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Rognures.
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Fragment dramatique.
Acte I.
Scène I.
Une chambre délabrée.
Plus de fenêtres éclairées; le soleil est couché, le firmament s'illumine; tout dort ou fait semblant. Pas de vent qui trouble la paix des airs ou remue les plantes qui sommeillent ou alarme les oiseaux cachés dans leurs nids. Sur la terre ni bruit de pas, ni bruit d'haleines; ni lune, ni nuages au ciel, rien que les astres qui veillent mystérieusement sur les hommes et règlent leurs destins; partout silence et repos, l'univers est assoupi. Moi seule je suis là comme les oiseaux de nuit... comme ceux qui aiment! Je veille, j'écoute, je marche, je tressaille à chaque pas, à chaque pas je me dis: si c'était lui! Affreuse destinée que la mienne et qui ne se nourrit que d'espoir, vain brouillard! Pauvre femme que je suis!.. L'heure sombre est mon heure; la nuit, le deuil du monde sont à moi! Et je crains bien que j'exerce un exécrable métier, car il n'est point permis à l'homme d'oser jeter les yeux dans l'avenir, de pénétrer dans les terribles arcanes que Dieu lui a interdits. Mais le Seigneur qui sait tout et qui plonge les regards jusqu'au fond de l'âme la moins limpide, pardonnera à une pauvre mère abandonnée! Oh! mon fils, si je te
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retrouvais! A chaque jeune Seigneur qui vient chez moi et qui m'ordonne de lui dire son sort je demande son âge, et lorsqu'il me répond: vingt ans! il me semble déja ouir la voix de mon enfant, et l'espérance fait briller mes yeux presque éteints comme lorsque j'avais vingt ans comme lui; je saisis son pied, jedétache la botte, mes regards cherchent avec avidité les vestiges de la cicatrice qu'il porte au pied gauche . . . mais le peid gauche que je cherche n'est pas encore venu. Je le vois encore ce cher petit ange, si blond, si joli et si doux! Certes, il m'eût fait honneur. Oh! c'est pour toi seul, mon enfant, que je suis devenue une si grande pécheresse! Si je te retrouvais, si tu venais, mon fils, avec tes vingt ans et ta large cicatrice, si tu étais là devant moi, et que tu me disais: ma bonne mére! - car j'ai besoin de m'entendre nommer mère; être mère depuis vingt ans, et ne s'être jamais entendu nommer de ce doux nom, c'est cruel! - je jette mes haillons, je tombe à genoux devant lui, je me ris du mépris du monde que j'ai trompé, que j'ai trompé pour mon fils! je l'étouffe sous mes baisers!.... Oh! je mourrais!
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Scène II. La mère et le cavalier.
Pardon, beau cavalier, l'âge m'accable. La volonté de connaître les secrets de l'avenir vous amène sans doute chez moi?
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Non, vieille. Je viens ici pour affaire amoureuse. On frappera une seconde fois, ce sera la femme que j'aime. Comme si nous avions voulu te faire honneur, nous nous sommes donné rendez-vous chez toi, prêtresse d'enfer. Voici en attendant de quoi rassasier ton appétit de démon. (Il lui jetle une bourse.)
Asseyez-vous, mon Seigneur.
Ecoute, je m'ennuye. Il faut un peu me divertir. Voyons! chante-moi quelque chanson bien folle de ton maudit pays de Bohême ou danse-moi une de ces danses luxurieuses....
Hélas, mon Seigneur! regardez ces jambes grêles et chancelantes, écoutez cette voix tremblotante et cassée.
Alors dis-moi l'avenir. C'est un passe-temps comme un autre. Mais tu vas me promettre les plus belles choses du monde, entends-tu? de beaux châteaux, de grands honneurs, et surtout rien de sinistre.
Confiez-vous à ma science, elle est plus sûre que vous ne le croyez.
Voici de l'or et ma main.
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la mère, d'un ton inspiré.
Dis-moi qui tu es, je te dirai qui tu seras.
Le beau commencement! - - - - - - - Mon histoire est bientôt dite. Je ne connais ni père ni mère. Je suis un enfant élevé dans les camps, nourri de sang et de poudre, ayant faim et soif avec l'armée, allant où va l'armée, dormant où dort l'armée, soldat parce que je n'ai vu que des soldats, protestant parce que l'armée est protestante. Bref, je suis fils de l'armée et cette parenté en vaut une autre. - - - - - - - - - - J'allais le soir l'entendre chanter à sa croisée et je lui répondais. Elle trouva ma voix douce et belle, comme je trouvais douce et belle la sienne. Notre amitié devint plus forte. La lumière de sa chambre m'appelait chaque soir, et nous étions heureux bien souvent. - - - Son père tombe entre les mains de l'ennemi et pour rançon on demande sa fille. Le lendemain il n'y avait plus de lumière. On l'a jetée comme une proie à un des généraux ennemis. Mais notre vengeance s'apprête, nous fuyons et - - - - - - - - - - - -
Tu es donc seul, semence venue entre la pierre des ruines! Tu ne sais donc pas comme c'est pur et saint l'amour d'un père et d'une mère?
Quel est votre âge, Seigneur?
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Vingt ans! - Donnez-moi votre main droite. - Que je voie ton pied - ton pied gauche.
