ordre dans cette liabitation, qui le matin avait été le thêatre de scènes si déplorables.
Toutes les portes ouvertes! s'écria Adalbert; que notre homme ne se méfie de rien; et aussitot il fit cacher ses deux soldats dans la chambre du premier étage, avec défense de faire le moindre bruit, et surtout d'approcher des fenêtres dont il eut soin toutefois de faire fermer les jalousies. Lui et Conrad se mirent en observation dans la petite piièce du rez-de-chaussée, d'ou on pouvait voir tout ce qui se passait à l'extérieur sans crainte d'être aperçu de qui que ce fût.
L'événement justifia la bonté du plan conçu par le jeune homme; car ils étaient à peine établis dans leur observatoire depuis une heure, qae le galop d'un cheval se fit entendre; u
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homme le montait, et à la manière dofitil pressait les flancs deson coursier, à l'inquiétudequi se peignait sur le visage de cet homme, Adalbert eut bientôt reconnu Léon.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il eut bientôt attaché soncheval à la porte, et se précipitant comme un furieux dans la maison, il monta précipitamment au premier étage.
- L'oiseau esten cage,dit Adalbert! et aussitôt volant sur les traces de Léon, à quila violence de son émotion ne permettait pas d'ènlèndrele bruit qui se faisait derrière, il le terrassa sur le palier de cette chambre où il allait, atteindre, et dont sortirent aussitôt les deux soldats attirés par le bruif.
- Trahison! s'écria Léon, et il, resta anéanti.
- Tu ne nous croyais pas si prés de toi, n'est ce pas misérable! et se retournant versies deux plantons qui regardaient cet homme devenu immobile par l'excès dé la rage qui se concentrait en lui:
- o Cherchez-moi des cordes pour lierce, brijgand, c'est un mouchard!
Mais Gonrad tenait déjà cé qui: était nécessaire; après lui avoir lié les mains derrière le dos, mis des entraves aux jambes. et détaché les bretelles qui retenaient ses pantalons.....
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Le voilà maintenant hors d'état de nuire! s'écria-t-il.
- Fouillez cet hommel dit Adalbert; je craindrais de me souiller les mains en le touchant davantage!
Un des soldats s'empressa d'exécuter cet ordre; mais dans la précipitation qui avait commandé son départ, le misérable n'avait même pas songé à s'armer, et l'on ne trouva sur lui que la lettre de son complice.
- Te souviens-tu de la nuit du 26 août! lui répéta Adalbert; je t'avais engagé à être muet, si tu voulais éviter ma vengeance. Tu as gagné une belle partie alors! c'est aujourd'hui le revers de la médaille, car tuvas mourir!
- Mourir! Oh non, Adalbert, tu iie feras pas cela. Tu te trompes, je n'ai rien fait, rien dit, je le jure, ni contre toi ni contre tes amis.
- Je te savais infâme, mais p>as aussi lâche! Ah, tu as peur de mourir!
- Mais, qu'ai-je fait pour cela?
- Tu me demandes ce que tu as fait! Mais ce n'est donc rien, misérable délateur, d'avoir compromis la sûreté de braves patriotes qui, sans ta lâche trahison, seraient maintenant dans les nuirs de Maestricht! Tu me demandes ce que tu as fait! Et les persécutions, qui ont pesé et pèsent encoresur tant d'honnêtes families que
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ton infame fourberie a mises à l'index! Ah, tu me demandes ce que tu as fait! et ces papiers; que le hasard a mis en tes mains, et que tu veux maintenant t'approprier,je ne sais pour quel motif, mais ce n'est assurément pas dans un but louable, car tu fus toujours incapable de rien faire de bon et d'honnête! Si ta peau valait quelque chose encore, nous pourrions la marchander à notre tour; mais qui voudrait d'un infâme de ton espèce?
Au même instant un expres, arrivant à franc étrier, remit à Adalbert uhe lettre de Frédéric, qui le prévenait qué l'arrestation de Robert autorisait Maria à s'emparer de ses papiers; qu'il eût à fouiller sous le chambranle de la cheminée de la chambre bleue du côté gauche, et que la, il trouverail des papiers importans. Ou fit descendre Léon au rez-de-chaussée où il fut gardé à vue par les deux soldats, et les jeuries gens commencèrent l'opération, que leur prescrivait la lettrë de Frédéric. Les indications étaient bien précises, aussi en quelques minutes, ils furent maîtres de ces précieux documens qu' Adalbert mit silencieusement dans sa poche sans même y jeter les yeux. Le secret de ses amis était en son pouvoir, mais son âme honnête et franche ne comprenait pas qu'on pût commettre une indiscrétion de cette nature, et trahir la confiance qui reposait sur lui.
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Rentré dans la chambre où était le prisonnier:
- Allons! il faut partir, lui dit-il.
- Où me conduisez-vous? s'écria celui-ci avec un tremblement convulsif. Que voulezvous, mon Dieu, faire de moi?
- Tu le sauras à Lanaeken! c'est là que sont les volontaires maestrichtois.
- Dieu du ciel! Adalbert, mais me conduire au milieu d'eux, c'est me mener à une mort certaine!
- Où serait le mal, de délivrer la terre d'un infâme hypocrite!
