Moderne kunst in Nederland 1900-1914
(1959)–A.B. Loosjes-Terpstra– Auteursrechtelijk beschermd
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Les exposants au publicDepuis la fameuse bataille du 8 mars 1910 au Théatre Chiarella de Turin, durant laquelle, debout à la rampe, côte à côte avec le Poète Marinetti, nous avons lancé et défendu à coups de poing notre Premier Manifeste de la Peinture futuriste contre plusieurs milliers de passéistes, nous avons combattu avec furie, conquis de vastes domaines intellectuels et travaillé avec une fièvre intense. Les expositions futuristes qui ont successivement agité et bouleversé l'élite intellectuelle de Paris, Londres, Berlin, Bruxelles, Hambourg, Amsterdam, La Haye, Munich, Vienne, Budapest et Rome, ont démontré lumineusement que grâce à nous l'Italie est désormais à l'avant-garde de la peinture mondiale. Avec une ferveur de recherehes acharnées, nous avons rapidement surpassé en nous-mêmes les phases merveilleuses de la peinture francaise au dixneuvième siècle, jusqu'aux expressions toutes récentes des Fauves et des Cubistes. L'importance décisive de notre évolution esthétique a été constatée et glorifiée par les plus grands critiques étrangers: il nous suffira de citer M. Brooke, du Times, P.G. Konody, de la Pall Mall Gazette, Herwarth Walden, de la revue Der Sturm, Ray Nyst de la Belgique Artistique et Littéraire et le poète Gustave Kahn. L'illustre créateur du vers libre français, qui est aussi le plus moderne des critiques parisiens, proclama en effect, dans deux articles très importants du Mercure de France, qu' ‘on n'avait certainement point vu de mouvement novateur aussi considérable depuis les premières expositions des pointillistes’.
Tout en admirant l'héroisme des Cubistes, qui ont manifesté un louable mépris du mercantilisme artistique et une haine puissante pour l'académisme, nous nous sentons et nous nous déclarons absolument opposés à leur art. Ils s'acharnent à peindre l'immobile, le glacé et tous les états statiques de la nature; ils adorent le traditionnalisme de Poussin, d'Ingres, de Corot, vieillissant et pétrifiant leur art avec un acharnement passéiste qui demeure absolument incompréhensible à nos yeux. Avec des points de vue absolument aveniristes, au contraire nous recherchons un style du mouvement, ce qui n'a jamais été essayé avant nous. Bien loin de nous appuyer sur l'exemple des Grecs et des Anciens, nous exaltons sans cesse l'intuition individuelle, avec le but de fixer des lois complètement nouvelles qui puissent délivrer la peinture de l'ondoyante incertitude où elle se traîne. Notre volonté de donner autant que possible à nos tableaux une construction solide ne pourra guère nous reconduire dans une tradition quelconque. Nous en sommes convaincus. Toutes les vérités apprises dans les écoles ou dans les ateliers sont abolies pour nous. Nos mains sont assez libres et assez vierges pour tout recommencer. Il est indiscutable que plusieurs affirmations esthétiques de nos camarades de France révèlent une sorte d'académisme masqué. | |||||||||||||||||||
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N'est-ce pas, en effet, revenir à l'Académie que de déclarer que le sujet, en peinture, a une valeur absolument insignifiante? Nous déclarons, au contraire, qu'il ne peut pas y avoir de peinture moderne sans le point de départ d'une sensation absolument moderne, et nul ne peut nous contredire quand nous affirmons que peinture et sensation sont deux mots inséparables. Si nos tableaux sont futuristes, c'est qu'ils sont le résultat de conceptions éthiques, esthétiques, politiques et sociales absolument futuristes. Peindre d'après un modèle qui pose est une absurditê et une lâchetê mêntale, même si le modèle est traduit sur le tableau en formes linéaires, sphériques ou cubiques. Donner une valeur allégorique à un nu quelconque en tirant la signification du tableau de l'objet que le modèle tient dans sa main ou de ceux qui sont disposés autour de lui est pour nous la manifestation d'une mentalité traditionnelle et académique. Cette méthode assez semblable à celle des Grecs, de Raphael, de Titien, de Véronèse, est bien faite pour nous déplaire. Tout en répudiant l'impressionnisme, nous désapprouvons énergiquement la réaction actuelle qui, pour tuer l'impressionnisme, ramène la peinture à de vieilles formes académiques. On ne peut réagir contre l'impressionnisme qu'en le surpassant. Rien n'est plus absurde que de la combattre en adoptant les lois picturales qui l'ont précédé. Les points de contact que la recherche du style peut avoir avec ce qu'on appelle art classique ne nous regardent pas. D'autres chercheront et trouveront sans doute ces analogies qui ne peuvent en tout cas être considérées comme un retour à des méthodes, des conceptions et des valeurs transmises par la peinture classique.
