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A tresillvstre
et vertvevse
princesse,
Madame Ieanne d'albret, Royne de Navarre, Georgette
de Montenay humble
salut.
EN rougissant, voire & tremblant de crainte
De ne pouuoir venir à mon atteinte,
Ie prens en main la plume pour escrire
Ce que ne peux assez penser ne dire:
Dont me voy pres d'vne iuste reprise,
Si ie poursuy si hautaine entreprise,
De commencer & ne parfaire point:
Il est meilleur de nes'en mesler point
Dira quelcun plus que moy auisé:
Mais bon vouloir n'est iamais mesprisé,
Combien qu'il soit tant seulement vtile
Lors que l'effect luy est rendu facile.
Regardant donc ma foible petitesse,
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Et l'approchant de la haute hautesse
De voz vertus, (ô Princesse bien nee)
Ie pers le coeur ma Muse est estonnee,
Combien que i'ay la plume encor en main.
Mais pour tel faict trauailleroit en vain:
Car beaucoup moins vos vertus immortelles
Pourrois nombrer que du ciel les estoilles.
Par force donc suis contrainte me taire,
Pour n'estre pas ditte trop temeraire,
Laissant traitter vos vertus magnifiques
Aux Excellens Poëtes angeliques,
Qui toutesfois n'ont pas meilleur vouloir:
Mais trop iesen debile mon pouuoir.
Ce neantmoins tant que viue serai,
Par mes escrits en vers confesserai
Que l'Immortel de vous faisant son temple
Vous façonna pour estre à tous exemple,
Et vrai pourtraict de son image saincte
Que lon contemple en reuerence & crainte.
Il n'a voulu d'vn seul don vous pouruoir,
En vous faisant Roy ne de grand pouuoir,
Acquerir los, voire plus haut qu'en terre:
Mais a rempli vostre vase de terre
De ses tresors en nombre non nombrable:
Et c'est ceci que ie tien admirable,
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Recognoissant ce qui en vous reluit
N'estre de vous, ains de Dieu qui y mit
Vne foy viue qu'en vous il a plantee
Pour par icelle en son fils estre entee,
Comme les fruicts en rendent tesmoignage,
Quand auez fait que maint bon personnage
Est recuilli doucement en vos terres,
Et les Chrestiens receuez de bon vueil,
C'est au seul Christ que faites tel acueil.
Car quand les Rois ne les peuuent souffrir,
Vous leur venez biens & paix offrir,
Voire à celuy lequel à Christ s'auouë,
Sans s'espargner. Donc force est que i'auoë
Que l'Eternel en vous a fait merueille.
Dames ouyez, chascun ese reueille
Pour contempler en ioye & en liesse
Les faits de Dieu enuers vne Princesse.
Veuillez de coeur ses graces recognoistre,
Et ainsi qu'elle il vous fera renaistre
En saincteté, iustice, & coeur humain.
Car tous ces dons sont tosiours en sa main
Pour sur les siens parson Fils les espandre.
D'autre costé ne vous faut rien attendre.
Ce n'est qu'abus, mensonge, tromperies,
Où nous auons nos ames nourries.
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Ne souffrez plus, damoiselles gentiles,
L'esprit rene vaquer à choses viles:
Ains employez l'à mediterles faits,
Et faire escrits de cil qui nous a faits,
Et qui nous veut à lui par Christ vnir,
Si nous voulons à lui par foy venir.
Or quant à moy (Princesse) i'ay courage
Vous presenter ce mien petit ouurage:
Et craindrois fort deuant vous l'approcher
S'il vous plaisoit le voir & eplucher
Au grand midi de vostre oeil cler-voyant,
Soit demi clos plust ost humiliant
Pour regarder chose si mal limee,
Mal à propos & sottement rimee.
Encor à vous les fautes paroistront
Qu'au plus beau iour autres ne cognoistront.
Vostre bonté mon imperfection
Couure, en prenant ma bonne affection.
Car si i'enten qu'y ayez pris plaisir,
Lors sentiray m'accroistre le desir,
De trauailler à quelque autre oeuure faire
Qui vous pourra plus que ceste-cy plaire,
Que i'entrepren non partemerité,
Mais pour fuyr maudite oisiueté,
Qui de tout vice est la droite nourrice.
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Pensant aussi qu'il sera bien propice
A mainte honeste & dame & demoiselle
Toucbees au coeur d'amour saint & de zele,
Qui le voyans voudront faire de mesmes,
Ou quelqu'autre oeuure à leur gré plus qu'Emblémes:
Que toutesfois porront accommoder
A leur maisons, aux meubles s'en aider,
Rememorans tousiours quelque passage
Du saint escrit bien propre à leur vsage,
Dont le Seigneur sera glorifié,
Et cependant quelcun edifié.
Mais quant à vous (las, ma Dame) ien'ose
Vous dire rien de si petite chose,
Petit, ie dy, ce qui est de ma part:
Grand en cela qui vient d'oule bien part.
Si vous sentez qu'il gratte trop la ronge
A qui a tort, contre Verité grongne,
Pardonnez moy: le temps le veut ainsi,
Et verité m'y a contrainte aussi.
Car ce fol monde ignorant se consomme,
Et ne se veut point reueiller nostre homme.
Donques afin que nous le reuellions,
Ces cent pourtraitz seruiront d'aguillons
Pour reueiller la dure lascheté
Des endormis en leur lasciueté
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Alciat feit des Emblémes exquis,
Lesquels voyant de plusieurs requis,
Desir me prit de commencer les miens,
Lesquels ie croy estre premier Chrestiens.
Il est besoin chercher de tous costez
De l'appetit pour ces gens degoustez:
L'vn attiré sera par la peinture,
L'autre y ioindra poësie, & escriture.
Ce qu'imprimé sera sous vostre nom,
Lui donnera bon bruit & bon renom.
Or tout le but & fin ou i'ay pensé
C'est le desir seul de veoir auancé
Du fils de Dieu le regne florissant.
Et veoir tout peuple à luy obeissant:
Que Dieu soit tout en tous seul adoré,
Et l'Antechrist des enfers deuoré.
Et vous (ma Dame) en qui tout bien abonde,
Miroir luisant & perle de ce monde,
Qui me daignez faire si grand honneur,
Que receuoir ce mien petit labeur,
Combien que soit de voz grandeurs indigne,
Est de l'honneur & seruice le signe
Que ie vous doy, & preten de vous rendre
Toutes les fois qu'il vous plaira le prendre.
Ie ne puis rien augmenter par priere
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Vostre grandeur & vertu singuliere.
Vous deuez donc en toute obeissancé
Vous contenter de Christ, qui iouïssance
De ses tresors vous a voulu donner,
Lesquelz n'auez voulu abandonner.
Ie requier donc, pour fin de ce propos,
Qu'apres voz iours entriez au vrai repos.
Vostre treshumble & tresobeïssante
Subiette, vraye & fidele seruante
Que de nommer honte n'ay,
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