Fénelon en Hollande
(1928)–Henri Gérard Martin– Auteursrecht onbekend
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Quatrieme partie
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A - Demonstration de l'Existence de DieuEn 1712 parut à Paris la première édition de cet ouvrage philosophique, où Fénelon, par ‘le spectacle de la Nature’, puis par des preuves ‘tirées des idées intellectuelles’, démontre l'existence de l'Etre Suprême. Dès l'année suivante la publication eut lieu à Amsterdam chez les éditeurs L'Honoré et Chatelain, et deux ans après les mêmes éditeurs en lancèrent déjà une quatrième édition. Bien que nous ayons trouvé l'indication de l'édition de 1713Ga naar voetnoot1 chez M. Cherel, au Journal littéraire et dans la Bibliothèque choisie, nous n'avons pas réussi à en avoir communication. Nous | |
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n'avons trouvé nulle trace de la seconde ni de la troisième édition et seule l'indication ‘quatrième édition’ dans l'exemplaire de 1715 en prouve l'existence. Une nouvelle édition parut en 1721, également à Amsterdam chez L'Honoré et Chatelain: c'est la première où se trouvent réunies les deux parties de la Démonstration Le Journal Littéraire de 1731Ga naar voetnoot1 fait mention d'une réimpression du même ouvrage, à laquelle on a joint les Lettres sur divers sujets concernant la religion et la métaphysique et aussi les Sermons. Selon le rédacteur ces parties n'avaient pas encore été publiées auparavant dans les Provinces-Unies. La publication eut lieu à Amsterdam chez Zacharie Chatelain. A côté des éditions françaises, il y a eu une traduction hollandaise en 1715, qui eut une réimpression en 1726Ga naar voetnoot2, de sorte que nous constatons que la sympathie pour cet ouvrage de l'Archevêque de Cambrai se manifestait aussi parmi ceux qui ne savaient pas le français. Il doit y avoir eu une autre traduction hollandaise, publiée à Rotterdam chez Hendrik Maronier: nous en avons trouvé deux fois la mention dans le Naamregister d'Arrenberg, cependant sans mention de la date de la publication. A notre regret nous n'avons retrouvé aucune de ces éditions traduites. Chercher à démontrer dans les oeuvres de la nature la toutepuissance et la grandeur du Créateur fut au XVIIIe siècle une manifestation importante du déisme naissant, non seulement dans notre patrie, mais aussi dans les pays environnants. Parmi ceux qui ont démontré l'existence de Dieu, dit en 1741 Johan Lulofs dans la préface de sa traduction des sermons de Richard BentleyGa naar voetnoot3, il faut compter, outre Fénelon, Nieuwentijt, Durham, Ray et Scheuchzer (§ 7), et dans le paragraphe onze de la même préface il relève spécialement la Démonstration de l'Existence de Dieu comme le livre qui combat le mieux l'athéisme. Parmi les ouvrages qui nous sont venus de l'étranger nous | |
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mentionnons la Théologie Physique ou Démonstration de l'Existence et des Attributs de Dieu, tirée des oeuvres de la Création par William Derham, recteur d'UpminsterGa naar voetnoot1; les Betrachtingen van Godt's werken, zo der Natuur als der Genade, volgens aanleiding van Ps. LXV par Chr. Bruinings, professeur de Théologie à l'Université de HeidelbergGa naar voetnoot2. Chose curieuse, en 1781 le Boekzaal mentionne même une épopée en sept chants sur le même sujetGa naar voetnoot3 où ‘quelqu'un qui aime la philosophie’ suit le français de Dulard. Dans notre pays Bernard Nieuwentijt écrit en français son traité de l'Existence de Dieu, démontrée par les merveilles de la Nature, en trois parties, où l'on traite de la Structure du corps de l'homme, des Eléments et des Astres et de leurs effetsGa naar voetnoot4; J.