Quelques exemples illumineront notre thêorie. Nous ne voyons pas de diffêrence entre un de ces nus qu'on appelle couramment artistiques et une table d'anatomie. Il y a, en revanche, une différence énorme entre un de ces nus et notre conception futuriste du corps humain. La perspective telle qu'elle est entendue par la majorité des peintres a pour nous la valeur qu'ils donnent à un projet d'ingénieur. La simultanéité des états d'âme dans l'oeuvre d'art: voilà le but enivrant de notre art. Expliquons-nous encore par des examples. En peignant une personne au balcon, vue de l'intérieur, nous ne limitons pas la scène à ce que le carré de la fenêtre permet de voir; mais nous nous efforcons de donner l'ensemble de sensations visuelles qu'a éprouvées le peintre au balcon: grouillement ensoleillé de la rue, double rangée des maisons qui se prolongent à sa droite et à sa gauche, balcons fleuris, etc. Ce qui veut dire simultanéité d'ambiance et, par conséquent, dislocation et démembrement des objets, éparpillement et fusion des détails, délivrés de la logique courante et indépendants les uns des autres. Pour faire vivre le spectateur au centre du tableau, selon l'expression de notre manifeste, il faut que le tableau soit la synthèse de ce dont on se souvient et de ce que l'on voit. | |||||||||||||||||||
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Il faut donner l'invisible qui s'agite et qui vit au delà des épaisseurs, ce que nous avons à droite, à gauche et derrière nous, et non pas le petit carré de vie artificiellement serré comme entre les décors d'un théâtre. Nous avons déclaré, dans notre manifeste, qu'il faut donner la sensation dynamique, c'est-à-dire le rythme particulier de chaque objet, son penchant, son mouvement, ou, pour mieux dire, sa force intérieure. On à l'habitude de considérer l'être humain sous ses différents aspects de mouvement ou de calme, d'agitation réjouie ou de gravité mélancolique. Mais on ne s'aperçoit pas que tous les objets inanimés révèlent, dans leur lignes, du calme ou de la folie, de la tristesse ou de la gaité. Ces tendances diverses donnent aux lignes dont ils sont formés un sentiment et un caractère de stabilité pesante ou de légèreté aérienne. Chaque objet révèle par ses lignes comment il se décomposerait en suivant les tendances de ses forces. Cette décomposition n'est pas guideé par des lois fixes, mains elle varie selon la personnalité caractéristique de l'objet et l'émotion de celui qui le regarde. De plus, chaque objet influence son voisin, non par des réflexions de lumière (fondement du primitivisme impressionniste) mais par une réelle concurrence de lignes et de réelles batailles de plans, en suivant la loi d'émotion qui gouverne le tableau (fondement du primitivisme futuriste).
Voilà pourquoi nous avons dit, parmi l'hilarité bruyante des imbéciles: ‘Les seize personnes que vous avez autour de vons dans un autobus en marche sont, tour à tour et à la fois, une, dix, quatre, trois; elles sont immobiles et se déplacent; elles vont, viennent, bondissent dans la rue, brusquemeut dévorées par le soleil, puis reviennent s'asseoir devant vous, comme des symboles persistants de la vibration universelle. Que de fois sur la joue de la personne avec laquelle nous causions n'avons-nous pas vu le cheval qui passait très loin au bout de la rue.Le désir d'intensifier l'émotion esthétique fondant en quelque sorte la toile peinte avec l'âme du spectateur, nous a fait dêclarer que celui-ci ‘doit être placé désormais au centre du tableau’. Il n'assistera pas, mais il participera à l'action. Si nous peignons les phases d'une émeute, la foule hérissée de poings et les bruyants assauts de la cavalerie se traduisent sur la toile par des faisceaux de lignes correspondant à toutes les forces en conflit, en suivant la loi de violence générale du tableau. Ces lignes-forces doivent envelopper et entraîner le spectateur qui sera en quelque sorte obligé de lutter lui aussi avec les personnages du tableau. Tous les objets, suivant ce qui le peintre Boccioni appelle heureusement trauscendentalisme physique, tendent vers l'infini par leurs lignes-forces, dont notre intuition mesure la continuité. Ce sont ces lignes-forces qu'il nous faut dessiner, pour reconduire l'oeuvre d'art à la vraie peinture. Nous interpretons la nature en donnant sur la toile ces objets comme les commencements ou | |||||||||||||||||||
