Opuscules de jeunesse. Deel 2
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Sans mouvement et livrée à la méditation, Isabelle était assise sous l'ombrage du tilleul dont le moindre vent n'agitait pas le feuillage. Sa tête reposait sur sou sein, sa main sur son genou, ses regards sur la terre fleurie. Son corps était si complètement subjugué par son âme travaillée, sa pensée si merveilleusement développée, que son âme et sa pensée anéantissaient son corps, et il se pourrait qu'en ce moment un faible écho de cette vie des trépassés, de cette existence prolongée de l'âme au-delà de la tombe, fût parvenu jusqu'à elle. Le passant qui l'eût aperçue ainsi, dans la solitude du bosquet, éclairée par les rayons de la lune, eût cru voir une de ces statues de marbre qui protègent et ornent les tombes; ou peut-être son imagination eùt contemplé en elle une ombre, visitant des lieux qu'elle chérissait pendant sa vie et priant pour ceux qui sont encore ici-bas, marchant dans l'erreur et le péché. Mais les anges du ciel qui pouvaient lire en son coeur, la regardaient comme une compagne, car son âme était profondément triste. - Et pourtant, pensait-elle, et pourtant, bien-aimé de mon coeur, tu étais bon pour moi, et aucun de tes sen- | |
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tiers n'était fermé pour ton Isabelle, mais tu étais fait comme la foule des hommes. Ah! pourquoi, jeune et charmée, t'ai-je cru supérieur au reste des mortels, pourquoi devais-tu détruire mon illusion si cruellement, si involontairement, briser à mes yeux le magique miroir où tu me semblais si grand, blesser mortellement mon coeur, ô ma rose, de la seule épine que ta tige portât! Hélas! l'expérience ne se lève qu'après que le bonheur a disparu derrière l'horizon, et quelque blanche que soit la neige de l'âme, la pénétration ne tarde pas à y découvrir la tache dont la terre s'est hâtée de souiller cette plume du ciel. Oh! si un jour, folle chimère! je rencontrais enfin un être, que ma raison, mon jugement, et non plus mon exaltation, non plus l'égarement, la fascination de mes sens, non plus l'empire de la chair, me montrassent comme l'idéal de la vertu, de la perfection, oh! que je l'aimerais, cet être noble et pur; non de l'amour que nous présente la terre et dont j'ai goûté la douceur dans les bras de mon bien-aimé, mais d'une amitié comme celle des anges, mais avec tout mon coeur et toute mon âme, mais avec respect et soumission, comme il convient à une femme, tombée par le péché si loin audessous de l'objet de son amour, mais avec adoration! et devant son autel sans tache j'allumerais à la flamme de mon coeur l'encens que lui brûlerait mon âme!... Si mes désirs osaient espérer davantage! si cet être, dans sa vertu toute-puissante, daignait abaisser scs regards jusqu'à moi, misérable, avoir pitié de moi, me protéger de son | |
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ombre bienfaisante, me porter ses consolations; et si moi, pauvre femme délaissée, purifiée, divinisée par son amour, je marchais, devant les yeux des hommes, à la main de la vertu insouillée dans une extase sans fin!... Elle se leva lentement; ses cheveux noirs flottaient sur sa robe blanche. Élevant en même temps au ciel ses yeux, qui disaient tous les combats de son àme et qui versaient des torrents de pleurs, elle s'agenouilla et pria. C'est qu'elle avait trouvé son idéal.
Peu de temps après une jeune femme se consacra au Seigneur.
1834. |
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