Besluit der dichtlievende uitspanningen, met verscheidene byvoegzelen
(1762)–Jan Jacob Mauricius– Auteursrechtvrij
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Reponse.LE sentiment en soi même n'est ni bonheur ni malheur. Le sentiment est par raport à l'ame, ce que sont les sensations par raport au Corps. Prenons pour exemple le gout, & c'est la même chose avec les autres sens du Corps. Le gout en soi même n'est ni delicieux, ni desagreable, mais c'est une sensation de l'un & de l'autre. Donnez à un homme de gout un mets delicieux, il en savourera toutes les delices, & s'en delectera. Donnez lui un plat mauvais, il en sentira tous les defauts, & le rejettera. Donnez à un homme sans gout les mêmes plats. Il ne trouvera rien d'extraordinaire dans l'un, & il croquera l'autre | |
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avëc un appetit egal. Appliquez cette comparaison au sentiment de l'ame. Qu'un homme à sentiment aie du bonheur, il en sentira tous les avantages, & sera penetré de contentement, & de joye. Qu'il aié du malheur, il en sentira tous les desavantages, & se chagrinera profondement. Qu'un homme sans sentiment aie du bonheur, il n'en sentira pas les avantages, & sera indifferent. Qu'il aié du malheur, il n'en sentira pas tous les effets, & son chagrin ne sera que passager. Ainsi en Amour & en Amitie. Un homme a sentiment, s'il trouve une Maitresse belle, qui reponde a son Amour, il goutera tous les charmes de la tendresse. Qu'elle soit cruelle ou infidelle, il sera au desespoir, il en mourra. Donnez les mêmes situations a un homme sans sentiment. Dans le premier cas il traitera l'amour comme un mecanisme, ou tout au plus comme un badinage, dans le second il paiera le mepris par l'indifference, & un prompt oubli. Ainsi avec un Pere à sentiment, ses Enfans, si leur conduite repond à son amour, le feront revivre, si non ils le | |
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mettront au tombeau. Un Pere sans sentiment, verra l'un & l'autre sans emotion. Conclusion, Le sentiment est comme un miroir, qui n'est ni beauté, ni laideur, mais qui represente les objets, qu'on lui offre, & NB selon que la glace est taillée, il les represente ou dans leur veritable grandeur, ou plus grands, ou plus petits. Cependant on pourroit donner à la proposition un autre tour. Quaeritur, si un homme, entrant dans le monde, avoit le choix d'avoir du sentiment ou non, qu'est ce que il devroit choisir? S'il savoit son destin d'avance, il feroit son choix à bonnes enseignes. Mais ne le sachant pas, le plus sûr seroit de choisir de n'en avoir pas. Pourquoi? Puisque l'apparence du bonheur ou du malheur dans la vie humaine est du moins dit contre un du coté du malheur. Ainsi n'aiant pas de sentiment, il perdra un dixieme du coté du bonheur, mais il gagnera neuf dixiemes du coté du malheur. Dieu, dit Montagne quelque part, nous a promis des tribulations, & il à tenu loyalement parole.
1758. |
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