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les prolongements des rythmes qui ces objets mêmes impriment à notre sensibilité. Aprés avoir donné par exemple, dans un tableau, l'epaule ou l'oreille droite d'un bonhomme, nous trouvons absolument oiseux et vain de donner également l'épaule ou l'oreile gauche de cette figure. Nous ne dessinons par les sons, mais leurs intervalles vibrants. Nous ne peignons pas les maladies, mais leurs symptômes et leurs conséquences. Eclairons encore notre idée par une comparaison tirée de l'evolution de la musique. Nous avons non seulement abandonné d'une façon radicale le motif entièrement développé suivant son équilibre fixe et par conséquent artificiel, mais nous coupons brusquement et à plaisir chaque motif par un ou plusieurs autres motifs, dont nous n'offrons jamais le développement entier, mais simplement les notes initiales, centrales ou finales. Comme vous voyez, il y a chez nous non seulement variété, mais chaos et entrechoc de rythmes absolument opposés, que nous ramenons néanmoins à une harmonie nouvelle. Nous parvenons ainsi à ce que nous appelons la peinture des états d'âme. Dans la description picturale des différents états d'âme d'un départ, des lignes perpendiculaires, onduleuses et comme épuisées, cà et là accrochées à des silhouettes de corps vides, peuvent facilement exprimer la langueur et le découragement. Des lignes confuses, sursautantes, droites ou courbes qui se mêlent à des gestes ébauchés d'appel et de hâte exprimeront une agitation chaotique de sentiments. D'autre part, des lignes horizontales, fuyantes, rapides et saccadées, qui tranchent brutalement des visages aux profils noyés et des lambeaux de campagnes émiettés et rebondissants, donneront l'émotion tumultueuse de celui qui part.
Il est à peu près impossible d'exprimer par des mots les valeurs essentielles de la peinture. Le public doit aussi se convaincre que, pour comprendre des sensations esthétiques auxquelles il n'est pas habitué, il lui faut oublier complètement sa culture intellectuelle, non pour s'emparer de l'oeuvre d'art, mais pour se livrer à elle éperdûment. Nous commençons une nouvelle êpoque de la peinture. Nous sommes désormais sûrs de réaliser des conceptions de la plus haute importance et de la plus absolue originalité. D'autres nous suivront, qui avec autant d'audace et d'acharnement conquerront les cimes que nous ne faisons qu'entrevoir. Voilà pourquoi nous nous sommes proclamés les primitifs d'une sensibilité complètement rénovée.
Dans quelques-uns des tableaux que nous présentons au public, la vibration et le mouvement multiplient innombrablement chaque objet. Nous avons ainsi réalisé notre fameuse affirmation au sujet du ‘cheval courant, qui n'a pas quatre pattes, mais vingt.’ On peut noter, en outre, dans nos tableaux des taches, des lignes, des zones de couleur qui ne correspondent à aucune réalité, mais, suivant une loi de notre mathématique intérieure, préparent musicalement et augmentent l'émotion du spectateur. Nous créons ainsi en quelque sorte une ambiance émotive en cherchant à coups d'intuition les sympathies et les attachements qui existent entre la scène extérieure (concrète) et l'émotion inté- | |||||||||||||||||||
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rieure (abstraite). Ces lignes, ces taches, ces zones de couleur apparemment illogiques et inexplicables: voilà les clefs mystérieuses de nos tableaux. On nous reprochera sans doute de trop vouloir définir et exprimer d'une façon évidente les liens subtils qui unissent notre intérieur abstrait à l'extérieur concret. Comment voulez-vous, d'autre part, que nous accordions une liberté absolue de compréhension à un public qui voit toujours comme on lui a appris à voir, avec des yeux faussés par la routine? Nous allons détruisant chaque jour en nous et dans nos tableaux les formes réalistes et les détails évidents qui nous ont servi à établir un pont d'intelligence entre nous et le public. Pour que la foule jouisse de notre merveilleux monde spirituel qui lui est inconnu, nous lui en donnons la sensation matérielle. Nous répondons ainsi à la curiosité grossière et simpliste qui nous environne, par les côtés brutalement réalistes de notre primitivisme.
Conclusion: notre peinture futuriste contient trois nouvelles conceptions de la peinture:
N.B. Toutes les idées contenues dans cette préface on été longuement développées dans la conférence sur la Peinture futuriste, tenue par le peintre Boccioni au Circolo Internationale Artistico de Rome, le 29 mai 1911. |
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