-C. Albers publie Het aanwezen en kennelijk bestaan Gods en de onsterfelykheid der zielenGa naar voetnoot5. Nous pourrions continuer à apporter des titres à citer. Que ceux-ci suffisent pour prouver qu'un peu partout les mêmes idées occupaient les esprits. Constatons cependant en même temps qu'aucun de ces livres n'a eu le succès de l'ouvrage de Fénelon: les trois éditions françaises et les trois traductions hollandaises, publiées dans un espace de seize ans, sont un succès dont nul des autres auteurs ne peut se vanter. Il est vrai que Fénelon a été le premier qui ait entamé le sujet. Est-ce à dire qu'il ait suggéré l'idée du sujet aux autres? L'oeuvre de Derham était connue dans notre pays dès 1726 par une traduction française portant un titre presque identique à celui de l'ouvrage de FénelonGa naar voetnoot6; celle de Clarc avait été déjà traduite en français en 1717 par M. RicotierGa naar voetnoot7. Nous nous trouvons donc en présence de trois ouvrages qui traitent le même sujet et qui ont fait leur entrée dans notre pays presque à la même époque. Du reste nous connaissons la prédilection des Hollandais pour la littérature | |
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théologique des Anglais, de sorte que nous pouvons admettre que, si Fénelon a exercé de l'influence sur les auteurs d'oeuvres postérieures, ses idées doivent s'être tellement confondues avec celles d'autres philosophes qu'elles ne peuvent plus en être distinguées. | |
B - Dialogues des Morts - Contes, Fables - Vies des anciens PhilosophesLes ouvrages que Fénelon a écrits en sa qualité de précepteur de Louis de Bourgogne forment les trois recueils cités en tête de ce chapitre. Les Fables et les Contes appartiennent à la première période de son enseignement: ils ont servi avant tout à former le caractère du jeune duc, ‘tantôt à confirmir en lui ce qu'il y avoit de bon et de grand; tantôt à corriger d'une manière douce ce que son naturel avoit de défectueux’Ga naar voetnoot1. Les ayant écrits en partie en latin, Fénelon les aura utilisés aussi pour initier son élève aux premiers éléments de cette langue; dans le même dessein il a traduit en prose latine un grand nombre des fables de La FontaineGa naar voetnoot2. A côté des fables composées par lui-même et celles qu'il | |
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a traduites de La Fontaine, il s'est servi des fables qu'Audin, prélat de Terme et de la Fage, avait écrites en 1659 pour Louis XIVGa naar voetnoot1. Après les Fables et les Contes, les Dialogues des Morts et les Vies des anciens Philosophes ‘insinuaient au jeune prince, par des instructions familières à la portée de son âge, les plus sublimes maximes de la Politique et de la Morale’Ga naar voetnoot2; cette lecture devait être couronnée par la lecture du Télémaque. Dialogues de Morts, Contes, Fables, tout cela foisonne aux XVIIe et XVIIIe siècles. D'ailleurs on les trouve déjà dans l'antiquité; Fénelon n'a donc pas été initiateur dans ce domaine. Une dizaine d'éditionsGa naar voetnoot3 des Dialogues, Contes et Fables témoignent de la grande sympathie dont ils ont joui dans notre pays. Nous constatons que, tout comme pour le Télémaque, les éditions du XIXe siècle sont spécialement destinées aux écoles. Nous n'avons pas vu ces éditions scolaires: ils ont vraisemblablement subi le sort de tant de livres d'école et ont péri sous les mains destructrices de ceux qui s'en servaient. Nous savons seulement que le rédacteur des Vaderlandsche LetteroefeningenGa naar voetnoot4 est peu content de l'édition hollandaise de 1819 faite par les soins de H.-J. Meerman van der Horst, parce qu'elle parle des Métamorphoses d'Ovide dans un livre pour la jeunesse et qu'elle contient tant de fautes d'orthographe dans des noms propres très connus, p.e. Shakspere. Les fautes de ce genre sont du reste très fréquentes au XVIIIe siècle. Ce n'est que rarement que nous avons rencontré des contes ou des fables de Fénelon dans d'autres livres, bien que nous soyons presque sûr qu'il y en aura eu dans les recueils de lectures variées qui sont si nombreux au XVIIIe et au XIXe siècles. Il faut nous arrêter un moment aux Aventures d'Aristonoüs, qui ont servi souvent d'appendice aux éditions du Télémaque. Nous savons qu'on n'y avait pas reconnu au début un ouvrage | |
