Monsieur,
JE vous suis bien obligée de la dissertation sur le sentiment, que vous venés de m'envoyer: Elle est très bonne & très solide; je la trouverois sans contradiction, n'etoit l'expedient de capituler avec ce que le Philosophe nomme le destin. C'est dans le fonds une jolie defaite, que la paresse des uns, & l'impatience des autres accepteroit avec empressement preferablement à tout ce que l'imagination a crée de plus flatteur, le malheur est, que s'en seroit l'aboutissant. Pour moi qui suis vieille, & qui ne pense plus avec cette legereté, qui embellit les idées, je crois qu'il faudra s'en tenir â ce que nous aprend la Religion, qui nous dit, que l'homme n'est point né pour un bonheur parfait ici bas. Cherchons là, la source des maux, auquels le sentiment assujettit ceux, qui en sont susceptibles. C'est le fond de l'Etoffe, elle se nuance, selon les circonstances, les objets, & les situations. Je m'egare, quelle entreprise pour moi de disserter vis à vis d'une perfonne eclairée, & bien trop versee pour moi! Je devois glisser sur la matiere, elle n'est point à ma portée. Je suis plus propre, Monsieur, à vous assurer, du plaisir, avec lequel je vous verrai toujours, & l' Estime dont je suis.
Monsieur,
Vôtre Très-humble & Très-obeissante Servante,
à Hambourg 14 Juin 1751.
J. ELISABETH.