Mlle Louise S. Bruxelles.
Rome, 6 Avril 1874.
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Mais il faut vouloir aimer Rome pour l'aimer, moi je l'ai voulu, et je l'aime à présent, surtout à cause du monde qui est charmant, gracieux, affable, sans gène, familier, et pourtant distingué, ne dépassant jamais les bornes du comme il faut, c'est le peuple de mes rêves, que j'ai cherché partout, sans jamais le trouver. - Pourtant ce serait le peuple qui me tuerait, je crois, si je restais ici! J'ai des amoureux dans toutes les classes de la société, et il me faut toute la politique dont une femme sait se servir, pour échapper à tous sans blesser personne! Les cochers des vigilantes même me pressent la main quand je leur paye une course, et l'homme qui m'apporte mon diner du restaurant, oubliait de reprendre ses plats ce matin, pour me dire de l'air le plus respectueux du monde: ‘Belle comme un ange! Comme la mère de Dieu!’ - Enfin, ils sont d'une nature amoureuse à faire peur aux plus courageuses!
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Ah! ce jour là vous eussiez été fière de moi, si vous m'aviez vue! J'étais la plus belle de toute l'audience, car j'étais la seule en velours, et puis la dentelle de Mme *** qui m'enveloppait d'une ample draperie de la tête aux pieds, me donnait un air plus riche que n'avaient les autres dames avec leurs voiles ordinaires, qui leur couvraient les épaules seulement.
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La grande audience générale, donnée à tous les étrangers, avait lieu dans l'immense salle du trône au Vatican. Nous étions plus de mille personnes ce jour là, et la foule était si compacte que j'ai sauvé une petite soeur de charité encore en la mettant sur une chaise! Tout le monde voulait être en avant pour bien voir le Saint Père et le toucher, s'il y avait moyen! Moi, qui l'avais vu déjà (et touché aussi) je me retirais en arrière.
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