Orion
(1836)–Pieter Nieuwland– Auteursrechtvrij
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Orion! est-ce toi, que tant d'éclat devance,
Toi, qui vois des soleils pâlir à ta présence,
Comme l'astre des nuits s'efface aux feux du jour?
Salut, héros! salut! surgis à l'empyrée!
Que nos regards, fixés sur la plaine éthérée,
Soient en extase à ton retour!
Que d'étoiles, - sur ta ceinture,
Sur ton glaive, sur ton armure,
Versent leurs reflets par torrens!
Non loin de Bellatrix, sur ton épaule ardente,
Apparaît Bételgeuze, empourprée, éclatante,
Et Rigel resplendit à tes pieds flamboyans.
Au geste menaçant de ton bras qui se lève,
Tandis que le Taureau fuit l'éclair de ton glaive,
L'Ourse du nord rugit et poursuit son chemin;
Le sanglant Aldébaran même,
Évitant ta massue, à ton aspect suprême,
Te fait place au dôme divin.
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Ainsi, dans les Royaumes sombres,
Qu'habitent des guerriers les héroïques ombres,
Tu chasses devant toi les hôtes des forêts;
Ainsi, lorsque le monde était tout jeune encore,
Subjuguant, d'un coup d'oeil, le tendre coeur d'Aurore,
Tu parus, beau de mille attraits!
La fille de Latone, armant sa jalousie,
Pour s'en venger, saisit ses flèches; et ta vie
Fut immolée à son courroux.
Mais Jupin déjoua les complots de sa haine,
Et tu luis à jamais dans la céleste plaine,
Malgré ses déplaisirs jaloux.
Tandis qu'éclairant ta couronne,
Un peuple de soleils autour de toi rayonne,
Sirius, Procyon, accompagnent tes pas.
Quelle voix nommerait ces brillantes armées?
Devant cet océan, ces iles enflammées,
Quel pinceau ne tremblerait pas?
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Guide de mon héros, qui, lorsque ta lumière
Suit le soleil qui nous éclaire,
Viens prêter ton nom à nos jours,
O Canicule! es-tu le sinistre présage
De quelque effroyable ravage?
Devons-nous redouter ton cours?
Non! l'erreur enfanta cette fable grossière.
Ta propice clarté sourit à ma paupière,
Princesse de ces globes d'or!
Et quand, plein de respect, je te vois et t'admire,
Ma brûlante pensée où mon âme respire,
Loin, bien loin de la terre emporte mon essor.
Ces astres, ces flambeaux de la sphère infinie,
Celui qui même échappe à ta vue éblouie,
Ne sont-ils, vain mortel, allumés que pour toi?
Au merveilleux aspect de ces voûtes de flamme,
Ne sens-tu pas surgir d'autre idée en ton âme?
Ton misérable coeur ne pense-t-il qu'à soi?
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Est-ce pour toi seul, téméraire!
Que ces mondes flottans roulent dans leur ornière?
Pour ton usage seul sont-ils là si nombreux?
Toi qui, créé de rien, d'une frêle existence,
Goûtes la courte jouissance,
Comme l'insecte impur qui rampe sous tes yeux!
Es-tu si peu de chose, ô mortel, sur la terre?
Ce globe, dont tes pieds méprisent la poussière,
Est un de ces milliers de globes lumineux
Qui se meuvent ensemble autour d'un astre immense,
Et sur leur chemin, en silence,
De la même lumière empruntent tous leurs feux.
Tous ressentent son influence:
L'un vogue à ses côtés; l'autre, à grande distance,
Peut-être, en cinq mille ans, le salue un seul jour;
Ou, peut-être, soustrait à cettedépendance,
Ne brilla qu'une fois soumis à sa puissance,
Pour lui dire adieu sans retour!
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Chaque point radieux, dans cette mer d'étoiles,
Celui que la nuit même a caché dans ses voiles,
Est un ardent foyer, plein de vie et d'éclat,
Qui voit autour de lui, sous des voûtes profondes,
Des mondes planant sur des mondes,
Graviter dans l'Ether sans chute et sans combat.
Imagination, c'est toi que je réclame!
Oh! viens, si tu le peux, sur tes ailes de flamme,
Viens guider mon esprit, trop lent pour mon désir,
A travers ces sillons qui caressent ma vue;
Découvre-moi les cieux; ouvre-moi l'étendue;
De la création, oh! laisse-moi jouir!
Ces blanches lueurs, cette voie,
Telles qu'un océan où l'oeil mortel se noie,
Sont d'autres dômes étoilés,
Dont la splendeur sans fin de bien loin étincelle,
Et que la Sagesse éternelle
Nous montre comme un cercle et n'a point dévoilés.
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De ces mondes, eh bien! as-tu vu les limites?
Sais-tu jusqu'où vont leurs orbites?
Atome! qui te crois la force d'un géant!
Vers mon héros encore élève ton hommage;
Jette encore une fois les yeux sur son image,
Et disparais dans ton néant!
Orion! Orion! - ta divine lumière
Me transporte de sphère en sphère;
Dégage mes pensers du terrestre chaos.
Toujours à t'admirer tu me revois fidèle;
Et mon oeil chaque fois, dans ta splendeur nouvelle,
Découvre pour mes chants des prodiges nouveaux.
Mais quoi! ne vois-je pas, dans ton glaive qui brille,
Un faible cercle qui scintille,
Et semble fuir en pâlissant?
Une tache qui veut, à la vue incertaine,
Dérober, par degré, sa lumière lointaine?
Quel est ce nuage luisant?
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Ce nuage luisant, ô mortel! c'est, sans doute,
D'autres sillons lactés, sous une même voûte,
Où roulent des soleils, comme des sables d'or!!...
Imagination! descends, car je succombe!
Avant que de si haut mon faible esprit retombe,
Abaisse, abaisse ton essor!
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