Mijn leven
(1877)–Mina Kruseman– Auteursrechtvrij
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depuis quelque temps, car je bouleverse entièrement mon pauvre petit pays! Et je pose la première pierre d'une révolution terrible qui ne tardera pas à éclater! Ma lettre ‘Poeier in de pot’ (comme vous l'appeliez) ainsi que ma lectureGa naar voetnoot1 ‘Ze waren met haar vijven’ a fait scandale ici! J'ai été critiquée, condamnée, excommunicée, que sais je moi! La première ville ou j'ai lu a voulu me tuer net, d'un seul coup de plume, et ne s'est pas gênée de dire que moi je ne valais rien du tout et que ma pièce ne valait pas mieux que moi! - Quel malheur! Ma pauvre petite compagne en était toute perdue et me conseilla de prendre une autre lecture, puisque ‘Ze waren met haar vijven’ n'avait pas plu. ‘Tant mieux! Si ça n'a pas plu, c'est que c'est trop vrai peut-être. En général on n'aime que le mensonge, et moi, je ne ments pas, je dis la vérité et je la répèterai jusqu'à ce qu'on m'aura comprise et applaudie.’ Et sans me décontenancer le moins du monde, j'ai repris ‘Ze waren met haar vijven’ pour la lecture suivante, et je lis la même histoire encore maintenant devant un public assez capricieux, mais qui m'applaudit tous les soirs, en riant aux éclats. Voilà pour une de mes querelles; l'autre maintenantGa naar voetnoot2 ‘Poeier in de pot’ a fait sensation aussi. Cette Hollande si laconique, si endormie, si indifférente, s'est réveillée en sursaut pour me jeter la pièrre. Les journaux m'ont attaquée de toutes parts, mais toujours sans m'en dire mot. Par hazard j'ai rencontré un ‘Vaderland’ (journal libéral) qui m'attaquait assez rudement dans un article ‘Weener Tentoontelling’. Naturellement ce titre seul me donna déjà des armes nécessaires pour me défendre, ce que j'ai fait dans le même journal, en commençant par la simple question que voici: ‘Sedert wanneer is Weenen Nederland?’ Puis je leur ai dit tout ce que je pouvais dire contre les gens qui jugent les autres, parce qu'ils n'ont jamais rien fait pour mériter l'honneur d'être jugés eux-mêmes. Il va sans dire qu'on m'a répondu encore et que là dessus j'ai entamé ma grande discussion sur le ‘doove’ qui dirige la musique en Hollande. Ce dernier sujet m'a servi de speech à Amsterdam même, où demeure ce sourd. Dans une salle bien comble, j'ai raconté ma rencontre avec ce sourd, il y a quatre ans, et, malgré leur indignation, leur rage, etc. ce public, de plus de 500 personnes, m'a applaudie comme jamais encore je n'ai entendu applaudir en Hollande. Naturellement j'ai été excommunicé (socialement parlé) après une méchanceté pareille! Comme j'en ai ri! Surtout, parceque tout le tapage qu'ont fait les journaux au sujet de cette hardiesse, nous sert de réclame | |
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maintenant, et nous garantit un public convenable, même dans les plus petites villes! Que m'importent, après tout, les méchancetés qu'on écrit! Je n'ai qu'à me montrer pour gagner mon auditoire, et chaque soir mon succès grandit. Hier soir par exemple, comme deux jours auparavant on m'a tellement acclamée (à l'Américaine!) que j'ai été obligée de revenir dans la salle et de remercier, comme au théatre, ce public enthousiaste! Vous comprenez comme mes ennemis enragent! Les pauvres gens n'y peuvent rien! Au contraire, plus ils disent du mal, plus je surprends mon public, qui, entraîné malgré lui, oublie bientôt ses préjugés et me fête d'autant plus! .........................
Mina Krüseman. |