Opuscules de jeunesse. Deel 2
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Livre VIII. | |
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Rèves.I.J'étais à la veille d'un long voyage. J'allais partir. J'avais bien quarante ans. Je croyais me trouver entre les parois simples el intimes de la chambre où demeuraient mon ami et son enfant. Son enfant était un garçon de seize à dix-sept ans que j'aimais et qui me payait de retour. Le père se tenait près du piano qui n'était pas ouvert; il avail l'air très sérieux. Je venais leur dire adieu, à lui et à son fils; à son fils surlout! car je savais que cet aimable enfant mourrait en mon absence - le sommeil me l'avait annoncé - et que je ne le reverrais plus jamais. J'avais le coeur brisé. Tout-à-coup il s'élance dans la chambre el sur mon sein, comme l'abeille à la fleur. Je l'embrassai longtemps et étroitement. Je pleurais. Il riait. Il possédait tout ce qui fait compter sur la vie et tout ce qui la garantit: jeunesse, bonheur, liberté! Son oeil avait tant de feux, ses longs cheveux blonds ondoyaient si mollement sur ses joues vermeilles!... Déchirante pensée! il devait mourir!... Je ne sais plus | |
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exprimer maintenant tout ce que mon àme souffrit, mais je sais que je tins l'enfant si fortement pressé contre moi que je m'éveillai, en m'écriant: - Seigneur, refermez, refermez les portes de l'avenir! Gràce, jusqu'à la tombe! Je me trouvai baigné de larmes. | |
II..... Il rêve, et son imagination lui forge des images épouvantables. Il croit voir un sentier tortueux qui semble trempé comme d'une averse: le ciel cependant est sans nuages. Un homme est là qui, sombre et la tête appuyée sur la poitrine, regarde cette boue. - Ce sont les larmes de ta mère, s'écrie-t-il tout-àcoup, qui bouleversent le sentier de ta vie. Ingrat, ces pleurs crient vengeance vers le Juge éternel! Il s'éveille. - Mon père! s'écrie-t-il avec angoisse et en bondissant, en se tordant sur son lit, mon père, je t'ai reconnu! tu viens.....
1828. | |
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M. Arnold da Costa vient de publier un volume de contes hollandais, sous le titre de: Abraham Pinedo, docteur d'Amsterdam. M. da Costa a beaucoup d'esprit. Il veut se donner la peine d'être véridique, d'instruire les Français et de leur faire enfin ouvrir les yeux sur nous. Il leur dit que les Hollandais ne sont pas tout-à-fait aussi peu courageux que ses compatriotes le supposent et que la vie à Amsterdam ne diffère pas autant de la vie à Paris qu'on le croit communément; il se moque fort de ce qu'on n'a jamais voulu considérer les Hollandais que sous le seul point de vue, essentiel sans doute! de la propreté, et me parait avoir saisi parfaitement le caractère et l'esprit commercial et artistique d'Amsterdam.
Je crois que pour bien apprécier la Nation hollandaise de Helmers, il faut la considérer comme un poème de | |
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circonstance, écrit avec le but de consoler et de soulager le peuple, gémissant sous la politique de l'Empereur, en lui retraçant les hauts-faits de ses pères et en lui prédisant un avenir plus serein. Tous les défauts du poème, sa boursoufflure, sa redondance, ses métaphores hyperboliques, son mépris des nations voisines, son engouement patriotique, s'expliqueront alors. Encore faudra-t-il convenir qu'il fut de la couleur de l'époque, grandiose, doré, couvert d'oripeaux classiques, auxquels toujours Purpureus late qui splendeat, unus et alter Assuitur pannus; car le plan de la Nation hollandaise n'est qu'un tissu de brillants épisodes.
1835.
Il ne serait pas sans intérêt de faire sentir la ressemblance qui existe entre l'histoire de la Grèce et l'histoire de la Hollande. Dans les deux pays les arts avaient été cultivés avec succès, lorsque éclata en Grèce la guerre Persique, en Hollande la guerre de quatre-vingts ans. La mauvaise fortune, la misère, la détresse, furent à leur comble, et le courage le plus exallé et la vertu civique | |
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la plus admirable purent seuls vaincre la tyrannie et conquérir la liberté. Après ces temps désastreux où la lyre resta muette, où le ciseau dormit, où le pinceau sécha sur la palette abandonée, l'art refleurit plus abondamment que jamais; ses parfums furent plus doux, ses feuilles plus fraîches, ses fleurs plus colorées. Alors, dans les deux républiques, se trouva répandu sur les arts un tel bien-être, une telle vigueur, un tel enivrement de liberté; on ressentit dans les deux pays une telle soif de tout ce qui est véritablement grand et beau, qu'il ne faut pas s'étonner si l'art grec n'ait pu se soutenir longtemps à cette hauteur et qu'il est très remarquable qu'en Hollande le dix-neuvième siècle ait apporté pour la pensée des formules si nouvelles et si pures. | |
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Qu'est-ce que la douleur corporelle, la douleur de la matière? Une affection, un chatouillement trop vif des nerfs. On trouve du plaisir à se frotter la jambe, mais si on se la frotte trop fortement ou d'une façon trop vigoureuse, on se fait mal, parce que les nerfs sont trop vivement irrités. L'âme est faite pareillement; elle se dilate aux coups peu sensibles, aux secousses peu rudes, mais elle se sentira blessée par un choc trop soudain. Lorsque l'âme ou le corps est aiguillonné plus vivement qu'il ne peut supporter, l'homme éprouve ce qu'on nomme douleur, et c'est pourquoi la joie pleure comme elle.
Si l'on en croit les femmes, celles-ci jugent mieux de la beauté des hommes, les hommes mieux de la beauté des femmes. Cela n'est vrai qu'en partie. Vrai, lorsqu'il s'agit de la beauté corporelle, de la beauté qui aiguillonne | |
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les sens; faux, lorsqu'elles veulent faire entendre par là qu'elles savent mieux apprécier dans les hommes que les hommes eux-mêmes, si la beauté masculine approche plus ou moins de ce type idéal que toute créature contemple dans les cieux de l'art et où cette vie n'atteint pas. Les hommes seuls peuvent juger de cette espèce de beauté chez les hommes, car le jugement d'une femme ne saurait jamais être calme; ses nerfs sont trop irritables et son esprit sujet à trop de fluctuations, d'ailleurs elle est cause et partie; et les hommes jugent mieux en même temps de cette espèce de beauté chez les femmes que les femmes elles-mémes, parce que, loin de s'arrêter aux misères matérielles qu'enfantent les passions et à la manière de voir presque toujours étroite de la femme, leur intelligence supérieure et plus austère élève tout de suite leur pensée ou celle de la femme ne parvient jamais.
Ce qu'on nomme ambition est le désir d'atteindre un but qui recule toujours. La vraie gloire c'est le désir d'atteindre un but moral. La vraie gloire ce n'est pas une tête que parent quelques lauriers sanglants, un nom qui fait frémir, une mort triomphale dont les angoisses évoquent peut-être des ombres vengeresses; c'est un chemin jonché de fleurs | |
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par un peuple reconnaissant, c'est un nom que bénissent les accords de la lyre. L'ambition c'est l'impossible, tandis que la vraie gloire est une manne qui descend du ciel et sa passion une de ces forces nobles et grandes que, pour accomplir ses volontés, Dieu met en l'homme.
1832. |
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