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de Fénelon, mais qu'une ressemblance de style entre les deux ouvrages avait amené l'éditeur Moetjens à les réunir dans un seul volume. Quant aux Vies des anciens Philosophes nous ne les avons retrouvées que dans l'édition des Dialagues des Morts de 1727. Le Naamregister d'Arrenberg en mentionne une édition hollandaise en 1824 adaptée pour la jeunesse. | |
C - Lettre a Louis XIV - Tables de Chaulnes - Directions pour la Conscience d'un RoiLes ouvrages politiques de Fénelon n'ont pas eu un grand succès dans notre pays. La Lettre à Louis XIVGa naar voetnoot1 et les Tables de ChaulnesGa naar voetnoot2 ont probablement un caractère trop spécial et trop personnel pour qu'elles aient pu intéresser les Hollandais. Aussi | |
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n'avons-nous trouvé aucune trace de ces deux écrits dans notre pays. Si nous avons intercalé dans la Table bibliogr. et chronologique l'édition de 1722 de l'Essai sur le Gouvernement civil selon les principes de Fénelon, c'est que les éditeurs ont vu dans cet ouvrage l'oeuvre de l'Archevêque de Cambrai, ne se doutant pas que Ramsay en était l'auteurGa naar voetnoot1: c'est donc une vraie influence fénelonienne que nous pouvons voir dans cette publication, quand même c'en est une qui est le résultat d'une erreur. Les Directions pour la conscience d'un roi, ou comme le titre original les nommait Examen de conscience sur les devoirs de la royauté, méritent d'être traités plus amplement. La première fois que nous trouvons mentionné cet ouvrage est en 1734, quand les libraires Hofhout, Wetstein et Chatelain avaient formé le projet de l'imprimer, avec d'autres pièces, à la suite du Télémaque dans leur édition de luxe. Quoique la cour de France ait exigé la suppression de ces additions, Graesse semble avoir connu des exemplaires qui ont échappé à la censureGa naar voetnoot2. Avant ou après l'édition de Hofhout-Wetstein-Chatelain, mais aussi en 1734, le libraire M. Magerus publie les Directions: les exemplaires de cette édition furent recueillis par le Magistrat d'Amsterdam, également à la prière du gouvernement français, de sorte qu'ils sont devenus extrêmement raresGa naar voetnoot3. Nous devons aller jusqu'à 1747 et 1748 pour trouver dans notre pays de nouvelles éditions des Directions. Dans les treize années qui se sont écoulées, la cour de France semble avoir abandonné son point de vue de 1734: six éditions françaises et une traduction hollandaise peuvent voir le jour, sans qu'elle songe à s'y opposerGa naar voetnoot4. | |
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Nous nous sommes demandé si la nomination de Guillaume-Charles-Henri Friso au stathoudérat de Hollande n'a pas contribué à faire naître ces nombreuses publications. En effet, comme Fénelon par son livre tâchait de faire entrevoir au duc de Bourgogne tout ce que la royauté exigerait de lui, nous pouvons croire que l'attention du nouveau stathouder devait être attirée sur la grande importance de la haute fonction restée si longtemps vacante. Nul livre n'aurait été plus propre à atteindre le but visé. Ce long interrogatoire, où les questions sont formulées avec une extrême précision, ne peut pas avoir laissé de faire une profonde impression sur l'esprit de Guillaume IV, qui était tellement rempli de la volonté de retirer le pays de l'état de décadence où la guerre de la succession d'Espagne l'avait plongé et que celle de la succession d'Autriche faisait si clairement ressortir. Il est vrai que les Directions contiennent plusieurs allusions au règne de Louis XIV; toutefois, en généralisant, elles peuvent être bien profitables à tout autre prince. Pour les stathouders, ses prédécesseurs, le livre n'aurait peut-être pas eu la même utilité: au fond ils n'étaient que les serviteurs des Etats-Généraux et des Etats des provinces. Cependant on avait agrandi de toutes les façons le pouvoir de Guillaume IV, afin de le mettre en état d'être aussi indépendant que possible. On nourrissait de grandes espérances à son égard, mais c'est pour cela justement qu'il ne devait pas se montrer indigne de la foi qu'on avait en lui et qu'il devait être pour le peuple un exemple de vertu, de sagesse et de justice. Ce sont là précisément les points cardinaux sur lesquels l'ouvrage de Fénelon insiste avec tant de force: ‘il ne s'agit plus, dit Paul JanetGa naar voetnoot1, de cette morale banale et monotone du Télémaque qui semble plutôt faite pour des enfants que pour des hommes. C'est une vraie morale politique concrète; ce sont des conseils pressants, précis.......’ Outre la coïncidence des dates, il y a encore un motif pour lequel nous avons pensé à un rapport entre la publication des Directions et la nomination de Guillaume d'Orange. L'exemplaire | |
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qui se trouve à la Bibliothèque Royale de la Haye porte la dédicace autographe suivante: ‘Au Prince d'orange de la part de son très fidèle serviteur W. Bentinck’Ga naar voetnoot1. Le fait que cet ami intime lui fait cadeau de ce petit livre, peut fournir la preuve qu'il y voit un manuel très applicable aux circonstances. Après les trente-sept Directions l'édition contient deux autres chapitres tirés de l'oeuvre de Fénelon: Le Droit légitime de former des Alliances et Diverses Maximes sur la saine Politique. Treize ‘Maximes’ en forme de quatrains ont été placées à la fin du livre sous le titre collectif de La Sagesse humaine ou le Portrait d'un Honnête-Homme par le même Archévêque de Cambrai, imprimé en Placard, tant à l'usage de son Diosèse, que de ceux relevans de sa MétropoleGa naar voetnoot2. | |
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Malgré l'assertion positive du titre que ces quatrains ont été composés ‘par le même Archevêque de Cambrai’, nous nous voyons obligé de nous demander si, en effet, Fénelon en est le poète. La même question s'est imposée en 1839 à Me J. PanGa naar voetnoot1, qui a tâché de retrouver l'original de plusieurs poèmes de W. | |
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BilderdijkGa naar voetnoot1. Le plus souvent Bilderdijk mentionne dans ses manuscrits les sources de ses empruntsGa naar voetnoot2. Or, pour les Grondregelen, qui se trouvent dans le Nederlandsche Muzen-Almanak de 1830Ga naar voetnoot3, il s'est contenté de dire qu'il les a composés ‘d'après les quatrains français’. Ces Grondregelen sont une traduction rimée des quatrains qui se trouvent à la fin de l'édition des Directions. Aux treize Maximes ‘de Fénelon’, le poète hollandais ajoute un quatrain final: Heb deze reêglen als een richtsnoer steeds voor oogen,
Gij jongling, die den voet op 's levens heirbaan zet;
Maar zie bij alles op naar 't alziend Alvermogen
Dat kracht en wijsheid geeft en uit bekommering redtGa naar voetnoot4.
Dans ses recherches pour trouver le modèle français dont Bilderdijk s'est servi, PanGa naar voetnoot5 a pensé d'abord aux Quatrains de PibracGa naar voetnoot6, qui dans notre pays, comme en France, ont eu beau- | |
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coup d'admirateursGa naar voetnoot1: cependant les treize quatrains ne s'y trouvent pas. En creusant sa mémoire, Pan s'est souvenu plus tard qu'il avait lu aussi des quatrains dans le Magasin Pittoresque et il eut la satisfaction de trouver dans ce périodique les petites strophes en questionGa naar voetnoot2. Dans un article intitulé Poètes français moralistes l'auteur inconnu passe en revue plusieurs compositeurs de quatrains: Pibrac, Favre, Matthieu, Parent, Forget, Ronsard, Claverger, etc. ‘Un des plus beaux génies du grand siècle, Fénelon, si admirable poète en prose, n'a point dédaigné d'écrire quelques maximes morales en vers prosaïques. Cet illustre exemple suffirait pour démontrer que le seul but de cette classe de poètes moralistes dont nous nous occupons, est d'insinuer plus subtilement dans la mémoire les leçons de la sagesse’. Fénelon est donc nommé dans cet article le poète des fameux quatrains. Ce qui est étrange, c'est que dans aucune édition d'ouvrages de Fénelon on ne les retrouve, pas même dans celle de Versailles de 1820. Nous devons donc finir en disant avec Pan que ‘le père de cet enfant littéraire n'est pas connu’Ga naar voetnoot3. Le même éditeur Jean Neaulme publie à la Haye dans l'année 1747 une Nouvelle Histoire de Messire François de Salignac de la Mothe-Fénelon......, publiée par ordre de feu Mr. le Marquis de Fénelon, ci-devant Ambassadeur de France en Hollande; Sur l'édition procurée à Londres par Md G., qui ‘peut être considérée comme une espèce de second volume à la Conscience d'un Roi’Ga naar voetnoot4. Il est bien | |