- Ecoutez, Monsieur Adalbert, ma rançon peut être portée à un haut prix.... et aucun sacrifice ne m'arrêtera pour.....
- Oh, nous voulons te mettre dans l'impossibilité de nuire! d'ailleurs je ne suis pas le maître, le capitaine de Castaens ordonnera.....
- Frédéric! je suis perdu!
- As-tu éprouvé de pareils scrupules, pour faire arrêter le malheureux Robert!
Un éclair soudain sillonna le visage du prisonnier:
- Eh bien, dit-il! si en échange de ma liberté..... je promettais celle de Robert!.....
- Ce serait déjà uri commencement, mais pas encore assez! d'ailleurs, le capitaine ordonnera, moi je ne promets rien.....
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- Adalbert! au nom de ce que voua avez de plus cher, ne me menez pas à Lanaeken!
- Sois tranquille, on ue tuepas toutce qu'on méprise!
- Le général commandant s'intéresse à moi et vous pouvez beaucoup obtenir par raon entremise.
- Tout ce qui vient de toi sent la trahison! Allons! en route!
Il n'y avait plus à résister. On plaça Léon sur son cheval, en lui attachant les jambes à la selle et les mains derrière le dos; les deux plantons tenaient la bride de l'animal de chaque côté; le courrier qui avait apporté la lettre de Frédéric suivait immédialement, le pistolet au poing; et. Adalbert et Conrad, après avoir soigneusement barricadé toutes les portes de la maison, dont ils prirent les clefs, fermaient la marche de ce corlége qui s'avançait lentement, mais avec une sorte de solennité. On arriva ainsi aux avant-postes; là, quatre hommes armés prirent le devant, deux autres se placèrent de chaque côté et l'on traversa ainsi le village au milieu des huées decesjeunes volontaires, qui avaient reconnu le traître qui les avait forcés à fuir leur ville natale, mais qui surent en cette occasion respecter le malheur et surtout la consigne, Lorsqu'on fût à la porte de l'auberge, la petite
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troupe fit halte, Adalbert entra seul, Conrad restant à la garde du prisonnier.
- Tiens, Frédéric! dit-il en entrant dans la chambre ou le capitaine était avec les deux dames, vois ma capture, je crois que nous ne pouvons plus révoquer en doute la liberté de Robert.
- Dieu t'entende! car ce que je viens d'apprendre me fait de plus en plus désirer sa présence.
- Eh bien, moi, je t'en réponds! mais voyez-donc, Mesdames, la mine piteuse de ce misérable, qui n'a de courage que dans le crime.
- Dispensez-nous, Monsieur, lui dit Maria, de ce tableau peu fait pour depauvres femmes!
- C'est juste! Pardonnez à mon indignation. Qu'allons-nous faire de cet homme pour cette nuit, capitaine!
- Je me repose sur toi, Adalbert, du soin de sa personne.
- Eh bien! tupeux croire que ta confiance n'est pas mal placée! A propos, j'oubliais..... voici les papiers en question.
Il les remit à Frédéric, et descendit précipitamment, pour faire préparer la prison qu'il destinait à celui que la foule ne nommait déjà plus que l'espion van Buren.
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A peine était-il descendu que Frédéric, remettant à Maria les papiers qu'il tenait d'Adalbert:
- A vous Maria, lui dit-il! c'est sans doute le testamènt de notre ami.
- Merci, Frédéric..... Puis après une légere pause, mais voyezdonc la suscription, et elle lut à haute voix: A Mademoiselle Maria. Cette enveloppe ne doit être brisée que devant Mademoiselle Maria, Monsieur Frédéric de Castaens, la veuve du général Parroni, Madame la baronne de Rostang, et quelques amis, de préférence Messieurs Adalbert et Conrad; mais il faut de toute nécessité que les quatre personnes désighées soient présentes.
- Encore des énigmes, s'écria Frédéric! mais la baronne qui èst à Maestricht, comment faire?
- Oh! je suis sûr que dès demain nous la verrons. Baptiste va lui raconter ce qu'il a vu, et je me trompe fort, ou demain nous aurons sa visite.
- Tant pis, fit Margueritta, je n'aime pas cette femme, qui veut m'enlever l'amitié de mon enfant, et elle embrassait tendrement la pauvre Maria. Adalbert et Conrad remontèrent en ce moment.
- Eh bien, votre prisonnier? leur dit Frédéric.
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- Il va couchersous le même toit que nous, mais sous bonne garde! A ces mots Margueritta ne put réprimer un mouvement de frayeur, et serra étroilement la jeune fille.
- C'est assez nous occuper de ce misérable, reprit Frédéric; demain, Messieurs, de grand matin, nous tiendrons conseil et aviserons à la conduite que nous devons suivre a son égard. Si ces dames le permettent, je ferai servir le souper dans leur chambre.
- Oh oui! nous serons pluslibres pour causer, lui dit timidement Maria.
- Cela me regarde, fit Adalbert! etil descendit promptement.
- La nuit porte conseil, Mesdames, exclama Conrad, à demain les affaires! Aujourd'hui tout entier au bonheur de vous voir réunies à vos amis, permettez-moi de me mettre au nombre de ces derniers.
Un sourire flatteur suivit ces quelques pavoles du jeune artilleur, le souper fut servi et chacun prit dans cette réunion improvisée la soumie de bonheur qu'il en attendait.
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