Par tous les saints que je renie, veux-tu rire, vieille folle? Voilà ma main.
Il faut absolument que je voie votre pied! Il est des signes qui correspondent de la gauche à la droite, de même que de la droite à la gauche. Comme un obélisque l'homme est parsemé de signes mystérieux que les initiés seuls savent lire. L'homme est un livre, heureux qui peuvent l'expliquer. Permettez, Seigneur! Je vous le demande comme une grâce. Rien qu'un instant. Je vous rends votre or! mais laissez-moi faire - - - - - - - Père éternel, mon enfant!
Laisse-moi, tu m'étouffes!
Oh! c'est bien toi, toi que j'avais perdu, qu'on m'avait pris! C'est bien là la place où est entré le couteau. N'est-ce pas que tu as eu toujours cela au pied?
Eh bien, c'est moi, ta mère, qui devais te reconnaître à ce signe. Je te retrouve enfin! Que je t'embrasse encore! Tu ne sens donc rien qui remue dans tes entrailles et qui te dit que tu m'appartiens, que nous
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sommes un même corps, une même chair, un même sang? - - - - - - Je suis une pauvre fille séduite. C'était un soir, nous dansions au village; un chevalier vint par là, il joua avec moi, me fit asseoir sur son cheval, le cheval s'envola, j'étais perdue. La porte de mes parents resta fermée pour moi. O mes champs paternels, je vous avais perdus! J'allai pour reconnaître mon séducteur et les camps furent mon asile. J'y appris d'un vieux bohémien le métier que j'exerce. J'accouchai. Huit jours après des soldats vinrent me prendre mon enfant. Ton père, mon fils, t'a répudié, pour te lancer dans l'armée, comme un habit mal fait qu'on livre à ses gens. J'étais à l'hôpital. Je leur lançai à la tête les tisons du foyer devant lequel je me chauffais. Ils n'osaient approcher. Cependant mes forces succombérent; mais lorsque je vis que l'un d'eux t'avait pris sous son bras, le désespoir s'empara de mes sens, je saisis un couteau, je frappai; mais troublée comme j'étais, le fer s'échappa de ma main et te fit une blessure. Le sang coulait en abondance. Je te criai: ce n'est pas pour toujours, mon fils, c'est au pied gauche! Puis mon coeur se brisa, je tombai sur la pierre et le ravisseur t'emporta. Alors je suivis les armées. Lorsqu'une femme tombe, elle tombe toujours dans la fange; je me prostituai aussi longtemps que mes yeux eurent des flammes, mes joues des roses, mes propos des folies, mes lèvres des sourires. Mais la débauche et le chagrin ont bien vîte fané toutes ces fleurs de jeunesse. - - - - - - - - - - - - - - - Porte cette bague, mon fils; c'est celle de ton père, tu le connaîtras un jour.
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Scène III. La mère, le cavalier à l'écart, trois hommes armés, puis marguerite.
Peut- on entendre là ce qui se dit ici?
Tu nous cacheras là. Et silence! Ma dague est bonne.
Nous sommes perdus. C'est son époux, je l'ai bien reconnu.
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Demain soir, à la même heure! Nous ne pouvons fuir aujourd'hui. Mon époux est instruit.
Malheureuse, ton époux est là. Tu tombes dans un piège.
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Scène IV.
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Acte II.
Scène I.
Une salle gothique.
- - - - - - - - En vérilé, je ne comprends pas ce qui te rend hardi à ce point d'oser porter les yeux sur marguerite. Un misérable, un fils de bohémienne! Va te choisir ton épouse au sabbat! Cela crie vengeance et je l'aurai. L'heure approche, Madame marguerite, l'heure suprême où ton Rizzio se réfugiera entre tes jambes comme un chien qui a peur et où je t'apparaîtrai comme un spectre et briserai de ma main de fer le frêle corps que tu aimes. Je te promets que ma vengeance sera belle! Tu embrasseras mes genoux et tù me diras: mon doux Seigneur! à moi que tu détestes, et tu baiseras mes cuissards et tu ensanglanteras tes mains en arrêtant la lame du poignard. Je serai là, froid, impassible, inexorable comme le destin, et quand je dirai: frappe! il y aura un cadavre.
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Scène III.
- - - - - - - - - - - - O mes jours de bonheur! on disait que c'était un bâtard, un homme jeté sans nom sur la terre et venu on ne savait d'où. Le monde le regardait avec mé-
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pris, parce que le monde cherche à tout ravaler, pour que tout lui ressemble. Moi, je me le figurais comme un prince ignoré, parce qu'il était brave et brillant et que je l'aimais. D'ailleurs sa voix était si pure, ses mains étaient si blanches, il y avait tant de séduction dans ses paroles, ses cheveux blonds voltigeaient si gracieusement. Maintenant on me fait un crime de l'aimer et on veut m'en punir. Injustice! puisqu'on m'a prise à lui. Garde à toi, mon époux; lorsque la vengeance viendra souffler sur le brasier qui dort et que tu touches un seul cheveu de sa tête tu es perdu, et tu tomberas lâchement, obsourément sous la main d'une femme.
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Il s'en va sans dire que l'époux est le père du cavalier.
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