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évident que l'affaire du Quiétisme occupe la plus grande partie de ce livre. Pour les autres éditions des Directions nous devons être très bref, parce que nous n'en avons vu que celle qui se trouve en 1761 dans les éditions in-4 et in-folio du Télémaque. Excepté celles-ci toutes ont été publiées à La Haye chez Neaulme. Nous voudrions attirer spécialement l'attention sur la traduction hollandaise de 1748 et sur l'édition de 1768, dont l'apparition coïncide à peu près avec la majorité du stathouder Guillaume V. | |
D - La Lettre a l'Academie - Dialogues sur l'EloquenceBien que les Dialogues sur l'Eloquence soient une oeuvre que Fénelon a écrite dans sa jeunesseGa naar voetnoot1 et que la Lettre à l'Académie soit le dernier ouvrage de l'Archevêque de Cambrai, nous avons préféré les nommer dans l'ordre chronologique de leur publication: ce n'est qu'à son apparition que commence la véritable existence d'une oeuvre. A part ce motif, nous en avons eu un autre, c.-à-d. la grande importance de la Lettre à l'Académie, que Fénelon adressa à la Compagnie sous le titre de Réflexions sur la Grammaire, la Rhétorique et la Poétique. ‘Cette Lettre à l'Académie est, après l'Art poétique, le plus important ouvrage que la critique nous présente; avec elle, nous sommes à la fois tout près et très loin de Boileau...... Fénelon admire les anciens: mais il ne fonde pas son admiration sur des règles absolues et évidentes; il nous donne des impressions plutôt qu'il ne formule des règles. Avec la Lettre à l'Académie, la relativité du goût devient secrètement le principe de la critique. Mais la Lettre à l'Académie resta à peu près sans influence’Ga naar voetnoot2. En 1694 l'illustre Compagnie avait publié la première édition de son Dictionnaire et, déjà au début du XVIIIe siècle, une seconde édition parut nécessaire. Elle le soumit à une revision radicale et allait être prête, lorsqu'elle se demanda ce qu'elle ferait une fois ce travail fini. Pour avoir les avis de tous ses membres, elle les invita à développer leurs idées sur cette question et à présenter les réponses avant le 1er janvier 1714 ou, si l'auteur n'habitait | |
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pas Paris, avant le 1er avrilGa naar voetnoot1. Dans sa séance du 26 mai 1714 l'Académie trouva parmi les réponses reçues celle de Fénelon. A cause de la longueur de l'écrit, on n'en fit pas la lecture, mais on résolut de le faire imprimer. Comme cependant l'auteur désirait revoir son ouvrage, avant de le livrer au public, quatre mois s'écoulèrent: le 25 octobre 1714 l'Académie reçut le texte tel que nous le connaissonsGa naar voetnoot2. Au lieu d'une simple réponse à la question de l'Académie, l'oeuvre de Fénelon était devenue une oeuvre critique où l'auteur exposait ses vues littéraires. Plusieurs éditions des écrits de Fénelon contiennent encore un Mémoire sur les occupations de l'AcadémieGa naar voetnoot3, qui passe quelquefois pour être la première rédaction des Réflexions. Nous nous référons toujours aux considérations de M. CahenGa naar voetnoot4, qui, tout en contestant les cinq points où l'abbé UrbainGa naar voetnoot5 fonde sa conviction que le Mémoire n'est pas de l'Archevêque de Cambrai, reconnaît que sa démonstration est ‘tout à fait ingénieuse et vraisemblable’; il s'y conformerait même entièrement, si le P. de Querbeuf n'avait assuré en 1787 avoir fait imprimer le Mémoire d'après le manuscrit authentique. Le Mémoire n'a pas eu d'éditions dans notre pays. Il en est cependant autrement des Réflexions, car publiées officiellement en 1716 sous les auspices de la Compagnie, elles eurent dès l'année suivante trois éditions à Amsterdam chez J.-F. Bernard. Or, comme en France, où, après les deux éditions de 1718Ga naar voetnoot6, il faut attendre 1740 pour les voir réimprimer, les Réflexions semblent avoir perdu en Hollande tout à coup leur intérêt pour le public: elles n'ont plus eu qu'une seule édition complète en 1730 chez le même libraire; celle-ci contient dans un volume les Réflexions et les Dialogues sur l'Eloquence. | |
