re propices à l'éclosion de certains talents, qu'on appelle dionysiaques, me voici ramené à mon sujet qui est un résumé des manifestations d'avant-garde pendant l'année 1925. Wies Moens, Marnix Gijsen, A.-J. Mussche, Frank van den Wijngaert et autres poètes du groupe ‘sérieux’ - le groupe des cosmiques, si vous trouvez ma première épithète trop peu sérieuse - n'ayant rien publié cette année-ci, force m'est de parler du groupe ‘pas sérieux’, de Gaston Burssens et de Duco Perkens, ce que je fais avec d'autant plus de plaisir que j'ai le vague espoir d'être admis parmi eux.
Le grand événement de l'année a été l'apparition de Piano, le recueil de poésies du Malinois Gaston Burssens. Aussi bien, les critiques, mon cher ami Jan Boon notamment, ont-ils proclamé M. Burssens le poète le plus insignifiant du mouvement d'avant-garde. Une telle assertion n'a d'ailleurs rien d'étonnant pour celui qui connaît le manque absolu de sérieux chez ce poète, encore qu'il porte doctoralement des lunettes à monture d'écaille.
La poésie de Burssens est toute en souplesse: saut d'un mot à l'autre, que le subconscient nous fait effleurer, ponts réussis entre les phrases, balancement au bout des phrases-branches ou bien encore échafaudage périlleux au sommet duquel Burssens plante le drapeau au lion noir (il vous dira que c'est une réclame de crème pour bottines), mais en vain il attend les applaudissements d'un public qui ne veut se dérider. Cependant ses surprises, pour multiples qu'elles soient, tiennent par une mesure qui n'use pas la possibilité de l'émerveillement et l'imprévu est toujours amené à propos. Et de quelle vision aiguë, de quelle netteté de dessin une poésie comme cette Terrasse ne témoigne-t-elle pas? Burssens est un poète-félin; cela suffit pour que nos amateurs de la poésie ne l'aiment pas. Les peuples du Nord détestent le chat. Ils ont d'autres bêtes domestiques, parmi lesquels ils affectionnent surtout le clergyman.
Sacre. Musique des sphères (‘Wijding. Muziek der sferen’), parfaitement: c'est le titre d'un autre recueil de poésies qui lui, de par son exaltation cosmique, est tout fait pour plaire à notre public. D'ailleurs, l'auteur ne détruit pas, mais, dit-on, acceptant ce qu'il y a de bon dans ce qui a été et dans ce qui est, il construit une beauté nouvelle, il aide à créer le style de notre temps. Nous voilà rassurés du sérieux de ce jeune poète. On applaudit M. Pol de Mont, qui, de son propre aveu, est un critique ‘ouvert à tout effort sérieux’, s'est trouvé, une fois de plus, dans l'obligation de lancer ce jeune poète. A chacun de prendre sa responsabilité.
J'avoue que la poésie de M. van den Aker ne me révèle aucun talent personnel.
Par trois plaquettes qui se sont succédé rapidement, nous apportant pêle-mêle des poèmes français et néerlandais. M. Seuphor a fait une tentative louable vers un apport nouveau, mais je crains fort que, sa grande indépendance de l'orthographe et de la grammaire mise à part, il n'y ait réussi. M. Seuphor, qui est assez sensible pour se méfier du sérieux de notre Flandre apathique, n'a eu que ce seul tort de se prendre lui-même trop au sérieux.
Les jeunes poètes de tradition qu'on nomme, d'après leur défunte revue, les poètes du groupe ‘'t Fonteintje’, ont publié une anthologie, préfacée par M. Jan van Nijlen, qui a profité de cette occasion pour écraser un peu les poètes que, d'un terme archaïque,