Mlle C.P. Nice.
Bruxelles, 4 Novembre 63.
Bien chère Carlotta!
Voilà enfin une lettre de commencée! Nous avons été en Hollande, et nous avons eu des distractions, des embarras, des scènes, des plaisirs, des émotions sans fin! Ne nous en pleignons pas! C'est ainsi qu'on se sent vivre.
La famille *** est partie, non pas pour Nice, mais directement pour les Indes. Madame était mourante, mais agitée, impatiente, fiévreuse, pleine d'illusions et n'espérant qu'une chose: revoir sa mère et sa patrie! C'était affreux à voir comme elle était faible et courageuse à la fois. Elle ne savait plus parler sans tousser, la respiration lui manquait, sa voix s'éteignait et encore elle causait en gestes, elle riait des yeux!
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Monsieur et Madame X se portent assez bien, ainsi que le petit que j'ai vu encore, il y a quelques jours, maltraitant un petit cheval en bois. La nature ne se dément pas, un vrai coeur de militaire, comme vous lui connaissez d'ailleurs! Maintenant il habille ses tantes en officiers, il se crée un tambour d'une porte entre-baillée, il s'amuse à tuer un petit cheval en bois. Plus tard il poursuivra ces mêmes idées, seulement il n'y aura plus ni de tantes, ni de porte, ni de petit cheval en bois; il s'habillera lui-même et il se battra pour vivre. Pourvu qu'il ne vivra pas pour se battre, et tout sera pour le mieux!
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En fait de musique, rien de nouveau. Toute la troupe du grand théatre est souffrante. Des maladies de poitrine, etc: les indispositions ont cédé le pas à des infirmités plus graves; et, pour suppléer aux voix qu'on n'a pas, on promet des danseuses, ce qui fait que le public n'est plus content de celles qui y sont, et les siffle cinq fois par semaine pour forcer la direction à lui présenter ces autres qui n'existent pas, peut être! Comme vous voyez, Bruxelles n'a pas encore changé du tout. ‘L'espoir fait