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Quant aux Dialogues, ils partagent le sort des Réflexions. Florent Delaulne les publie pour la première fois à Paris en 1718, Bernard fait paraître dans la même année une édition française à Amsterdam. Toutefois ce premier succès est suivi d'une longue période de repos: ce n'est qu'en 1730 que paraît le volume qui contient aussi les Réflexions. On pourrait croire que les deux ouvrages auraient été dès lors complètement oubliés. Cependant ce n'est pas le cas: en 1817 paraît à Amsterdam et à Zalt-Bommel une traduction hollandaise des Dialogues, suivie d'un fragment de la Lettre à l'Académie, le Projet de Rhétorique, de la main du prêtre catholique J.-M. SchrantGa naar voetnoot1, d'abord desservant à Amsterdam, puis curé à Bovenkarspel. En 1817 il fut nommé professeur de lettres néerlandaises à l'Université de Gand, où il resta jusqu'à la séparation des royaumes de Belgique et des Pays-Bas; depuis il occupa une chaire à l'Université de Leide jusqu'à sa retraite en 1853. Le livre eut une seconde édition en 1829Ga naar voetnoot2. A la fin de la Préface Schrant donne une justification du grand nombre de notes - elles occupent plus de la moitié du livre - qu'il ajoute aux deux textes: ‘Dat ik mij nogtans door geen gezag heb laten verblinden, daar van kan elk zich overtuigen, die mijne Aanteekeningen wil inzien. Trouwens, meer dan eens moest ik in gevoelens van den edelen Man verschillen, en heb ik zulks dan ook met eene, zoo ik meen, gepaste vrijmoedigheid te kennen gegeven. Ook scheen mij menige plaats voor uitbreiding vatbaar’Ga naar voetnoot3. | |
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Le nombre des notes a été augmenté pour la seconde édition. La grande différence entre les deux éditions réside dans le style. L'auteur s'est efforcé de faire disparaître toutes les constructions faibles que contient la première édition et il y a très souvent réussi. Nous constatons déjà une amélioration dans la correction du titre, suivant lequel Fénelon n'adresse plus sa lettre à la ‘Fransche Hoogeschool’ (Université française), mais à la ‘Fransche Academie’. S'il avait mieux fait de laisser ‘Académie française,’ nous devons lui pardonner cette tendance puriste, défaut dont plus d'un traducteur du XVIIe et du XVIIIe siècles se rend coupable. Comme nous l'avons constaté au commencement de ce chapitre, c'est surtout par des éditions françaises ou des traductions que l'influence de Fénelon est sensible. Cela ne peut pas nous étonner, si nous envisageons la matière de ces ouvrages. Nous pourrions nous attendre à rencontrer des imitations de la Démonstration de l'existence de Dieu, le sujet étant très goûté de nos auteurs pieux. Mais à côté du traité de Fénelon il y a plusieurs ouvrages étrangers qui trouvent ici des lecteurs et des admirateurs, de sorte qu'il est impossible de tirer aucune conclusion définitive. De même pour les Dialogues sur l'Eloquence. Comme on publie dans notre pays des dissertations analogues d'origine anglaise, les idées se confondent tant qu'une influence spéciale, s'il y en a, ne peut être retrouvée. Quant aux autres ouvrages discutés dans cette partie, leur nature même n'admet pas qu'on les reproduise autrement que sans modications; en composant d'autres fables, d'autres contes, en écrivant les vies d'autres philosophes et en affrontant d'autres personnages morts, on n'imite pas Fénelon. La Lettre à l'Académie et les Directions pour la conscience d'un Roi sont d'un caractère trop personnel pour qu'elles puissent être imitées. |
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