Verzameld werk. Deel 4: proza
(1979)–Paul van Ostaijen– Auteursrechtelijk beschermdBesprekingen en beschouwingen
Une heure avec...Interview door Jean LaenenGa naar voetnoot1 Paul van Ostaijen, un des poètes les plus représentatifs de la poésie flamande ultra-moderne, poètes de lyrisme pur, lyrisant sans souci des traditions ou des normes, soucieux seulement de créer des atmosphères, d'évoquer des visions du subconscient; poètes de lyrisme dynamique, n'ambitionnant pas d'être des poètes spécifiquement flamands, mais des poètes capables d'exprimer l'idéal et la sensibilité... west-européens... Je l'ai rencontré dans la salle d'exposition (‘A la Vierge Poupine’, rue de Namur, Bruxelles), au milieu de tableaux et de dessins d'expression nouvelle. Cadre adéquat à un entretien avec un poète réputé porte-drapeau des poètes flamands les plus modernisants. Il me semblait que son mode de penser et de s'exprimer fût influencé par l'atmosphère d'art de ce salon de peinture où, à la cimaise, étaient placées des oeuvres de Permeke, de Brusselmans et d'Arno Stern. De Brusselmans, notre entretien avait parfois la spontanéité, la naïveté affectée, le manque d'équilibre, mais le rythme d'une sensibilité très vive et impressionnante. Et par moments, mon interlocuteur s'efforçait à me faire comprendre comment lui et les poètes de son groupe tâchaient d'exprimer l'infini dans leurs poèmes par des moyens (les mots et les rythmes) reconnus, hélas! insuffisants. (Effet de l'art de Permeke?) Et vers la fin de notre causerie laborieuse, le poète Paul van Ostaijen reconnut la construction logique des fusains du dessinateur polonais Arno Stern. Et il réussit a dissiper l'incohérence de l'interview. - Certains critiques reprochent aux poètes flamands nouveaux de ne pas respecter la tradition. - De la tradition établie artificiellement, soit par des cénacles ou des académies, nous nous affranchissons; mais la tradition née spontanément, la tradition phénomène, oh! cella-là nous la respectons et chacun de nous, poètes modernes, essaye à s'y conformer. - Et où est cette tradition pour vous, modernes poètes flamands? - Dans l'oeuvre de Guido Gezelle. C'est le plus grand des poètes. C'est le poète de lyrisme pur, dont la poésie toute dynamique, toute d'instinct et de spontanéité exprime presque la totalité des mystères de la sensibilité, non pas d'une sensibilité individuelle ou d'une époque, mais la sensibilité, toute la sensibilité humaine. Et tous les poètes vraiment modernes acceptent cette tradition, parce qu'elle a une origine spontanée. Pour nous, Guido Gezelle est le poète-phénomène. Sa poésie égale une source jaillie quelque part | |
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dans une campagne de Flandre insoupçonnée avant l'oeuvre du génial poète. Chez Guido Gezelle, rien d'artificiel, ni trace de mètres ou de rythmes établis par des règles préconçues. La base de la poésie de Guido Gezelle est le mot, partant le son. Car pour les poètes vraiment modernes, c'est l'instrumentation qui, seule, constitue le travail technique de la poésie; chaque mot à part doit contribuer à harmoniser la sonorité de l'ensemble, quoique chaque mot pris à part doit avoir son accent propre. Et nous, Flamands, nous pouvons procéder plus aisément par mots-accents, mots-rythmes, mots-sons, mots-mélodies que les Français qui, eux, obéissent à un ensemble de mots-phrases-rythmes. - Et ces mots-phénomènes où les trouvez-vous? - L'idioticon flamand est d'une richesse inépuisable. - Il est également des critiques qui affirment que vous cherchez vos inspirations et vos modèles chez les modernes poètes allemands ou les peintres expressionnistes. - Erreur, grave erreur! En général, nous ne trouvons nos inspirations qu'en nous-mêmes ou plus exactement autour de nous, quoique nous nous refusions d'être les esclaves du monde réel, de l'objectivité. Un objet quelconque, une scène vue, un assemblage de mots, par exemple, ‘vache flamande dans une prairie’ doit avoir le pouvoir de déclancher tout le mécanisme de notre sensibilité; l'objet ou la scène vus ou suggérés se transforment en notre subconscient et par des mots, c'est-à-dire dynamiquement, chacun de nous exprime librement le processus de sa sensibilité. De là, diverses formes de plasticité et des prétendues déformations du monde réel, comme vous voyez ici, autour de nous, chez les peintres d'esprit nouveau. - Tous les poètes flamands d'esprit nouveau procèdent-ils de cette manière? - Non! Et l'on pourrait à mon sens les classer en trois groupes. Notez cependant que cette classification n'est pas du tout absolue. Il y a d'abord les poètes, disons psycho-cérébraux dont Karel van de Woestijne est le plus représentatif. Ces poètes n'expriment pas la véritable sensibilité; ce ne sont pas des lyriques purs; leur lyrisme a quelque chose d'artificiel ou de contraint. Ces poètes se rattachent à la tradition établie par le revue Van Nu en Straks, en 1890-93. Néanmoins ils doivent être estimés comme étant les précurseurs du moderne mouvement actuel de la poésie flamande. Ils ont ouvert la Flandre à la vraie évolution littéraire.
En 1916, la vision poétique flamande a nettement changée, et, depuis cette date, la poésie flamande compte des poètes d'esprit nouveau, des poètes vraiment modernes. Classons-les en deux groupes, l'un avec chef de file, Wies Moens. Ces poètes ont des préoccupations éthiques ou philosophiques, tandis que ceux de mon groupe sont des lyriques purs. Ils trouvent l'inspiration dans tous les phénomènes; l'essentiel de leur poésie est l'instrumentation, le son, le mot-accent, le mot-rythme, etc. Trouver des mots et les ordonner au rythme de sa sensibilité, cela seul importe. - On prétend que les poèmes de ces poètes sont incompréhensibles et intraduisibles en français. - L'oeuvre poétique doit être plutôt sentie que comprise. Il s'agit avant tout de faire apprécier des sonorités rythmiques suggérant des états d'âme, des visions surréelles; cette poésie fait surtout appel à des sensibilités très affinées ou des sensibilités très inquiètes. Quant à les traduire en français? Peut-on traduire des poèmes? Quelqu'un a-t-il déjà réussi à traduire du Verhaeren ou du Guido Gezelle? -...! ?... - Notre idéal à nous, poètes flamands d'esprit nouveau, est de sortir de l'étroit régionalisme, de nous élargir, de tâcher d'appartenir au grand courant de la sensibilité west-européenne de cette troublante époque d'après-guerre, et de créer par nos forces, en nous rattachant à la tradition Guido Gezelle - la seule vraie, je le répète - une tradition littéraire flamande parallèle...’ |
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