difficulté qui sépare la vision de l'expression définitive semble n'avoir jamais existé.
Les tableaux récents de Campendonk répondent surtout à cette caractéristique (La vacherie et Deux hommes dans Valori Plastici, IIe Année, n. 1). A mon avis, l'année 1920 a été d'une importance capitale dans l'évolution de ce peintre. Il n'est pas impossible que d'aucuns considèrent cette assertion comme trop hardie. Le fait est qu'en Europe, et spécialement en Allemagne, on a pris l'habitude d'appeler évolution les résultats nets d'une évolution et cela uniquement quand ce résultat paraît être diamétralement opposé aux résultats antécédents. Depuis qu'on a fait coïncider les termes ‘peinture abstraite’ et ‘peinture sans représentation’ (ungegenständliche Malerei), la critique s'est trouvée en possession de rubriques faciles. ‘Picasso retourne au classicisme’, ‘nouvelle période néo-classique’ voilà des phrases qui doivent faire fortune en Allemagne, parce que rubriques simples. Dans l'oeuvre récente de Campendonk les objets représentés restent égaux à eux-mêmes comme dans son oeuvre antérieure; ils ne se distinguent que par le qualitatif: la construction picturale s'est identifiée avec la vision; la dualité entre expression et vision disparaît. L'anatomie primitive est devenue plus logique et plus nécessaire. En même temps, Campendonk a triomphé de la couleur pure qui, rouge et vert, dominait dans ses tableaux lyriques, et de la grisaille dont il se servit dans ses oeuvres de transition pour se débarrasser de son coloris lyrique.
La construction est devenue plus simple et plus vraie. En d'autres mots, ses toiles antérieures exposent encore le mécanisme de la construction, le comment et le pourquoi. Son oeuvre récente est plus simple parce que, une fois construite, les causes et les effets s'effacent. Parallèlement, ses toiles antérieures étaient d'une construction plus éparpillée et, parfois, le lyrisme de la vision n'était pas limité par une construction picturale adéquate; parfois cette construction était une interprétation trop scientifique de la vision. Dans La vacherie, qui est un tableau de transition, on voit les deux formes de l'expression l'une à côté de l'autre: les formes de vision et d'expression, à côté d'une construction trop scientifiquement expressive, notamment la forme prismatique qui domine le bas du tableau et qui se trouve en désharmonie avec la simplicité qui rappelle l'objectivité suggestive de quelques oeuvres de Geertgen tot Sint Jans.
Son oeuvre nouvelle est plus unie; d'abord, parce que la distribution de la lumière (voir Deux hommes et Les baigneuses) est plus harmonique, plus dans le sens de la surface plane et qu'elle est qualité inhérente du tableau, c'est-à-dire ne dépendant pas d'une source lumineuse extérieure. L'expression schématique de la vision primitive répond à des nécessités picturales évidentes. L'expression se simplifie: telle la construction en parallèles des Baigneuses, la construction en contrastes d'horizontales et de verticales des Deux hommes. Parfois ses tableaux antérieurs se servent encore de moyens multiples et compliqués; et l'accumulation de détails primitifs, qui par leur nombre deviennent compliqués, doit nécessairement se faire au détriment du tout primitif. Dans l'oeuvre nouvelle, les moyens sont réduits pour ainsi dire à leur plus simple expression. Les objets sont plus réels, parce que l'expression étant devenue plus élémentaire, elle s'identifie avec la vision fantasmatique. La limitation des objets, leur aséité constituent l'expression principale. L'anatomie élémentaire réduit de plus en plus la multitude des formes; ré-