Opuscules de jeunesse. Deel 2
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Chère et belle enfant, dont l'aurore se lève si vermeille et si rose, tu ris, insoucieuse et légère; tu t'ignores, tu n'as jamais sondé la profondeur de ton âme. Charmante Emma, rien ne t'attriste; tu chantes et joues comme il convient à ton âge; tu folâtres sur la verte terrasse qui s'étend devant ta maison; tu aimes à lancer la balle bigarrée dans la main de tes compagnes, à chasser ton cerceau par les sentiers capricieux, à te laisser emporter par l'escarpolette aérienne ou à t'élever dans les airs, tandis que la corde qui tourne autour de toi frappe l'empreinte de tes pas. Oh! tu es charmante dans ces jeux de ton enfance que tu regretteras plus tard. Il est ravissant, ton laisser-aller ingénu, ton aimable nonchaloir, tes mouvements brusques et subits, tes folles chansons qui s'arrêtent dans un sourire ou expirent dans une pensée que t'apporte le souffle de l'air qui te frappe, du moindre mot qui se dit autour de toi. Tu es heureuse, mon Emma! beau papillon dont l'aîle ne s'est jamais déchirée aux épines, qui n'a jamais respiré que de suaves parfums et qui n'as bu que le miel de toute chose! | |
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Emma, tu es le prophète de ton avenir. Ton présent prédit ton lendemain. J'aime souvent à te faire grandir dans mon esprit, à devancer les pas tardifs du temps, à arrondir ton beau sein qu'agite un inquiet va-et-vient, à allonger tes beaux cheveux bruns, à les faire ondoyer sur tes blanches épaules et à y semer quelques fleurs des champs, à faire venir en ton âme toutes les vertus, tous les talents qui n'y germent qu'à peine, à embraser tes yeux foncés du feu de l'amour qui va percer le rideau qui nous voile encore leur éclat. Oh! vienne le jour où la réalité te conduise ainsi devant moi; vienne le jour où je tombe aux pieds de cette idole que ma fantaisie construit plus vite que le temps; vienne le jour où je t'emporte, où je te presse sur mon coeur, où je t'enivre dans mes bras, mon bel ange, et où tu me dises de ta voix caressante: - je suis à loi, je t'appartiens!
Mais le temps de ces paroles sera un temps dangereux, Emma! Ce sera le temps du mensonge flatteur, de la vanité, des promesses trompeuses, des frivolités, des éga- | |
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rements, des séductions du monde. Prends garde, chère enfant! Que ton avenir n'aille pas changer sa couronne de roses contre une couronne d'épines, ou son siège de velours contre la froide pierre du chemin. Reste étrangère à ce monde perfide, ne cherche pas à descendre jusqu'à ses brillantes misères, ne te perds pas dans ce funeste tourbillon; ferme l'oreille aux discours empoisonneurs, ne le laisse pas glisser dans la fosse que le monde creuse toujours si profonde devant les pas des jeunes filles. Oh! je t'en conjure, reste simple, reste bonne, reste ingénue et douce, et que je te voie toujours ce regard de céleste innocence qui ne se baisse devant aucun regard. Alors tu m'aimeras comme tu m'aimes aujourd'hui, je t'arracherai à tous ces périls du jeune âge, je t'abriterai contre les orages qui flétriraient ta beauté, je t'élèverai saintement, et je t'aimerai comme on aime tout ce qui est plus pur et meilleur que soi-même; tu seras la flamme qui, brûlant en moi, me prêtera son lustre et son éclat, moi, je te protégerai contre la bise qui te ferait vaciller ou t'éteindrait. Au sein des champs, au sein de la belle et simple nature, en extase sans cesse devant la grandeur de notre tout-puissant bienfaiteur, oubliés du monde et l'oubliant à notre tour, nous coulerons des jours paisibles et tranquilles, pieusement et joyeusement; nous nous ferons l'un à l'autre un paradis de cette terre, nous serons fiers l'un de l'autre, et dans son téméraire orgueil notre bonheur défiera la béatitude du ciel! | |
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Quel rêve! et ce destin sera le nôtre! Comprends donc maintenant la poésie dont tu marches couronnée. Emma, ton avenir illumine le mien; Emma, tu es.un astre près de se lever sur ma vie, près d'éclairer, de féconder mes jours! Le ciel est bleu, la nuit sera belle. Chaste Diane, parais, parais à l'horizon, Endymion t'attend!
1835. |
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